mercredi 31 juillet 2024

CONTINUE...!



Se fondre dans un moule, se perdre dans la foule, savoir si on plaît, croire ce que l’on est. Pour chaque heure qui s’écoule,  un être de nouveau s’écroule, écrasé par le poids de la réalité, et la perte de sa personnalité. Si on veut te formater, continue de râler, si on veut t’en empêcher continue d’avancer, si on veut t’imposer, continue de lutter. Si on veut te frapper continue d’avancer. En chaque personne qui résiste, reste une vérité qui persiste, celle d’un retour aux vraies valeurs, qui aux hypocrites font déjà peur.

 

« Ravalement » l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Ils ont quitté leurs geôles dans la nuit, après des années de détention arbitraire. Les journalistes marocains Omar Radi, Soulaimane Raissouni et Taoufik Bouachrine sont enfin libres, à la faveur d’une grâce royale qu’ils n’ont pas sollicitée. Comme eux, 2 476 détenus ont retrouvé la liberté.

Cette nouvelle ne peut que réjouir les défenseurs des droits humains, dans un pays où la monarchie s’est employée, cette dernière décennie, à réduire au silence toutes les voix critiques, à instrumentaliser les accusations de droit commun montées de toutes pièces pour salir, diffamer, réprimer les opposants. Dans l’affaire Omar Radi, l’enquête commune, en 2020, de l’Humanité et de Mediapart avait jeté un jour cru sur les méthodes du Palais pour bâillonner les journalistes.

Ce geste est-il le signal d’une ouverture démocratique ? On ne peut guère y croire, quand les révoltés du Rif restent, comme les prisonniers politiques sahraouis, derrière les barreaux. Cette grâce pourrait bien tenir, en revanche, du ravalement de façade, à l’heure où l’Élysée reconnaît dans l’ombre la souveraineté marocaine sur les territoires occupés du Sahara occidental. À Rabat, c’est le fait du roi qui décide du sort des détenus d’opinion.

À Paris, le périmètre des « affaires courantes » expédiées par un gouvernement démissionnaire, défait par les urnes, est extensible. C’est ainsi la ministre sortante de la Culture, porte-parole du Makhzen à ses heures perdues, qui a révélé la première la teneur de la lettre adressée par Emmanuel Macron à Mohammed VI : « Je considère que le présent et l’avenir du Sahara s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. »

La France a toujours épaulé le Maroc dans sa guerre contre le Front Polisario. Elle a fait de mille façons entrave à une issue diplomatique de ce conflit. Voilà désormais qu’elle rompt explicitement avec le droit international, avec les résolutions de l’ONU qui reconnaissent le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui.

Les intérêts économiques enchevêtrés, la volonté française d’user du tremplin marocain pour reprendre pied en Afrique de l’Ouest, où la Françafrique est conspuée, motivent ce revirement. Pour obtenir de Paris cette légitimation de l’entreprise coloniale au Sahara occidental, le Palais devait concéder, sur le terrain des droits humains, quelques gages de bonne grâce.

 

« Élégance », le billet de Maurice Ulrich.



La malle des Indes est un numéro d’illusion. La malle Vuitton c’est du spectacle. Le 14 juillet, Tony Estanguet en a sorti la torche olympique. Le soir du 26 juillet, c’est depuis un pavillon en forme de malle dans l’hôtel Cheval Blanc, tout en haut de la Samaritaine, que le PDG de LVMH, Bernard Arnault, a pu lever son verre au succès de la cérémonie d’ouverture. Et au sien. Le groupe, fort de ses 75 marques de luxe, a mis 150 millions dans l’organisation des jeux.

Dès la première demi-heure de la cérémonie, une séquence était consacrée aux ateliers Vuitton, Lady Gaga, Céline Dion étaient en Dior, les médailles ont été conçues par le joaillier Chaumet, la flamme est passée par les vignobles de LVMH, par la maison qui fut celle de Christian Dior à Granville, on reconnaît les damiers Vuitton sur les plateaux de remise des médailles… Le géant du luxe a un peu oublié l’élégance. Quand on paye parce qu’on en a très largement les moyens, c’est un peu m’as-tu-vu de le dire partout.

mardi 30 juillet 2024

« Pas de trêve pour le climat », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Comment vivre ou plus précisément survivre par plus de cinquante degrés ? La question se pose aujourd’hui pour des centaines de millions d’êtres humains sur la planète. Comment faire face à des incendies gigantesques et de plus en plus fréquents, face à des sécheresses dramatiques ? Comment parer à des inondations comme celles qui, cet hiver, ici même, en France, ont bouleversé la vie de centaines de familles, etc. Notre terre, ce miracle dans l’Univers, est en danger. Il y a quelque chose de vertigineux et de tragique à imaginer qu’avec ses fleuves, ses montagnes enneigées, ses forêts, elle puisse devenir inhabitable.

Il y a ceux, Trump et les siens, chez nous le Rassemblement national, qui sont dans le déni, par stupidité ou cynisme. Il y a ceux qui savent et qui ne font rien. Nous allons à la catastrophe. Si nous ne stoppons pas dans les décennies à venir le réchauffement dû aux émissions de gaz à effet de serre, il n’y aura pas de retour en arrière possible.

Nous, sans doute, mais nous précisément, ne sommes pas tous égaux devant cette perspective. Les 1 % les plus riches représentent 15 % des émissions, les 50 % les plus pauvres 7 %. Taxer les super-riches, comme il en a été question il y a quelques jours au G20 à Rio sous l’impulsion du président Lula, n’est pas qu’une question de justice, c’est une nécessité, y compris pour financer la lutte contre le réchauffement.

