Pierre Bourdieu disait de la télévision qu’elle est « un
univers où les agents sociaux (…) sont des marionnettes d’une nécessité qu’il
faut décrire, d’une structure qu’il faut dégager et porter au jour ». Dans
le cas de C8 et de Cyril Hanouna, les choses sont claires. Cette nécessité a un
nom : l’argent. Et cette structure prend un visage : celui du
milliardaire Vincent Bolloré, qui met sa fortune au service de la conquête par
l’extrême droite d’une hégémonie culturelle propre à lui ouvrir les portes du
pouvoir.
En refusant à C8 le renouvellement de sa fréquence TNT, l’Autorité de
régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a pris une
décision de salubrité publique. Son émission phare, Touche pas à mon
poste, n’est rien d’autre que la caisse de résonance d’idées putrides,
le théâtre pathétique d’humiliations, d’insultes, de violences. Fausses
informations, invités bidon, faits divers ou mises en scène montés en épingle pour
conforter les obsessions ultra-sécuritaires, racistes et sexistes entretenues
par le RN : Hanouna et ses équipes ne connaissent aucune borne morale. Ils
distillent quotidiennement un venin qui empoisonne le débat public. Sans le
moindre égard pour les obligations de pluralisme, de respect des droits et
libertés fondamentaux qui s’imposent aux diffuseurs jouissant d’un canal
public. Les sanctions, les rappels à l’ordre, le montant cumulé des amendes
infligées par l’Arcom à C8 – 7,6 millions d’euros, dont une amende record
de 3,5 millions d’euros – n’ont eu aucun effet dissuasif : dérisoire
ligne budgétaire dans les comptes d’un vaste empire économique et financier.
C8 sur la TNT, c’est terminé. Mais Hanouna sera vite recasé – en mission
politique, il jacasse déjà au micro d’Europe 1. Et Bolloré contrôle toujours
six des quinze canaux que compte la TNT. À commencer par celui de CNews,
reconduit malgré les amendes et les sanctions qui frappent aussi cette chaîne
régulièrement mise en cause pour ses manquements à l’honnêteté et à la rigueur.
CNews est taillée dans le même bois : celui du mensonge, de l’outrance, de
la bigoterie, des appels à la haine, à la division, à la discrimination. Les
médias de l’écosystème Bolloré ne se dédient pas à la production d’une
information pluraliste, vérifiée, indépendante. Dignes du
« télécran » d’Orwell, ils sont des armes de destruction massive de
la démocratie. Le déversement des égouts de ces télé-poubelles doit cesser de
passer par des canaux publics.
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