dimanche 30 juin 2024

« Barrage », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Le désastre n’a jamais été aussi proche, ni l’alerte aussi pressante. Dimanche prochain, les Rastignac du clan Le Pen pourront peut-être prétendre se voir remettre les clés de tous les ministères de la République. Ils s’y voient déjà. Il est encore temps d’arrêter cela. C’est possible et nécessaire. Au second tour, dans de très nombreuses circonscriptions, les candidats du parti de la haine trouveront en travers de leur chemin un candidat du Nouveau Front populaire. C’est un atout immense en dépit du danger.

Par le passé, les électeurs de gauche ont dû trop souvent taire leurs convictions pour empêcher le pays de basculer aux mains de l’extrême droite. Ils l’ont fait sans se dérober. Cette fois, ce sera un candidat de leurs couleurs qui, dans la plupart des cas, sera le mieux placé pour rassembler tous ceux qui ne résignent pas au pire. Cela rendra la tâche des autres plus légère, dans le cas où le candidat du Nouveau Front populaire n’ayant aucune chance de l’emporter devra se retirer pour faire barrage au RN, dans la tradition du désistement républicain en vigueur à gauche.

Pour cela, chaque camp doit être à la hauteur. Tout va dépendre de la mobilisation de la gauche, mais aussi de l’attitude du parti présidentiel et du chef de l’État. Dans plus de 300 circonscriptions, trois candidats au moins pourront se maintenir au second tour. Emmanuel Macron porte l’immense responsabilité d’avoir mis le pays au pied du mur en provoquant ces législatives anticipées. Il ne peut, dans une fuite en avant suicidaire pour son camp et pour le pays tout entier, porter celle d’un abaissement national s’il facilitait l’accession au pouvoir de Bardella et de sa bande.

Le président de la République a appelé à un « large rassemblement clairement démocrate et républicain » au second tour. Cet appel doit être suivi d’effet, avec le désistement de ses candidats arrivés en troisième position partout où celui d’extrême droite est en tête au premier tour.

La France n’est pas condamnée à vivre un cauchemar. Le RN est certes très fort, mais il n’est pas invincible. Il peut, il doit être battu. Si le rassemblement majoritaire des électeurs s’opère, le RN sera défait le plus souvent par des candidats du Nouveau Front populaire. L’espoir n’est pas mort.

vendredi 28 juin 2024

« Eux ou nous », l’éditorial de Fabien Gay dans l’Humanité.



La campagne éclair des élections législatives anticipées, décidée par le seul président de la République, prend fin. Une nouvelle fois, les débats de fond, projet contre projet, auront été mis de côté, laissant place aux petites polémiques bien orchestrées. Tout ceci dans une complicité macabre de chaînes d’information préférant le futile à l’utile, accélérant par la même occasion l’écœurement et le rejet de la politique et nourrissant donc le vote pour l’extrême droite.

Nous aurions tort de penser que cela n’est pas une stratégie politique voulue délibérément par le locataire de l’Élysée, le président au service du capital. Ce dernier ne se rassasie plus seulement d’une politique libérale et autoritaire, mais veut désormais un tournant sécuritaire pour étouffer toute contestation sociale et continuer à épuiser le vivant et la nature.

Il y a encore une vingtaine d’années, Jean-Marie Le Pen était un épouvantail pour le capital qui voyait en lui un obstacle pour le développement du business. Aujourd’hui, le jeune Bardella, à l’instar d’une Meloni en Italie, est devenu un atout et une alternative crédible et enviable à Macron pour le capital, qui s’accommodera bien volontiers de son projet raciste et xénophobe pour servir ses intérêts. D’ailleurs les reniements journaliers du RN sur les retraites, la baisse de la TVA, la sortie du marché européen de l’énergie sont autant de signes pour rassurer les marchés financiers et la grande bourgeoisie.