Après des mois de temps capricieux, c’est un euphémisme, nous entrons dans une période qu’on souhaite courte, de canicule. Il fera chaud pour tout le monde mais pas de la même manière. C’est avéré mais c’était évident. En plus des personnes à risques en raison de l’âge, de la santé, du secteur de travail, les personnes les plus défavorisées, vivant dans des logements exigus, ayant un accès limité aux soins, sont plus vulnérables. La canicule exacerbe les inégalités sociales et là, il ne s’agit pas des décennies à venir, ni des décisions, que l’on espère, du G20, mais des politiques publiques d’ici et maintenant. Il paraît que c’est la trêve. Pas pour le climat.

 

 

« Minute papillon », le billet de Maurice Ulrich.

 


Désolés, mesdames, mais vous pouvez vous rhabiller. Eh bien non, même pas un mot d’excuse sur France 2. Dimanche soir, juste après l’extraordinaire performance de Léon Marchand qui nous laissait pantois, on annonçait la finale féminine du cent mètres papillon.

Mais juste au moment où les nageuses étaient sur les plots de départ, minute papillon, on quittait la piscine pour une fan-zone enthousiaste après la victoire du nageur français. Pourquoi pas, et même évidemment. Mais cela ne pouvait pas attendre, ne serait-ce que deux minutes, et même moins ? Ça va vite, un cent mètre. Mais ce n’était, a-t-on sans doute jugé sur France 2, qu’une finale féminine et sans nageuse française. Pour le coup, c’est la muflerie du procédé qui à ce moment nous laissait pantois.

Après une cérémonie universaliste, saluant de grandes figures féminines dont celle d’Alice Milliat, fondatrice des jeux féminins contre Pierre de Coubertin, alors que la parité de ces jeux 2024 est proclamée, France 2 claquait, comme une porte et sans un mot, ses caméras au nez des nageuses.

 

lundi 29 juillet 2024

« Cette vérité-là », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



La cérémonie d’ouverture, qui a embrasé Paris vendredi soir, a largement dépassé le cadre des jeux Olympiques. Salué à travers le monde, le spectacle grandiose, orchestré par Thomas Jolly sur et autour de la Seine, n’a pas été qu’une simple prouesse technique ou le banal « premier grand moment » d’une fête sportive.

Il fut un instant de vérité politique où, par la grâce d’un message artistique et éclectique, les centaines de millions de téléspectateurs purent voir la France telle qu’elle est réellement : multiculturelle, audacieuse, riche historiquement de sa diversité infinie. À rebours des discours rances dont les nationalistes de tout poil nous rebattent les oreilles à longueur de journée.

Quelques semaines après des scrutins marqués par la poussée xénophobe de l’extrême droite, l’audace du metteur en scène fut un émerveillement visuel autant qu’un pied de nez salvateur. Combien de personnes ont préjugé d’Aya Nakamura, avant de frissonner devant la chanteuse swinguant avec la garde républicaine ? Combien se pinçaient le nez face aux drags queens, avant d’être emportés par l’irrésistible liberté de Piche, Paloma et Nicky Doll ?

La large adhésion des Français à cette vision ouverte et positive de notre pays – beaucoup parlent de « fierté » – gêne aux entournures tous les réactionnaires dans leur guerre culturelle. On les comprend. Cet enthousiasme spontané montre qu’une bonne partie des électeurs peuvent être bien plus tolérants que les formations pour lesquelles ils votent.

L’euphorie d’une soirée n’effacera pas les fractures d’un pays. Les violences racistes et homophobes, la haine distillée à grande échelle par le RN et ses relais ne vont pas disparaître par enchantement. En 1998, la France « black-blanc-beur » semblait tout emporter dans le sillage des Zidane, Thuram et autres champions du monde. En 2002, un certain Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de l’élection présidentielle. Gare au mirage. Mais ne sous-estimons pas, non plus, le jalon politique posé par cette cérémonie inspirante. Souhaitons que cette vérité-là, loin de l’abîme où certains voudraient nous mener, survive bien au-delà d’une simple trêve olympique.

 

« Rigueur », le billet de Maurice Ulrich.



On ne la lui fait pas. Une semaine avant la cérémonie d’ouverture des Jeux, le chroniqueur identitaire et nationaliste canadien Mathieu Bock-Côté, dans le Figaro, avait bien vu venir l’historien Patrick Boucheron. Dans un article du Monde, ce dernier avait évoqué sa vision du défilé, dont il fut un des concepteurs, qui allait déjouer les « stéréotypes nationaux » et prônerait « le métissage planétaire avec un optimisme que nous avons aujourd’hui perdu ». Et ce fut le cas, en effet.

CQFD et la preuve, donc, que Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, est « un apparatchik d’une université qui ressemble désormais à l’académie des sciences de l’Union soviétique d’antan (…), un commissaire politique mandaté au rappel à l’ordre, coordonnateur d’un roman diversitaire et mondialiste appelé à se substituer au roman national ».

Qu’on imagine, il avait même lancé, en 2023, « une chasse aux sorcières en cherchant à diaboliser Le Puy du Fou, le parc à thèmes de la mémoire vendéenne » ! Et donc, Mathieu Bock Côté l’invitait à renouer avec la rigueur intellectuelle. Comme au Puy du Fou.

 

dimanche 28 juillet 2024

« Paris 2024 : si près, si loin », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité Magazine.



Que l’on haïsse la grand-messe médiatique ou que l’on se passionne pour l’exploit athlétique, les jeux Olympiques et Paralympiques ont toujours ce petit quelque chose de fascinant, d’à part, dont on ne se lasse jamais. Sans doute parce qu’ils n’ont jamais été une simple histoire de sportifs et de médailles. La démesure économique de l’organisation, l’universalité de son public comme de ses valeurs, la parenthèse fraternelle de ces Nations unies en short, la toile de fond politique… Tout concourt à faire de cet événement planétaire – le deuxième le plus suivi derrière la Coupe du monde de foot – un marqueur commun de notre humanité.

