Que l’on haïsse la grand-messe médiatique ou que l’on se passionne pour
l’exploit athlétique, les jeux Olympiques et Paralympiques ont toujours ce
petit quelque chose de fascinant, d’à part, dont on ne se lasse jamais. Sans
doute parce qu’ils n’ont jamais été une simple histoire de sportifs et de
médailles. La démesure économique de l’organisation, l’universalité de son
public comme de ses valeurs, la parenthèse fraternelle de ces Nations unies en
short, la toile de fond politique… Tout concourt à faire de cet événement
planétaire – le deuxième le plus suivi derrière la Coupe du monde de foot – un
marqueur commun de notre humanité.
De leur renaissance en 1896 à nos jours, les JO ont traversé plus d’un
siècle. Chahutés toujours par les soubresauts du monde, pour le pire comme pour
le meilleur. Des saluts hitlériens à Berlin, en 1936, aux poings gantés de
Tommie Smith et John Carlos à Mexico, en 1968. À l’aune de cette histoire, que
nous disent les JOP de Paris qui s’ouvrent ce vendredi ? Beaucoup,
malheureusement, du règne de l’argent roi et du sponsoring qui ont pris le
dessus depuis plusieurs décennies dans l’organisation de ce rendez-vous. Lors
de la présentation de la candidature en 2016, Tony Estanguet avait promis des
Jeux « pour tous ». Un virage d’exemplarité, nimbé de
« populaire », « d’accessibilité » et de
« gratuité ». Force est de constater que beaucoup de ces belles
intentions sont passablement flétries.
Des six nouvelles lignes ou prolongements de métro et de RER, quatre ont
été reportés. Et aucun transport gratuit ne sera finalement prévu en
Île-de-France. Le prix des billets a, pour certains, été fixé à des montants
astronomiques. Un « nettoyage social » des personnes migrantes et
sans domicile fixe a été organisé durant des mois dans la capitale. Bref, au
fur et à mesure que l’échéance s’est rapprochée, la logique événementiel et
commerciale a repris le dessus. Jusque dans la communication du Comité
olympique où des Jeux « pour tous », on est passé aux Jeux
« ouverts »… Tout un symbole.
Les JOP de Paris n’ont pas changé le paradigme de la marchandisation. Bien
sûr, une fois les compétitions commencées, la « magie des Jeux » va
opérer. Le plaisir du beau geste. La dramaturgie des affrontements sportifs.
Les à-côtés de centaines de milliers de touristes du monde entier arpentant des
lieux d’épreuves chargés d’histoire, du Champ-de-Mars au château de Versailles.
Sans parler de l’originalité d’une cérémonie d’ouverture sur la Seine ou encore
un marathon ouvert à 20 000 amateurs. Les JOP de Paris donneront leur
lot d’émotion et d’images iconiques. Cela ne fait aucun doute. Mais une fois le
Cinémascope éteint, il est à craindre que tout cela garde un goût d’inachevé.
Au-delà des seules questions d’infrastructures, quel héritage vont laisser
ces Jeux auprès du monde associatif ? Le développement de la pratique
sportive en France cache de profondes inégalités d’accès. Le sport, comme objet
de consommation individuel, marque des points. Mais au détriment de
l’engagement dans les clubs et fédérations, où se transmettent les valeurs de
solidarité, de vivre-ensemble, de bénévolat. Les JOP, au-delà d’une grande fête
télégénique, devraient être le moteur de cette promotion du sport comme lieu de
bien-être, à la fois physique et social. Un retour aux sources de l’olympisme,
en quelque sorte.
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