Macron aura donc réussi le tour de force d’accélérer la décomposition et la recomposition politique à l’œuvre depuis vingt ans. En l’espace de trois semaines, il aura hâté la fin des LR, favorisé l’union des droites extrêmes, transformé son deuxième quinquennat en septennat, et diabolisé toute la gauche en tirant un trait d’égalité entre nous et les héritiers de Pétain et des Waffen-SS. Tout cela dans une inversion des valeurs inédites où les antiracistes seraient devenus « des antisémites » et où un « front républicain » pourrait se nouer, comme dans les années 1930, sous le slogan « Plutôt Hitler que le Front populaire ».

La colère et l’inquiétude sont présentes partout dans le pays. Ce qui va se jouer dès ce dimanche peut entraîner une période d’instabilité politique dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences, mais qui, si l’extrême droite passe, sera d’une violence inédite pour les classes populaires, les syndicalistes, les femmes, les homosexuels, les étrangers, les binationaux… Une seule chose est certaine.

Macron sortira battu de la séquence et la tripartition du pays, qui dominait la vie politique depuis quelques années, laissera place à un duel. Ça sera donc le Front réactionnaire ou le Nouveau Front populaire. Eux ou nous. Un projet libéral autoritaire, raciste et liberticide ou celui du progrès social et écologique. Nous sommes la seule alternative d’espoir pour le pays. Seule une intervention populaire massive peut bouleverser ce sinistre scénario imaginé dans les salons de l’Élysée. Aux urnes, citoyens !

« Le vice et la vertu », le billet de Maurice Ulrich.



Habitués aux radotages et litanies de l’ancien nouveau philosophe retraité Luc Ferry sur le wokisme, le féminisme militant, l’écologie punitive, etc., on le trouvait plutôt calme ces derniers temps, dans sa chronique du Figaro. Mais avec les élections il veut lutter, dit-il, contre la haine d’une partie de la gauche contre Israël.

« Il est clair que la bande de Gaza est une prison à ciel ouvert et que la guerre menée par Israël, pour justifiée qu’elle soit, conduit à faire de ce territoire un véritable enfer. Est-ce une raison pour mettre sur le même plan une démocratie, fût-elle mal gouvernée, et un mouvement totalitaire à finalité génocidaire ? »

Nous n’avons ici aucune illusion sur le Hamas, mais 40 000 morts, c’est de la mauvaise gouvernance ? En fait, le vrai sujet de Luc Ferry c’est sa conclusion : « Au moment du choix l’urgence sera, quoi qu’il en coûte, de faire barrage à l’extrême gauche pour nous éviter le pire, la victoire de la haine déguisée en vertu. » Se servir de Gaza pour justifier le vote RN…

jeudi 27 juin 2024

« Antinomie », l’éditorial de Marion d’Allard dans l’Humanité.



Parfaitement cravaté, l’œil fier et le sourire en coin, Jordan Bardella s’exprime face caméra. Nous sommes le 17 juin, la tête de liste du Rassemblement national vient de rafler la mise aux élections européennes et son premier message, posté sur TikTok, s’adresse « à toutes les femmes de France ». Communication huilée et mise en scène grotesque, parachèvement caricatural d’une dédiabolisation savamment orchestrée.

La vidéo sera vue près de 20 millions de fois. « Le 30 juin et le 7 juillet, vous voterez aussi pour vos droits », attaque d’emblée le leader d’extrême droite. Jordan Bardella connaît les chiffres. Il sait que, entre 2019 et 2024, le suffrage féminin en faveur du RN a bondi de 10 points. Jadis dominé par les hommes, le vote lepéniste, désormais, s’affiche à parité – à l’exception notable des jeunes électeurs.

Pousser le paravent, il restera les faits. La patine rhétorique faussement féministe n’y changera rien. La visée programmatique et la réalité des votes des légataires de Jean-Marie Le Pen parlent d’elles-mêmes. Opposé systématiquement à toutes mesures d’égalité femmes-hommes, apologiste de la famille nucléaire, nataliste, misogyne et LGBTphobe, avocaillon à géométrie variable de la cause des femmes lorsqu’il s’agit d’invoquer leur « sécurité » pour mieux pourfendre l’immigration, le RN est à l’image de ses alliés européens : anti-IVG – ce « génocide antifrançais » comme le qualifiait le FN en 1974 – et parangon d’un patriarcat rance.