De leur renaissance en 1896 à nos jours, les JO ont traversé plus d’un siècle. Chahutés toujours par les soubresauts du monde, pour le pire comme pour le meilleur. Des saluts hitlériens à Berlin, en 1936, aux poings gantés de Tommie Smith et John Carlos à Mexico, en 1968. À l’aune de cette histoire, que nous disent les JOP de Paris qui s’ouvrent ce vendredi ? Beaucoup, malheureusement, du règne de l’argent roi et du sponsoring qui ont pris le dessus depuis plusieurs décennies dans l’organisation de ce rendez-vous. Lors de la présentation de la candidature en 2016, Tony Estanguet avait promis des Jeux « pour tous ». Un virage d’exemplarité, nimbé de « populaire », « d’accessibilité » et de « gratuité ». Force est de constater que beaucoup de ces belles intentions sont passablement flétries.

Des six nouvelles lignes ou prolongements de métro et de RER, quatre ont été reportés. Et aucun transport gratuit ne sera finalement prévu en Île-de-France. Le prix des billets a, pour certains, été fixé à des montants astronomiques. Un « nettoyage social » des personnes migrantes et sans domicile fixe a été organisé durant des mois dans la capitale. Bref, au fur et à mesure que l’échéance s’est rapprochée, la logique événementiel et commerciale a repris le dessus. Jusque dans la communication du Comité olympique où des Jeux « pour tous », on est passé aux Jeux « ouverts »… Tout un symbole.

Les JOP de Paris n’ont pas changé le paradigme de la marchandisation. Bien sûr, une fois les compétitions commencées, la « magie des Jeux » va opérer. Le plaisir du beau geste. La dramaturgie des affrontements sportifs. Les à-côtés de centaines de milliers de touristes du monde entier arpentant des lieux d’épreuves chargés d’histoire, du Champ-de-Mars au château de Versailles. Sans parler de l’originalité d’une cérémonie d’ouverture sur la Seine ou encore un marathon ouvert à 20 000 amateurs. Les JOP de Paris donneront leur lot d’émotion et d’images iconiques. Cela ne fait aucun doute. Mais une fois le Cinémascope éteint, il est à craindre que tout cela garde un goût d’inachevé.

Au-delà des seules questions d’infrastructures, quel héritage vont laisser ces Jeux auprès du monde associatif ? Le développement de la pratique sportive en France cache de profondes inégalités d’accès. Le sport, comme objet de consommation individuel, marque des points. Mais au détriment de l’engagement dans les clubs et fédérations, où se transmettent les valeurs de solidarité, de vivre-ensemble, de bénévolat. Les JOP, au-delà d’une grande fête télégénique, devraient être le moteur de cette promotion du sport comme lieu de bien-être, à la fois physique et social. Un retour aux sources de l’olympisme, en quelque sorte.

 

 

FRÈRES DE VOYAGE !



Ceux qui jouent de nos cœurs et nous crient des je t’aime. Ceux que nous aimions trop et qui se sont sauvés. Ceux qui croient que la vie c’est toujours un poème. Ceux qui n’écrivent pas car trop mal emplumés. Ceux qui en font beaucoup mais n’en ont rien à faire. Ceux que l’on voit partout mais qui ne nous voient pas. Ceux qui sont loin devant quand on les croit derrière. Ceux qui voudraient rester et qui s’en vont déjà. Ceux qu’on rêve parfois de jeter au ruisseau, ceux qui nagent si bien qu’ils rejoindraient la rive, ceux qui depuis longtemps n’ont plus le goût de l’eau, ceux que l’on voit pourtant partir à la dérive. Ceux qui pensent à nous quand leur compte est en manque. Ceux qui crient le meilleur et qui pensent le pire. Ceux qui auraient envie de piller une banque, ceux qui n’oseront pas de peur de réussir. Ceux-là, mais oui ceux-là qu’on croise chaque jour, à chaque coin de rue sans y faire attention. Ceux qui le plus souvent ne font qu’un petit tour, nous voulons aujourd’hui leur offrir notre chanson. Quelques notes laissées sur un piano bancal, improbable destin pour unique bagage, dans l’odeur de fumée, quand s’achève le bal, nous les saluons bien bas, ces frères de voyage.

vendredi 26 juillet 2024

MARIONNETTES !



Mais qui donc tirent les ficelles de ces pantins qui gesticulent, le Bon dieu, du haut de son ciel, le diable en enfer majuscule. Qui leur fait dire tous ces mots, ces beaux mensonges, ces promesses, sans que se baisse le rideau de cette misérable pièce. Avec une intrigue minable où les tricheurs vont l’emporter,  quand, les pieds rivés dans le sable, les plus faibles sont condamnés. Pourtant il se trouve toujours quelque servile spectateur, serviteur zélé de la cour, pour lancer des vivas vainqueurs. Je suis souffleur, on n’entend pas les mots que je veux leur faire dire, le show sans moi se poursuivra, tout au fond de mon trou j’expire. Et j’aurai essayé en vain de leur crier ma différence, les dés sont pipés, je le crains, sur le fléau de la balance. Triompheront les marionnettes faites de rêves, d’illusions dans les coulisses on s’apprête pour d’autres représentations.

« Une fête ? » l’éditorial de Florent LE DU.



Cent ans que Paris attendait cela. Des décennies que les fans français de sport, les amoureux de l’olympisme, espéraient ce moment. Vivre les Jeux « à la maison », dans son pays, « une fois dans sa vie ». Mais à l’heure où commence ce qui devrait être une immense fête, les sentiments ont changé. Le sort réservé aux sans-abri et aux travailleurs sans-papiers écœure. Le prix des billets rebute. L’ultra-sécuritaire inquiète.

Le pari, a priori formidable, de réaliser cet événement en pleine ville, dans la beauté de ses monuments, valait-il ces sacrifices ? Beaucoup ont choisi de se désintéresser de ces jeux Olympiques et Paralympiques, dégoûtés par cette impression que le sport-business passe au-dessus de tout. Un sentiment renforcé par le déni de démocratie de ce président mauvais perdant, qui décrète une « trêve olympique » sans rien régler de sa crise politique. Tout en voulant, en bon mégalomane, faire de ces deux semaines sa propre réussite. Jupiter se voit en dieu de l’Olympe.

