dimanche 28 juillet 2024

« Paris 2024 : si près, si loin », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité Magazine.



Que l’on haïsse la grand-messe médiatique ou que l’on se passionne pour l’exploit athlétique, les jeux Olympiques et Paralympiques ont toujours ce petit quelque chose de fascinant, d’à part, dont on ne se lasse jamais. Sans doute parce qu’ils n’ont jamais été une simple histoire de sportifs et de médailles. La démesure économique de l’organisation, l’universalité de son public comme de ses valeurs, la parenthèse fraternelle de ces Nations unies en short, la toile de fond politique… Tout concourt à faire de cet événement planétaire – le deuxième le plus suivi derrière la Coupe du monde de foot – un marqueur commun de notre humanité.

De leur renaissance en 1896 à nos jours, les JO ont traversé plus d’un siècle. Chahutés toujours par les soubresauts du monde, pour le pire comme pour le meilleur. Des saluts hitlériens à Berlin, en 1936, aux poings gantés de Tommie Smith et John Carlos à Mexico, en 1968. À l’aune de cette histoire, que nous disent les JOP de Paris qui s’ouvrent ce vendredi ? Beaucoup, malheureusement, du règne de l’argent roi et du sponsoring qui ont pris le dessus depuis plusieurs décennies dans l’organisation de ce rendez-vous. Lors de la présentation de la candidature en 2016, Tony Estanguet avait promis des Jeux « pour tous ». Un virage d’exemplarité, nimbé de « populaire », « d’accessibilité » et de « gratuité ». Force est de constater que beaucoup de ces belles intentions sont passablement flétries.

Des six nouvelles lignes ou prolongements de métro et de RER, quatre ont été reportés. Et aucun transport gratuit ne sera finalement prévu en Île-de-France. Le prix des billets a, pour certains, été fixé à des montants astronomiques. Un « nettoyage social » des personnes migrantes et sans domicile fixe a été organisé durant des mois dans la capitale. Bref, au fur et à mesure que l’échéance s’est rapprochée, la logique événementiel et commerciale a repris le dessus. Jusque dans la communication du Comité olympique où des Jeux « pour tous », on est passé aux Jeux « ouverts »… Tout un symbole.

Les JOP de Paris n’ont pas changé le paradigme de la marchandisation. Bien sûr, une fois les compétitions commencées, la « magie des Jeux » va opérer. Le plaisir du beau geste. La dramaturgie des affrontements sportifs. Les à-côtés de centaines de milliers de touristes du monde entier arpentant des lieux d’épreuves chargés d’histoire, du Champ-de-Mars au château de Versailles. Sans parler de l’originalité d’une cérémonie d’ouverture sur la Seine ou encore un marathon ouvert à 20 000 amateurs. Les JOP de Paris donneront leur lot d’émotion et d’images iconiques. Cela ne fait aucun doute. Mais une fois le Cinémascope éteint, il est à craindre que tout cela garde un goût d’inachevé.

Au-delà des seules questions d’infrastructures, quel héritage vont laisser ces Jeux auprès du monde associatif ? Le développement de la pratique sportive en France cache de profondes inégalités d’accès. Le sport, comme objet de consommation individuel, marque des points. Mais au détriment de l’engagement dans les clubs et fédérations, où se transmettent les valeurs de solidarité, de vivre-ensemble, de bénévolat. Les JOP, au-delà d’une grande fête télégénique, devraient être le moteur de cette promotion du sport comme lieu de bien-être, à la fois physique et social. Un retour aux sources de l’olympisme, en quelque sorte.

 

 

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