L’extrême droite ne sera jamais féministe. L’antinomie est totale, les militantes des droits des femmes le savent. Face à la menace de voir entre les mains de Bardella les clefs de Matignon, elles ont, en 48 heures à peine, réussi le tour de force d’unir plus de 200 collectifs et d’organiser, partout en France, le week-end dernier, des marches contre le RN. 

À chaque occasion, des villages de campagne au pied des tours des quartiers populaires, les mensonges de l’extrême droite doivent être dénoncés, leurs

arguments démontés, leurs effets de manches révélés. Aucune voix ne doit manquer aux progressistes au soir du 7 juillet. Partout dans le monde, les droits des femmes reculent quand l’extrême droite prospère. Le temps presse et la tâche est immense.

 

 

« Des frites et un œuf », le billet de Maurice Ulrich.



Programme économique contre programme économique. Celui du Rassemblement national est en caoutchouc, prêt à se plier aux attentes du Medef. Pour la Macronie, il s’agit de ne rien changer pour ne rien changer. Mais, pour eux, le programme économique du Nouveau Front populaire relève de la folie furieuse, partagée par Esther Duflo, juste prix Nobel, la professeure à Sciences-Po Julia Cagé, Thomas Piketty, Gabriel Zucman, qui vient de rendre à la présidence du G20, exercée par Lula, un rapport sur la taxation des plus riches et qui estime : « Le programme du NFP me semble répondre aux défis de notre époque. »

Une folie contagieuse qui a gagné les 300 économistes signataires d’une tribune de soutien à ses mesures, parue mardi dans la presse… Mais l’idéologue libéral Nicolas Bouzou, fort de ses compétences de plateaux télévisés, est formel : « Ils sont incapables de gérer un État mais ils seraient tout aussi incapables de gérer une baraque à frites. » On lui conseille gentiment d’aller se faire cuire un œuf.

 

mardi 25 juin 2024

Souvenir d’enfant !



Un instant, se souvenir, l’enfance ou l’origine, perdu entre douces joies, peines et malaises. Je me revois sur les bancs, j’imagine, une cour d’école, pleine de vie, sans enfants qui se taisent...A l’heure de la récréation, instants de relâchement, les jeux pouvaient vite tourner au carnage, se chamailler, bagarrer ou boire la tasse. De tout cela, hélas, je n’ai plus l’âge, même si j’ai, malgré les ans, gardé une âme d’enfant...Et sous ma peau vieillissante, vole encore l’avion qui me faisait rêver, loin derrière la fenêtre aux charnières grinçantes, un mirage, un concorde, un vieux coucou aux ailes usées...Je passe encore près de cette cour, âme de soupirs, en revoyant le chêne où l’on aimait rire, se recueillir, y être pendu par les pieds, ça fait circuler le sang ! Voilà ce qui se disait, d’une voix de cristal, celle d’un enfant.

« Solidarités », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



Il était une fois deux villages bretons qui se ressemblaient comme deux gouttes d’eau et qui, pourtant, étaient aux antipodes l’un de l’autre. Derrière le conte, une réalité : à Senven-Léhart, le RN fait plus de 55 %. À Trémargat, à quelques kilomètres, il peine à atteindre les 5 électeurs.

Aurait-on découvert une potion anti-RN dans ce petit village d’irréductibles progressistes ? Non. La différence réside dans une dynamique d’engagements solidaires entamée depuis des années. Logements sociaux, chantiers participatifs, aides aux associations… la vie de la commune se résume en une formule : « Accueillir et être solidaire ». Rien de tel à Senven-Léhart.

Ces villages ne sont pas la France entière. Mais ils donnent matière à réflexion. Notamment sur la problématique de « l’abandon ». La réduction de la dépense publique érigée comme un dogme a entraîné privatisations, augmentation des prix, ainsi que la disparition totale de nombre de services publics dans d’innombrables communes rurales ou quartiers populaires. Combien de bureaux de poste, d’agences EDF, d’antennes de mairie ou de commissariats, d’hôpitaux, de classes, de gares et de lignes SNCF ont disparu ces quarante dernières années ?