Alors l’amoureux de sport aux valeurs humanistes est tiraillé. Lui est-il permis de rêver sans honte ni culpabilité ? Vibrer, célébrer serait-il cautionner ? Le regard critique est un devoir, mais doit-on y soustraire le droit de profiter pleinement d’un événement si attendu ? Ceux qui aiment les Jeux ne peuvent se faire voler cette joie par les choix délétères des organisateurs, du CIO à l’Élysée.

Nous avons le droit, pour les quinze prochains jours, de nous extasier devant la grâce d’Armand Duplantis ou la virtuosité de Simone Biles. D’être impressionnés par la hargne de Clarisse Agbegnenou ou la puissance de Léon Marchand. De voir nos enfants s’émerveiller et s’identifier à des figures d’émancipation. D’apprécier une cérémonie supervisée par l’historien Patrick Boucheron, qu’on imagine aux antipodes du mauvais cassoulet servi à la Coupe du monde de rugby. Le cœur de beaucoup de Français s’ouvrira sans doute à l’événement au dernier moment, ce vendredi soir ou les jours suivants, avec les premières médailles tricolores. Pour savourer ces Jeux, sans fermer les yeux.

 

« Sans tête », le billet de Maurice Ulrich.



Il a de l’estomac. Dîner de gala, jeudi soir, au Louvre, avec 500 convives, dont des dizaines de chefs d’État et de têtes couronnées, le roi des Belges, le couple royal d’Espagne aussi bien que les présidents Zelensky ou Javier Milei, celui de l’Argentine, dont on se souvient qu’il a mené sa campagne électorale équipé d‘une tronçonneuse… Avant cela, il y a eu un déjeuner, le midi, à l’Élysée, avec 40 grands patrons.

Pendant les Jeux, les affaires continuent. Emmanuel Macron, nous a expliqué la presse économique, veut rassurer les investisseurs et se porter garant de la stabilité de la politique menée depuis 2017. Vaste programme. À table, Elon Musk et l’incontournable Bernard Arnault, les deux hommes les plus riches de la planète, l’Indien Lakshmi Mittal, les patrons de Coca-Cola, de Carrefour, d’Alibaba… tous ceux-là que la stabilité politique intéresse.

On comprend qu’il n’ait pas le temps de s’occuper du gouvernement, ce qui d’ailleurs n’est pas le sujet, a-t-il dit. Il a de l’estomac et il continue à courir comme un canard sans tête… Bon appétit, Messieurs.

 

 

jeudi 25 juillet 2024

« Télé-poubelle » l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Pierre Bourdieu disait de la télévision qu’elle est « un univers où les agents sociaux (…) sont des marionnettes d’une nécessité qu’il faut décrire, d’une structure qu’il faut dégager et porter au jour ». Dans le cas de C8 et de Cyril Hanouna, les choses sont claires. Cette nécessité a un nom : l’argent. Et cette structure prend un visage : celui du milliardaire Vincent Bolloré, qui met sa fortune au service de la conquête par l’extrême droite d’une hégémonie culturelle propre à lui ouvrir les portes du pouvoir.

En refusant à C8 le renouvellement de sa fréquence TNT, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a pris une décision de salubrité publique. Son émission phare, Touche pas à mon poste, n’est rien d’autre que la caisse de résonance d’idées putrides, le théâtre pathétique d’humiliations, d’insultes, de violences. Fausses informations, invités bidon, faits divers ou mises en scène montés en épingle pour conforter les obsessions ultra-sécuritaires, racistes et sexistes entretenues par le RN : Hanouna et ses équipes ne connaissent aucune borne morale. Ils distillent quotidiennement un venin qui empoisonne le débat public. Sans le moindre égard pour les obligations de pluralisme, de respect des droits et libertés fondamentaux qui s’imposent aux diffuseurs jouissant d’un canal public. Les sanctions, les rappels à l’ordre, le montant cumulé des amendes infligées par l’Arcom à C8 – 7,6 millions d’euros, dont une amende record de 3,5 millions d’euros – n’ont eu aucun effet dissuasif : dérisoire ligne budgétaire dans les comptes d’un vaste empire économique et financier.

C8 sur la TNT, c’est terminé. Mais Hanouna sera vite recasé – en mission politique, il jacasse déjà au micro d’Europe 1. Et Bolloré contrôle toujours six des quinze canaux que compte la TNT. À commencer par celui de CNews, reconduit malgré les amendes et les sanctions qui frappent aussi cette chaîne régulièrement mise en cause pour ses manquements à l’honnêteté et à la rigueur. CNews est taillée dans le même bois : celui du mensonge, de l’outrance, de la bigoterie, des appels à la haine, à la division, à la discrimination. Les médias de l’écosystème Bolloré ne se dédient pas à la production d’une information pluraliste, vérifiée, indépendante. Dignes du « télécran » d’Orwell, ils sont des armes de destruction massive de la démocratie. Le déversement des égouts de ces télé-poubelles doit cesser de passer par des canaux publics.

 

« Mâle alpha » le billet de Maurice Urich.



Pas mal, la une, mercredi matin, d’ Ouest-France. Côte à côte et de même format, les photos d’Emmanuel Macron et de Lucie Castets. Comme une expression concentrée de ce qui se joue avec la candidature de cette dernière au poste de première ministre.

Toujours dans le déni, le président a le dos au mur. Le parcours et la personnalité de Lucie Castets sont un défi démocratique. Énarque, attachée au service public, formée à la lutte contre l’évasion fiscale, sportive, féministe… difficile de lui coller des moustaches de Gaulois réfractaire.

Au passage, elle attire de fait l’attention sur les changements de la scène politique et sociale : Sophie Binet à la tête de la CGT, Marylise Léon pour la CFDT, Marine Tondelier pour les écolos… ça ne fait pas forcément l’affaire des donneurs de leçons.

