Ils ont quitté leurs geôles dans la nuit, après des années de détention
arbitraire. Les journalistes marocains Omar Radi, Soulaimane Raissouni et
Taoufik Bouachrine sont enfin libres, à la faveur d’une grâce royale qu’ils
n’ont pas sollicitée. Comme eux, 2 476 détenus ont retrouvé la liberté.
Cette nouvelle ne peut que réjouir les défenseurs des droits humains, dans
un pays où la monarchie s’est employée, cette dernière décennie, à réduire au
silence toutes les voix critiques, à instrumentaliser les accusations de droit
commun montées de toutes pièces pour salir, diffamer, réprimer les opposants.
Dans l’affaire Omar Radi, l’enquête commune, en 2020, de l’Humanité et
de Mediapart avait jeté un jour cru sur les méthodes du Palais pour bâillonner
les journalistes.
Ce geste est-il le signal d’une ouverture démocratique ? On ne peut
guère y croire, quand les révoltés du Rif restent, comme les prisonniers
politiques sahraouis, derrière les barreaux. Cette grâce pourrait bien tenir,
en revanche, du ravalement de façade, à l’heure où l’Élysée reconnaît dans
l’ombre la souveraineté marocaine sur les territoires occupés du Sahara
occidental. À Rabat, c’est le fait du roi qui décide du sort des détenus
d’opinion.
À Paris, le périmètre des « affaires courantes » expédiées par un
gouvernement démissionnaire, défait par les urnes, est extensible. C’est ainsi
la ministre sortante de la Culture, porte-parole du Makhzen à ses heures perdues,
qui a révélé la première la teneur de la lettre adressée par Emmanuel Macron à
Mohammed VI : « Je considère que le présent et l’avenir du
Sahara s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. »
La France a toujours épaulé le Maroc dans sa guerre contre le Front
Polisario. Elle a fait de mille façons entrave à une issue diplomatique de ce
conflit. Voilà désormais qu’elle rompt explicitement avec le droit
international, avec les résolutions de l’ONU qui reconnaissent le droit à
l’autodétermination du peuple sahraoui.
Les intérêts économiques enchevêtrés, la volonté française d’user du
tremplin marocain pour reprendre pied en Afrique de l’Ouest, où la Françafrique
est conspuée, motivent ce revirement. Pour obtenir de Paris cette légitimation
de l’entreprise coloniale au Sahara occidental, le Palais devait concéder, sur
le terrain des droits humains, quelques gages de bonne grâce.
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