Les multiples transferts de compétences aux collectivités locales sans moyens supplémentaires ont plombé leurs budgets. Donc moins d’argent pour les associations, les services sociaux, l’installation de commerces… Moins de lieux où se fabriquent des solidarités et du commun. Chacun est renvoyé à sa seule responsabilité individuelle et l’autre devient un concurrent. Du pain bénit pour le RN qui fait justement de l’autre l’ennemi.

L’engagement progressiste, le militantisme solidaire, le syndicalisme permettent, là où ils existent, de contrecarrer ce mouvement de fond qui vise à casser les solidarités partout où elles pourraient s’exprimer et contester le système. La vocation du RN, c’est de détourner, de dévoyer, d’étouffer cette potentielle contestation pour que, surtout, rien ne change pour les plus aisés. Voter pour le RN, ce n’est pas voter contre Macron. C’est offrir une solution de rechange à ses commanditaires.

 

« Danger », le billet de Maurice Ulrich.



Mais que sont les membres de ce « Front républicain », avec des guillemets comme des pincettes, que serait le Nouveau Front populaire ? « Des indigénistes, fichés S, apologistes du terrorisme, contempteurs obsessionnels d’Israël », remettant en cause « les principes mêmes de la République française ».

Ces mots ne sont pas d’un agité du Rassemblement national ayant oublié son costume-cravate de dédiabolisation, mais de l’éditorialiste, mardi, du Figaro. Le quotidien, toujours plus à droite, en vient à criminaliser ceux qu’il ne considère plus comme des adversaires politiques mais comme des ennemis.

Il n’y a pas à faire de parallèle entre la situation d’aujourd’hui et celle des années trente, mais c’est le juriste allemand Carl Schmitt, qui a retrouvé ces dernières années une audience inattendue, qui, théorisant « l’état d’exception », ramenait le débat politique à une opposition frontale entre amis et ennemis.

Est-ce vraiment un hasard si un article du même Figaro met (déjà) en cause « les juges rouges ». Mais n’est-ce pas Emmanuel Macron lui-même qui a, lundi, joint à égalité dans le même opprobre « les extrêmes » comme des fauteurs de « guerre civile » ? Danger.

 

« Adresse à une électrice, un électeur en colère » : évitons la tragédie, rallumons l’espoir, la chronique de Patrick Le Hyaric.



Nous ne sommes pas seulement à quelques jours, à quelques heures d’un scrutin électoral, mais à quelques jours, quelques heures d’un possible choc historique comme notre pays en a peu connu.

Nous ne voulons pas que ces élections législatives imprévues soient le premier acte d’une tragédie aux conséquences destructrices.

Il y a quelques jours, le président de la République vous a écrit une nouvelle lettre. Comme d’habitude, il promet pour demain ce qu’il n’a pas fait hier. Déjà, pour se faire réélire lors du second tour de l’élection présidentielle, n’avait-il pas hésité à reprendre un slogan de la gauche : « Vos vies valent mieux que leurs profits » ?

À deux reprises, il a demandé aux électrices et aux électeurs de gauche d’utiliser leur bulletin de vote pour barrer la route à l’extrême droite. Et, pour tout remerciement, il a déroulé le tapis rouge au RN/FN dont on rappellera sans cesse qu’il a été fondé par des membres de la Waffens-SS et abrite toujours des néo-nazis.

Élu puis réélu, E. Macron n’a jamais cherché à améliorer nos vies, au travail comme à la retraite. Au contraire, il a nourri les injustices sociales et territoriales, refusé d’augmenter la rémunération du travail, d’écouter le mouvement des Gilets jaunes, puis, contre tout un peuple, il a imposé la retraite à 64 ans. Il vous a désigné comme « ceux qui ne sont rien ». Par contre, pour les profits tout va bien. Un journal économique, porte-parole des milieux d’affaires, se réjouissait la semaine dernière que les profits dépassent les 163 milliards d’euros.

De cela, de ce mépris et de cette morgue, vous ne voulez plus. Nous non plus !