Dans les Échos, Dominique Seux commente : « Une candidate mais un programme dangereux », qui n’est pas seulement inquiétant mais « totalement hors-sol ». C’est qu’il est tellement compétent, lui, avec toute l’assurance de l’idéologue libéral de plateau télé et du mâle blanc alpha qui sait.

 

mercredi 24 juillet 2024

UNE VIE !



C’est long une vie, et le temps pèse sur elle, chaque jour, jusqu’au dernier. Parfois, cependant, des instants nous arrachent à lui : ce sont des instants de grâce, de bonheur ineffable. Ils sont trop rares, et, le plus souvent nous ne nous y arrêtons pas suffisamment. Les miroitements entr’aperçus proviennent le plus souvent ; d’un lieu connu depuis toujours, suggérant une sorte de secret oublié. Ainsi, un matin de juillet, au bord du lac, dans le brouillard qui se levait : les rayons obliques du soleil venaient frapper l’eau qui fumait, le long de l’île où un héron, une patte en l’air s’interrogeait. Moi aussi je m’interrogeais. Qu’y avait-il d’extraordinaire ? J’avais souvent assisté à des levers de soleil à l’aube, sur le lac. Mais ce matin-là, la lumière était meilleure et sollicitait une mémoire plus ancienne que ma conscience. Les trembles ne bougeaient pas, l’eau s’était tue dans un silence qui traduisait des retrouvailles heureuses avec un versant oublié, un socle misérable. Ainsi, également, un soir d’été, je regardais tomber la nuit. Les lumières s’allumaient une à une, dans un silence que rien ne troublait, pas même l’aboiement d’un chien. Je me sentais apaisé et comblé, certain que rien, jamais, ne me délivrerait mieux de la douleur de vivre que ce soir qui tombait, cette douceur de l’air, ce sommeil qui engourdissait ma demeure d’Eauze, lieu de grands bonheurs et de beaux jours d’été, heureux avec toi, assis sur notre banc. L’autre soir, je m’y suis assis. Je t’imaginais à mes côtés, mais ce n’était qu’une ombre. J’ai alors quitté mon banc. Une nuit d’août, dans un rêve, sur un chemin éclairé par la lune, tout s’est arrêté : les étoiles se sont figées. Les feuilles des arbres se sont tues, je ne savais plus où j’étais, qui j’étais et pourquoi je me trouvais là, sinon pour regarder vers un seuil dont la lumière ne m’était pas inconnue. Je ne savais plus si j’étais jeune ou vieux, j’avais l’impression de marcher dans ma vie. Je me suis arrêté aux limites de notre monde, plus angoissé qu’heureux, mais aveuglé dès que, de ma fenêtre, j’ai levé les yeux vers le ciel. Il y a eu des rencontres, au cours de mes voyages, avec des lieux où je n’avais jamais mis les pieds, et qui, cependant, m’ont paru connus depuis toujours. Et aussi des éclats de lumière à travers les banches, des silences dans les arbres agités par le vent. Il y a eu des volutes blanches qui exprimaient une vérité évidente mais informulable, des tapis de feuilles qui formaient sur un chemin des figures oubliées, des flaques d’eau gelées, des odeurs puissantes de fruits, rien ou pas grand-chose, mais ces images, ces instants m’ont projeté dans le plus grand bonheur du monde, qui échappe à toutes les vaines richesses du réel et qui n’est plus accessible que par l’écriture. D’où cette quête d’une prodigieuse contrée, là où les orchestres se sont tus, mais où une musique, pourtant, continue de jouer, derrière la vitre du temps qui, parfois, mystérieusement, délicieusement se brise.

« LUCIE CASTETS, LA SOLUTION », l’éditorial de Sébastien CRÉPEL dans l’Humanité.



Quel symbole ! Lucie Castets, la candidate du Nouveau Front populaire (NFP) à Matignon, est une militante du service public, martyr des politiques libérales des dernières décennies. En annonçant son nom mardi soir, une heure avant l’expression prévue du président de la République au JT de 20 heures, le NFP a fait mieux que jouer un bon tour à Emmanuel Macron. Non seulement le chef de l’État s’est fait ravir la vedette par « l’inconnue » de la gauche – en fait bien connue de tous ceux qui partagent ses combats. Mais le NFP le met en demeure de nommer désormais sans délai la nouvelle première ministre pour sortir le pays de la situation de paralysie et de chaos dans laquelle le président l’a plongé à la veille des JO.

Sauf surprise, il était peu probable qu’Emmanuel Macron approuve cette solution pendant le JT. Mais ses appels à la « trêve » olympique des partis politiques résonnent plus que jamais dans le vide, maintenant qu’une issue conforme au vote des Français est sur la table. Si le blocage perdure pendant les JO, l’hôte de l’Élysée en sera l’unique responsable. Non seulement parce que lui seul a pris le risque de dissoudre l’Assemblée nationale à l’orée de l’été, mais aussi parce que, depuis les législatives anticipées, il ne cesse de différer le moment de prendre acte du résultat des urnes qui a placé le NFP en tête. Son appel à la « trêve » n’est rien d’autre qu’une nouvelle manœuvre dilatoire pour prolonger le statu quo actuel, celui de « l’entre-deux » d’un gouvernement soi-disant démissionnaire, qui continue en fait de gérer les affaires et dont les membres bénéficient de la double casquette de député et de ministre, au mépris de la séparation des pouvoirs.

Ce déni démocratique pourrait bien durer jusqu’à la rentrée, voire au-delà. Ce n’est plus alors une crise institutionnelle que la France traverserait, mais une crise de la démocratie elle-même comme on n’en connaît, jusqu’à présent, que dans les régimes où l’autocratie en place refuse de se rendre à la sanction du suffrage populaire. Voilà l’état réel du pays vers lequel les yeux du monde se tourneront dans quelques jours. La « trêve » d’Emmanuel Macron y est le nom du couvercle qu’il referme sur les élections.

