La
mort de Paul Laurent, emporté soudainement et en pleine force a touché
profondément les communistes. Évoquer sa mémoire est pour moi un moment
particulier, chargé d’émotion, tant étaient forts les liens d’amitié et de
respect qui nous unissaient. Durant quatre années, de 1976 à 1980, j’ai eu la
chance de travailler à ses côtés alors qu’il venait d’être élu au 22ème
congrès, secrétaire à l’organisation. Nous nous étions, déjà croisé. C’était en
1962. Paul venait de quitter sa responsabilité de secrétaire général de l’Union
des Jeunesses communistes, alors que pour ma part je venais d’être élu membre
du bureau national. Nous nous retrouverons à de nombreuses occasions. Au Comité
régional d’Île de France, dont Paul avait la responsabilité. Et puis au Comité
central où je fus élu en 1985.
L’expérience
qui était celle de Paul, son calme, ses qualités d’écoute, l’attention qu’il
portait à la réflexion collective m’ont beaucoup appris. Ces quatre années de
mon activité militante ont été pour moi un grand apport dans les
responsabilités que j’ai par la suite assumées. Paul était un dirigeant
communiste de contact facile, un homme profondément humain et de grande
convivialité. Il fut avec d’autres camarades, alors dirigeants de l’Union de la
Jeunesse Républicaine de France de tous les combats pour la paix. En 1952, Paul
est arrêté et inculpé, avec Guy Ducoloné, Louis Baillot, et Alain Le Leap, «
d’atteinte à la sureté de l’État ».
Paul
avait adhéré au Parti communiste en 1945. Il devient secrétaire général de
l’UJRF en 1954, puis des Jeunesses communistes de 1956 à 1962. C’est cette
année -là qu’il est élu secrétaire de la fédération de Paris, dont il sera le
conseiller municipal et député de 1967 à 1968, puis de 1973 à 1981. Il sera élu
au Comité central en 1956. Puis au bureau politique de 1956 à 1990 et au
secrétariat de 1973 à 1990.
C’est
au 22ème congrès que fut adoptée une résolution décidant de ne plus faire
figurer la dictature du prolétariat parmi les objectifs du Parti Communiste
Français. Elle chargeait le comité central élu de soumettre au 23ème congrès
les modifications au préambule des statuts rendues alors nécessaires. Si
d’autres décisions importantes furent prises dans les années qui suivirent dans
les analyses du PCF, ses conceptions, sa politique, son mode de vie, il n’en
reste pas moins que ce congrès restera un moment clé de ce processus. Il fut
marqué par le rejet du modèle soviétique, avec le choix irrévocable d’une
société nouvelle de liberté, construite dans la démocratie et le pluralisme,
par l’intervention des salariés, des citoyens et le respect en toutes
circonstances du suffrage universel.
Je
rappelle ce moment car c’est Paul Laurent qui sera chargé de présider la commission
de travail préparant les propositions de modification des statuts, et à
laquelle j’ai modestement participé. Je me dois de rappeler ici le rôle
important qui fût celui de Paul. Il porta de nombreuses propositions qui ont
permis de perfectionner la démocratie. Je pense aux tribunes de discussion en
dehors des congrès et à l’assouplissement des règles d’éligibilité, notamment.
C’est d’ailleurs dans cette période, en 1978, que le livre « le PCF comme il
est » est édité aux éditions sociales. Il prend la forme d’un entretien avec
Roger Faivre, où Paul Laurent évoque les avancées en matière de démocratie et
le besoin d’un grand Parti communiste Français.
Paul
était un travailleur acharné, prenant une part active à toutes les actions pour
toutes les grandes causes durant plus de quarante décennies. Il était un
dirigeant d’une grande modestie, qu’il n’est pas inutile de rappeler par les
temps qui courent. Il n’appréciait pas qu’il soit présenté comme le numéro « 2
» ou le bras droit de Georges Marchais. L’expérience qui suivra lui donnera
raison. Les camarades les plus anciens se souviendront des plaisanteries qui
couraient à « Fabien » pour qualifier son lent débit de paroles. Certains
d’entre eux l’imitaient parfois, en forçant souvent le trait : « Tu as deux
heures devant toi, j’ai deux mots à te dire ». C’était aussi la marque d’une
nature discrète et posée.
Je
veux terminer en évoquant le courage qui a été celui de Paul face à la maladie
qui l’emporta si vite. Je veux à ce propos livrer un souvenir douloureux dont
j’ai été le témoin avec mes camarades. Le 13 décembre 1989, sept mois avant sa
disparition, Paul Laurent présentait un rapport devant le comité central.
Malgré la fatigue et la souffrance et sa voix enrouée, il ira jusqu’au bout. Ce
grand moment d’émotion et de respect est resté dans ma mémoire. À l’hiver de ma
vie, j’ai voulu le partager avec vous, en hommage à Paul, mon camarade, avec
une pensée émue pour Mounette, sa compagne de tous les instants, trop tôt
disparue, elle aussi.
Et puis, un dernier clin d’œil.
J’imagine la réaction qui aurait été celle de Paul si on lui avait parlé «
d’héritage » ou « d’hérédité » comme l’ont fait les médias lorsque Pierre est
sera élu comme secrétaire national. Un éclat de rire, un autre trait de son
caractère aurait éclairé son visage. Sa manière à lui de tourner en dérision
une attitude aussi méprisante qu’imbécile.
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