C’est pour vous sortir de cette situation qu’a été construite sous le nom de « Nouveau Front Populaire » une grande alliance des progressistes et des humanistes, partis de gauche, associations, syndicats, personnalités. Ce Nouveau Front Populaire propose des mesures pour changer votre vie dès les semaines qui viennent en réorientant vers vous l’argent qui coule aujourd’hui à flots chez la minorité de possédants, pour rémunérer votre travail, améliorer les retraites, les prestations sociales, défendre et renforcer l’hôpital et l’école, réduire vos factures d’énergie et faire en sorte qu’il soit moins cher de bien se nourrir.

Ce ne sont pas des promesses en l’air, mais des engagements à mettre en œuvre avec vous, sous votre contrôle, justement parce que c’est un « Front populaire » qui, comme son aîné de 1936, permettra des avancées grâce à vos actions unies.

Les grandes chaînes de télévision et de radio, propriétés des grandes puissances industrielles et financières, mènent une violente campagne de dénigrement et de mensonges contre ce Nouveau Front populaire. Comme s’ils avaient sorti de leurs cartons ce vieux mot d’ordre de la bourgeoisie : « Plutôt Hitler que le Front populaire ».

En mettant un trait d’égalité entre ce Nouveau Front Populaire et l’extrême droite, ou pire en faisant ouvertement campagne pour cette dernière, ils veulent transformer votre colère en un vote contre vos propres intérêts ! C’est abject. C’est surtout une manière grossière de préserver leurs propres intérêts et privilèges. Ils détournent donc l’attention des vraies causes de vos souffrances, de vos angoisses, de vos difficultés à boucler les fins de mois.

Ces forces s’accommoderaient très bien d’une cohabitation entre M. Macron et l’extrême droite. M. Macron aussi. Ils considèrent qu’ainsi leurs intérêts seront préservés. Ils ont raison, car l’extrême droite n’a aucune intention d’améliorer vos vies ou d’affronter les inégalités. Elle est l’assurance tout risque des milieux d’affaires et des puissances d’argent. Des économistes sérieux ont montré que le programme présenté par Bardella ferait perdre encore du pouvoir d’achat aux plus modestes et enrichirait les plus fortunés.

Là où elle gouverne, en Hongrie, en Italie, en Finlande, aux Pays-Bas, l’extrême droite n’augmente pas les salaires, ne défend ni les artisans et commerçants, ni les paysans. Elle détruit les droits sociaux, la Sécurité sociale, recule l’âge de départ en retraite, supprime comme en Hongrie le ministère de l’Éducation nationale et détruit le statut des enseignants pour en faire des « employés » de l’éducation, met au pas les médias et la justice, limite le droit des associations et des syndicats, refuse de mettre en œuvre des dispositions pour protéger le climat dont on voit ces jours derniers encore avec les violentes intempéries à quel point son dérèglement menace nos vies.

Et ici ? L’extrême droite n’est pas pour l’augmentation des petits salaires puisqu’elle a voté contre l’augmentation du SMIC au parlement. Elle veut, avec d’autres dont la droite, supprimer les cotisations sociales pour faire croire que cela augmenterait le pouvoir d’achat. En vérité, cela augmenterait les bénéfices des grosses entreprises et détruirait la Sécurité sociale. Sans Sécurité sociale, pas de retraites, pas de remboursements de soins, sauf à payer de coûteuses assurances privées. Vous seriez perdant et les grosses compagnies d’assurances feraient main basse sur près de 400 milliards d’euros.

L’extrême droite dit qu’elle est du côté des paysans. Pourquoi alors, a-t-elle refusé de voter à l’Assemblée nationale pour des prix minimum planchés afin de rémunérer correctement le travail paysan. Pourquoi alors a-t-elle soutenu la politique agricole commune qui distribue les aides d’abord aux plus grosses exploitations européennes ?

Elle ne défend pas votre pouvoir d’achat. Elle a voté contre le blocage des prix des produits de première nécessité, contre le gel des loyers, contre des moyens supplémentaires pour les hôpitaux, contre l’indemnisation des agriculteurs victimes de catastrophes naturelles. Par contre, elle a refusé de soutenir un texte pour la taxation des super profits.