 

 

« Concept : un « impôt sur la fortune » qui ne touche pas à la fortune », le billet de Maurice Ulrich.



Comment l’esprit vient aux macronistes… Certains d’entre eux regretteraient aujourd’hui, après sept ans de théories du ruissellement, de ne pas avoir eu l’intelligence politique de faire au moins un geste de justice fiscale. C’est le Figaro, qui nous le révèle en titrant : « ISF, superprofits… ces hausses d’impôts qui travaillent le camp Macron », et qui écrit que le camp présidentiel pourrait être tenté de proposer une fiscalité accrue sur « les riches » particuliers.

On peut apprécier la délicatesse des guillemets qui ne sont pas de notre fait. Tout arrive donc… ou presque, car l’article en question rassure tout de suite ses lecteurs : « Certains dans la majorité verraient bien pousser la logique jusqu’au bout en rétablissant un ISF symbolique, c’est-à-dire un ISF dont les plafonds, les règles et les exceptions rendraient son poids supportable, voire léger pour les assujettis. » Un « impôt sur la fortune » qui ne touche pas à la fortune. Une idée probablement inspirée par le philosophe allemand G. C. Lichtenberg (1742-1799) à qui on doit le concept du couteau sans lame auquel ne manque que le manche.

 

mardi 23 juillet 2024

LES PASSANTS !



Observer les passants, leur prêter une vie, deviner leurs tourments leurs envies d’infini. Elle arrive en courant un panier à la main ; Les devoirs des enfants, le repas pour demain. Il marche l’air absent, il regarde ses pieds, il pense à ses bilans et à sa société. Il promène son chien, pas pressé de rentrer,  et le long du chemin se surprend à rêver. Elle va doucement, perdue dans ses pensées, dans un mois, dans un an sa vie bouleversée. Il saute sur un pied, cartable sur le dos, pas pressé de rentrer dehors il fait si beau. Ils ont tous une vie et un emploi du temps…et que passe la vie, et que passe les ans. 

« Une tâche redoutable », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Prévue bien avant la démission de Joe Biden, l’arrivée, ce mardi, aux États-Unis du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour une visite de trois jours n’apparaît pas très opportune. Au moment où la campagne présidentielle prend un nouveau tour avec la candidature probable de la vice-présidente Kamala Harris, la guerre menée par Israël à Gaza cristallisait, autant que l’âge du capitaine, l’une des contradictions majeures du camp démocrate. On ne sait quelle sera l’attitude de Joe Biden en recevant son invité. Les États-Unis ont soutenu et financé depuis 1967 l’État d’Israël, considéré comme leur allié indéfectible au Proche et au Moyen-Orient. Joe Biden n’y a pas failli et depuis le terrible massacre du 7 octobre, les livraisons d’armes américaines n’ont pas cessé.

Mais la donne a changé. Les manifestations de soutien à la Palestine sur les campus ont été l’expression la plus visible d’une fracture chez les démocrates, avec une amorce de sécession dans la jeunesse et une baisse sensible du président Biden dans les sondages. La question demeure après sa démission. Comment Kamala Harris, qui a semblé à quelques reprises sensible à la question de Gaza, va-t-elle gérer ce qui est devenu un problème dans son électorat potentiel ? Il n’est pas exagéré de dire que ce sera l’une des clés du scrutin pour les démocrates.

Côté Trump, pas d’embarras. Benyamin Netanyahou s’est dit assuré qu’avec lui, le soutien américain continuerait. Sans doute. Et l’électorat républicain, gonflé à bloc depuis que Dieu a sauvé son héros, n’a strictement rien à faire du sort de Gaza. Celui de l’Ukraine ne l’intéresse pas plus : le colistier du miraculé entend ménager la Russie, dans une sorte de partenariat implicite dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne ferait pas les affaires de L’Europe. La politique étrangère ne sera que l’une des faces de la nouvelle campagne à venir mais la candidate démocrate, si elle est bien investie par la Convention, aura-t-elle la volonté, que ce soit au plan intérieur ou extérieur, d’affronter une tâche redoutable ? Faire valoir une politique de justice et de raison face à la démagogie et aux outrances réactionnaires ?

 

« Moyenne », le billet de Maurice Ulrich.



On ne sait toujours pas qui étaient les fainéants stigmatisés par Emmanuel Macron en 2017 : « Je ne céderai rien aux fainéants, aux cyniques, aux extrêmes… » Pour les fainéants, les Échos, lundi, avaient une réponse : « Quantité de travail : les Français toujours à la traîne mais en progrès ». 664 heures travaillées par habitant pour la France quand la moyenne est de 770 heures dans la zone euro ! Et le journal fait un parallèle avec les arrêts de travail. Soit, mais alors comment expliquer que, selon les chiffres officiels de 2024, « dans un contexte de repli la France a su conserver la confiance des investisseurs et maintenir sa 1re place au classement européen de l’attractivité pour la 5e année consécutive avec 1 194 projets recensés (…). La France reste le pays le plus attractif pour les investissements industriels en Europe »… Peut-être, tout simplement, parce que c’est une moyenne par habitant et que la France compte près de 3 millions de millionnaires vivant pour nombre d’entre eux, comme le notait récemment un article de l’Express, de leurs rentes immobilières. Ça en fait, des fainéants.

lundi 22 juillet 2024

NOUS AVONS EU SEIZE ANS !



Seize ans à peine…l’âge de tout rêve, de tout espoir.  Dans sa chambre, elle bâtit un monde le soir, où les gens s’aimeraient et auraient tous les droits, où des enfants ne mourraient plus de faim, de froid.  Elle ne peut pas comprendre le règne de l’argent, la violence, les guerres, la faim et le sang  qui coule trop souvent bien inutilement,  au nom de quelques idées, toujours bêtement. La vie est difficile, elle veut tout changer… Elle croit en l’avenir, il suffit de crier !  Elle descend dans la rue avec son poing levé, son visage épanoui et toutes ses idées.  Elle proteste, elle manifeste, fait la révolution, elle croit détenir en elle tant de solutions. Pourtant le soir elle rentrera à la maison, fatiguée mais ravie, sûre d’avoir raison. Nous avons eu seize ans aussi, nous avons fait tant de rêves… Et puis la vie nous prend, faut-il faire la trêve ? Entrer dans le système, renoncer au bien-être et à l’amour ? Non, les rêves de bonheur…on les garde pour toujours.