Pour l’extrême droite, c’est toujours « l’autre » – en réalité votre semblable, lui aussi en difficulté – qui est responsable de votre sort. Mais en quoi réduire le RSA de votre voisin, enlever les allocations chômage de votre cousin licencié, améliorera votre propre sort. Ce n’est jamais en privant « l’autre » de droit vous en avez de nouveaux.

Non, celui qui aggrave la crise, la mal vie ce n’est pas celui d’à côté. Les vrais responsables de ce qui provoque votre colère, sont ceux qui, selon l’observatoire européen de la fiscalité, ont mis à l’abri 950 milliards d’euros dans les paradis fiscaux. De l’argent que vous avez contribué à créer et qu’on vous pille, dont on vous prive en supprimant des services publics. À eux les paradis fiscaux, à vous les augmentations d’impôts indirects comme la TVA ou les taxes sur l’énergie !

Autres chiffres : Les 500 plus grandes fortunes françaises cumulaient 200 milliards de patrimoines il y a dix ans. Elles en ont aujourd’hui 1 200 milliards. Oui, mille deux cents milliards d’euros ! Si on les taxait à 2 %, cela rapporterait 40 milliards d’euros. Imaginons qu’une telle somme soit consacrée aux hôpitaux, à l’école, aux maisons de retraite, aux lignes de trains. Oui, cela changerait vos vies. De cela, l’extrême droite ne parle jamais, et pour cause !

On le voit bien, pour changer, pour améliorer vos vies, celle de votre famille, assurer l’avenir des enfants, c’est une autre répartition des richesses qu’il faut obtenir. Ni Macron, ni la droite, ni l’extrême droite ne le feront. Ils ne défendent pas vos intérêts, ni votre pouvoir d’achat, ni le travail, ni les services publics, ni la protection sociale, ni le climat, mais la haute finance et cette petite minorité de privilégiés.

C’est à ces enjeux que veut répondre rapidement la coalition du « Nouveau Front populaire ». Avec, dès les premières semaines, cet été et en automne l’augmentation des salaires, des pensions de retraite et des minima sociaux, des embauches pour les hôpitaux, les écoles et les collectivités locales, nos communes. Contrairement aux sornettes véhiculées par les grands médias, tout ceci est largement faisable en réorientant l’argent – qui va aujourd’hui aux grosses entreprises pour augmenter leurs profits – et en mettant à contribution le secteur bancaire.

Puis dans le cadre de la discussion du prochain budget, dès le mois d’octobre, le Nouveau Front populaire s’engage à réformer la fiscalité en cessant les cadeaux au grand patronat et aux grandes fortunes, en créant un pôle public bancaire pour financer un nouveau développement industriel et agricole créateur de millions d’emplois et respectueux de l’environnement, en augmentant et modulant les cotisations sociales patronales pour inciter à l’embauche, en mettant fin à la spoliation des artisans et des petites entreprises par les grands groupes qui les utilisent comme sous-traitants. Le programme du Nouveau Front populaire, c’est aussi l’instauration de prix agricole minimum rémunérateur, une cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des grandes fortunes pour améliorer la Sécurité sociale et les retraites. Ces quelques mesures engageront le pays vers une autre logique de développement social et écologique avec vous, avec toutes les travailleuses et travailleurs, ouvriers, paysans, artisans, agents des services publics, techniciens, cadres, les privés de travail, les retraités, les jeunes.

Le Nouveau Front Populaire est une initiative large née du désir d’unité dans la société. Ce front veut vous impliquer dans des comités, des réunions, des débats et des actions. Il ne peut fonctionner qu’avec vous dans une démarche démocratique. C’est votre assurance. L’assurance du monde du travail et de la jeunesse pour éviter la catastrophe.

Le duo de cohabitation Macron-extrême droite ouvre la porte du pire. Alors que les barons de la macronie et une partie de la bourgeoisie lâchent le président de la République, on pourrait demain assister à un jeu dangereux dans lequel l’extrême droite, qui se verra refuser certaines lois parce qu’elles seront anticonstitutionnelles ou parce qu’elle sera sans majorité au parlement, demandera les pleins pouvoirs à l’occasion de la prochaine présidentielle. Dans un paysage politique délabré, pourrissant, agonisant tout deviendrait possible contre les citoyens, les associations, les syndicats.

Voilà pourquoi tout démocrate, toute personne attachée à la démocratie, au pluralisme et à la justice, à la fraternité et à l’égalité, tout républicain qui veut éviter la tragédie, peut utiliser dimanche le bulletin de vote des candidats du Front populaire. On peut comprendre qu’il puisse y avoir des critiques à l’encontre de certaines forces ou personnalités qui le composent. Mais que pèsent ces griefs face à l’urgence du moment ? N’est-il pas urgent de sortir de l’impasse et d’améliorer les vies de celles et ceux qui n’ont que leur travail ou leur retraite pour vivre ? C’est ce qu’ont compris des personnalités aux opinions très diverses, dont Dominique de Villepin.

Dimanche, on vote pour un projet de liberté et de mieux vivre. On vote pour un programme de justice, de liberté, de paix. On vote pour sortir des ornières dans lequel nous a enfoncé le président de la République. Évitons la tragédie. Choisissons de prendre le chemin de l’espoir.

UNE VIE !



L’enfance est un pays de fleurs et de fontaines baigné de clair soleil et de papillons bleus. On y court en jouant à d’innombrables jeux, libres aventureux sans soucis et sans chaînes. L’adolescence est un pays de marécages aux pistes inconnues et pleines de dangers. Un pays de désirs, de bonheurs passagers où le beau temps soudain cède aux orages. L’âge mûr est un rude pays de montagne, on y trace sa route en traînant sa tribu. On y a faim et soif et l’on monte fourbu à l’assaut des sommets que jamais l’on ne gagne. La vieillesse est un doux et brumeux paysage où le froid de l’hiver monte dans le lointain. On y rêve d’hier plutôt que de demain, et les jours y sont courts et les nuits bien sages.

« Faillite », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Tout le projet de Le Pen et Bardella tient dans une équation aussi simple que trompeuse, dans un raisonnement aux prémisses contrefaites. Il suffirait, serine l’extrême droite depuis des décennies, de se débarrasser des immigrés et même des binationaux, de réserver aux « vrais » Français les emplois qu’ils occupent pour résorber le chômage, extirper le pays de la crise sociale. Cette promesse est une escroquerie intellectuelle et politique. Si elle venait à s’appliquer, elle plongerait le pays dans le désastre.

D’après une étude de la Dares publiée en 2021, ce sont les immigrés qui, en France, assument la plupart des tâches contraignantes dans les professions « liées à des contraintes physiques, des limitations physiques, des contraintes de rythme, du travail répétitif, des périodes de travail durant les jours non ouvrables ou en dehors des plages de travail habituelles et à un morcellement des journées de travail ».

Ils sont surreprésentés dans les métiers en tension, où les employeurs peinent à recruter par manque de main-d’œuvre disponible, comme dans l’hôtellerie-restauration, le bâtiment, les métiers de la sécurité. « Plus les conditions de travail sont difficiles, plus la tension de recrutement est élevée et plus forte est la probabilité que l’emploi soit occupé par un immigré », souligne cette étude.

Un actif sur dix en France est un immigré. Ils et elles forment le gros des troupes des travailleurs et des travailleuses essentiels payés au lance-pierre qui s’échinent aux caisses des supermarchés, dans les écoles, sur les chantiers sous la neige ou la canicule, dans les métiers ouvriers, dans les arrière-cuisines des restaurants, sur les chaînes de collecte et de tri des déchets, dans les hôpitaux, les Ehpad et, au petit matin, dans les bureaux à tenir propres.

Le RN veut rendre la vie impossible à cette France qui se lève tôt, à ces travailleurs et travailleuses qui portent le pays à bout de bras. Sans eux, sans elles, pourtant, l’économie sombrerait, la vie sociale s’effondrerait. L’équation de l’extrême droite ne tient pas debout. Son projet, c’est l’infamie, le désordre, la faillite.

 

« Il ose », le billet de Maurice Ulrich.