« Comme si de rien n’était », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



Circulez, il n’y a rien à voir et rien à dire. Enfermé dans sa tour d’ivoire depuis le double camouflet qu’il a subi aux élections européenne et législatives, Emmanuel Macron se complaît dans le pourrissement d’une situation intenable, dans l’attente de jours meilleurs qui ne viendront pas.

Le locataire de l’Élysée ne dispose d’aucune carte à abattre. La seule viable serait de respecter enfin le verdict des urnes. Le jeu du parlementarisme devrait le conduire à appeler la gauche afin qu’elle forme un gouvernement issu de ses rangs. Mais le chef de l’État, dont les horloges se sont arrêtées au soir de la dissolution, fait comme si de rien n’était. À ses yeux, la porte de sortie à la crise de régime se trouverait du côté des « Républicains ». Le calcul est mauvais ; la clarification idéologique de ce qu’est la Macronie, elle, est limpide : à droite toutes. Ce qu’une bonne partie des électeurs ont pourtant sanctionné.

Yaël Braun-Pivet a vécu son heure de gloire en faisant main basse sur le Perchoir grâce à Wauquiez et consorts. Mais ce pacte n’a tenu que quelques heures : la présidente de l’Assemblée nationale est une reine nue, isolée au sein de son propre bureau et dans l’Hémicycle. Dès lors, le pari d’Emmanuel Macron d’un gouvernement démissionnaire, intérimaire, qui pourrait tenir grâce aux LR, est lunaire et, surtout, dangereux. La droite, sortie divisée et affaiblie de la séquence électorale, jure qu’elle ne mettra pas un pied dans le futur exécutif. Retour à la case départ, donc.

Les institutions sont figées dans une impasse politique mortifère. Après des années de fragilisation du Parlement, ravalé au rang de chambre d’enregistrement, la configuration issue du 8 juillet mérite davantage que de sombres calculs. Car, chaque jour qui passe est du pain bénit pour l’extrême droite, malgré son arrogance et ses sombres insuffisances à l’Assemblée : erreur de bulletin de vote, désertion de l’Hémicycle avant des votes cruciaux.

Il n’empêche, le Rassemblement national sait tirer profit de chaque période de crise pour se poser en victime mais aussi en alternative. Face à ce paysage moribond, le Nouveau Front populaire ne peut rester sur la défensive, et laisser sa crédibilité s’effilocher. La gauche unie doit reprendre l’initiative. Il y a urgence.

« Alléluia », le billet de Maurice Ulrich.



« Tant pis pour les grincheux, tant pis pour les aigris, les pessimistes, les pisse-froid »… L’éditorialiste du Parisien, dimanche 21 juillet, n’en pouvait plus qui s’enflammait : « Les jeux sont là ! » Alléluia, « sourds devant les dernières menaces de grève, étrangers au spectacle politique indigne des semaines écoulées »

La preuve, parmi leurs généreux sponsors, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, le dit dans un entretien très sympathique : « Ces jeux doivent être un moment de cohésion nationale où les Français vont se rassembler, oubliant les désaccords et les divisions. » Comme les salariés des Carrefour de Vitrolles, Salaise-sur-Sanne, Belle-Épine, dans l’action ces derniers mois, avec des arrêts de travail répétés contre le non-respect des conventions collectives, pour les salaires et de meilleures conditions de travail… Des aigris peut-être.

L’Église elle-même a la volonté d’en être, nous apprenait aussi le Journal du dimanche, qui organise des « Holly Games », avec de multiples initiatives autour du sport. « Jésus allait dans tous les lieux pour signifier sa proximité avec les hommes. » Il était d’ailleurs assez sportif pour marcher sur les eaux et, à ce qu’il semble, il parlait anglais.

 

dimanche 21 juillet 2024

Chemin de vie !



C'est celui qu'on a envie de prendre, tout droit sans accroc ni détour. Il mène vers la douceur et les jours bleus. Il motive, incite à courir sans effort. A flâner, le nez au vent, à rêver en écoutant les oiseaux. Il est bordé, sécurisé. Il nous évite les surprises, bonnes ou mauvaises, place des balises griffant les nuages, étale un matelas herbeux sous nos pas. On ne voit pas à l'horizon, on est certain qu'on nous pilote, qu'on nous dorlote, et que là-bas, joignant le ciel et les hirondelles, se trouve la récompense. A plus ou moins brève échéance...C'est le chemin qu'on aimerait emprunter, capitonné et lumineux. Il est pourtant peu accessible car des ornières, des barrages, des petits tours dans les bois, des tas de pierre, de la poussière, nous attendent. Notre chemin de vie sent rarement la noisette. 

 

VOUS !



Vous que l’on a parqués et réduits au silence,  condamnés à l’exil, envoyés au bûcher, vous qu’on a maltraités, qu’on a privés d’enfance, ne refaites donc pas ce que l’on vous a fait. Vous qui avez connu l’horreur des miradors et ces chiens en furie qui buvaient votre sang, vous, qui savez pourtant que la vie est un trésor, ne resemez donc pas la haine dans les vents. Vous que l’on a réduits à des troupeaux infâmes, sans terre, sans abris et sans havres d’amour, vous que l’on a fauchés sous de cruelles lames,  ne laissez pas passer ces appels au secours. Vous qui avez souffert des balles et des bombes,  vous que l’on a traités dans la honte et la boue, qui n’avez pas eu droit à une simple tombe, ne faites donc pas d’eux ce que l’on fit de vous. Vous qui étiez marqués au jaune d’infamie, jusqu’à en oublier la magie d’une étoile, vous que l’on a brisé à l’aube de la vie,  n’oubliez pas le bleu sur le gris de la toile ; Vous qui avez, un jour, retrouvé une terre, une raison d’aimer, une source d’espoir, vous qui avez vaincu la terreur, la misère, ne les condamnez pas à vivre dans le noir.

 

LES ARBRES !


 

Qui n’aime pas les arbres ? Du plus loin que nous nous souvenons, ils sont présents dans notre vie. Et d’abord à l’école ? Dans les cours de récréation, bordées de grands ormes. Ce sont des arbres magnifiques, puissants, trapus, à l’écorce rugueuse et aux feuilles dentées, rudes au toucher, qui laissaient sur la peau une odeur que l’on retrouve encore, de temps en temps, quand notre main glisse le long des ormeaux renaissants. On peut parler de renaissance, en effet, puisque les ormes, contaminés par la graphiose, ont failli disparaître. Aujourd’hui, heureusement, ils sont sauvés. Avec notre enfance, surgissent les marronniers d’autres cours d’école, dont les feuilles servaient de modèle aux premiers dessins de l’année. Feuilles aux fines nervures, d’un vert profond, dont le pétiole, si on l’écrasait, laissait sur la peau un parfum persistant, un peu amer. Les marrons, d’un lisse de galet, luisaient avec une légèreté surprenante, et servaient parfois de projectiles, sans le moindre danger. Ils ont gardé leur mélancolie, celle de l’automne débutant, de la fin des vacances, des premières feuilles qui tombent. Comment ne pas aimer les tilleuls, pour leurs feuilles d’un jaune pâle, leur parfum très doux quand elles sèchent, au soleil, le murmure des abeilles dans les plus hautes branches, le goût des tisanes du soir. Leur buée montait, envahissait la pièce, attendrissant les regards et le temps. Autrefois, on gardait les feuilles précieuses dans un grenier dont les étés exaspéraient l’odeur. Personne aujourd’hui ne récolte les feuilles. Les grands chênes, eux, règnent sur tous les arbres. Opulents, magnifiques, ils portent des couronnes immenses dont les glands émergent comme des joyaux d’or. On ne peut faire le tour de leur tronc avec les bras. Ils dominent les prés et les champs avec la conscience de leur force, et, du haut, de leurs certitudes, ils nous jugent, pauvres hommes dont la petitesse est touchante en comparaison de leur grandeur sereine. Les plus beaux sont les solitaires. Ils ont écarté tout ce qui pourrait nuire à leur splendeur. Ils sont orgueilleux, mais ils ont raison de l’être. Ils ont défié le temps et ils ne croient pas à la mort. Ils croient à la pluie, au printemps, au soleil, aux étoiles. Ils savent que c’est dans la patience, dans la lenteur et non dans l’agitation qu’on vit le mieux. Il est rare que la foudre les frappe. Pas plus que les hêtres qui sont leurs demi-frères, presque aussi puissants, aussi majestueux qu’eux. Leurs fûts, très droits, s’élèvent sans branches, donnant aux hêtraies un aspect de couleurs grisâtres qui soutiennent un feuillage épais diffusant une ombre froide. C’est âcre, un peu amer. Leur bois, légèrement rosé, porte des feuilles épaisses qui virent rapidement à l’automne au brun cuivré. Ce sont des arbres pour la mélancolie. Ils ne sont forts qu’en apparence, ne sont heureux que du souvenir de leur bonheur : celui de leur splendeur d’été. Plus fragiles que ces deux princes des bois sont les frênes, les charmes ou les saules. Les premiers, s’ils dépassent souvent les chênes ou les hêtres, ne sont jamais aussi touffus, aussi robustes. Le frêne est fragile, comme un adolescent trop vite grandi. Il n’est pas assuré sur ses jambes, et son bois, s’il est d’aspect compact, ne résiste pas longtemps à la scie. S’il s’épaissit son tronc se crevasse, laisse pénétrer les parasites qui le tueront. Au contraire des charmes, dont les feuilles ovales, deux fois plus longues que larges, sont d’une extrême douceur mais savent résister en chantant au vent le plus violent. C’est un arbre pour la douceur de vivre, d’où les charmilles du XIXe siècle, plantées par les romantiques. Les saules sont des arbres au bois tendre, comme celui des peupliers. Ils cassent sous leur propre poids et, s’ils vivent vieux, sont couturés de blessures comme des grognards d’Empire. Rien ne peut nous émouvoir davantage, que les chandelles vertes des peupliers. Ils évoquent la Toscane, la vie simple et douce, comme les trembles qui sont leurs cousins. Leur nom vient du fait que leurs feuilles s’agitent même en l’absence de vent. Ils disent la vie en plein cœur de l’hiver, par quelques feuilles jaune citron accrochées à leurs plus hautes branches. Ils murmurent sans cesse une chanson qui parle de caresses et de fragilité. Et quoi de plus beaux, plus majestueux que les bouleaux de Sibérie, le blanc de leurs fûts plus blanc que neige, leurs petites feuilles tremblantes même en été. Ils évoquent les vastes espaces blancs, Boris Pasternak, Le Docteur Jivago, Tolstoï, la retraite de Russie, le froid de l’hiver, tout ce qui dure, l’immensité de la vie. Et puis, dans mon cœur, il y a l’arbre de l’éternité. Il abrite dans son ombre délicieuse un banc sur lequel on s’assoit et on pense. C’est un arbre qui respecte le silence et le nourrit de sa grandeur. Le ciel est toujours bleu sous mon arbre de l’éternité. Je ne me suis jamais demandé si c’était un tilleul ou un chêne. Quelle importance, puisqu’il est éternel !

DERNIER VOYAGE !

Lui, le vrai combattant contre toutes les guerres, Lui le vieux militant, vient de se faire la paire.   Pour son dernier voyage, Ils étaie...