L’incendiaire qui crie au feu, c’est classique, de là à jouer le capitaine des pompiers… Emmanuel Macron, dans sa lettre publiée dimanche dans la presse régionale, le fait pourtant : « Je ne suis pas aveugle. Je mesure le malaise démocratique. Cette fracture entre le peuple et ceux qui dirigent le pays que nous n’avons pas réussi à résorber. Oui, la manière de gouverner doit changer profondément. »

Il y a ceux qui dirigent le pays, et « nous », qui n’avons pas réussi – on se trompe ou ce sont les mêmes ? –, et le même qui nous l’assure : la manière de gouverner doit changer. Comme il y a sept ans. Avec la crise des gilets jaunes, la réforme des retraites et le déni démocratique des 49.3, le Rassemblement national qui devait être contenu, à plus de 30% à l’élection européenne…

« Vous pouvez me faire confiance pour agir jusqu’en mai 2027 comme votre président, protecteur à chaque instant de notre République, de nos valeurs… » Il ose tout mais c’est nous, pardon de le dire, qu’il prend pour des c…

 

lundi 24 juin 2024

« La nausée », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Les propos haineux tenus par des habitants de Montargis (Loiret) dans l’émission Envoyé spécial, diffusée jeudi soir sur France 2, donnent le vertige et la nausée. La nausée, parce qu’ils témoignent d’un racisme qui s’exprime désormais sans honte et à visage découvert. « Va à la niche » ; « On est chez nous… » Voilà comment une dame parle à Divine, sa voisine aide-soignante à la peau noire, dans le reportage. Le vertige, parce que ce racisme semble d’autant plus décomplexé qu’il prospère dans le déni de lui-même. « Non, le racisme, ce n’est pas ça », affirme une autre, après avoir exprimé sa méfiance envers son voisin, noir lui aussi.

La banalisation de la xénophobie, c’est pourtant cela, cette violence qui se libère contre les étrangers ou supposés tels en se parant des atours du bon droit de l’opinion dominante. Et ce déferlement de haine est corrélé à la montée du RN : tous ces auteurs de propos racistes ont pour point commun d’être des électeurs, voire des militants du parti de Le Pen et Bardella. CQFD.

Ce reportage est salutaire par la prise de conscience qu’il suscite chez nombre de nos concitoyens, qui refusent de vivre dans une société gangrenée par la haine. Car cet aperçu n’est rien à côté de ce qui attend le pays, bientôt livré tout entier au déchaînement de la violence raciste, si le RN gagne les législatives. Le ministre de la Justice s’est saisi du cas d’une des personnes filmées, annonçant des sanctions. C’est le moins qu’il puisse faire.

Mais si « une porte s’est ouverte pour dire aux immigrés : vous n’êtes pas les bienvenus », comme le résume l’aide-soignante victime d’injures racistes, c’est parce qu’un climat politico-médiatique encourage la xénophobie. D’autres disent en plus policé ce qu’éructent ces Montargois, et ne seront jamais poursuivis pour cela. Dénoncer, comme Emmanuel Macron, « l’immigrationnisme » en reprenant les mots du RN, associer telle une évidence immigration et délinquance ou fustiger les « Français de papier », comme le font couramment la droite et les médias de Bolloré, c’est légitimer le racisme. Dans le reportage, Didier dit s’appuyer sur ce qu’il « voit à la télé » pour pointer du doigt « les Mustapha ». CQFD bis.

 

 

« Emballé, pesé » le billet de Maurice Ulrich.



Qu’y a-t-il vraiment de commun entre le RN et le Nouveau Front populaire ? Eh bien, Éric Le Boucher, chroniqueur des Échos, nous le dit. Le progrès ou plutôt leur détestation du progrès : « L’extrême droite, par ignorance crasse, elle a longtemps été antivax. La gauche parce qu’elle trouve la science achetée par les labos et coupable d’avoir inventé le système technologique producteur de C02. La science c’est le progrès, la nouvelle élite veut l’arrêter pour promouvoir le conservatisme. »

Emballez, c’est pesé, le progrès social avec. La « nouvelle élite » donc, serait celle qui veut prendre le pouvoir en lieu et place de la vraie, authentique et légitime, celle « des diplômés « riches », pro-business, pro-Europe, pro-progrès, pro-laïcité »… L’autre, ou plutôt les deux autres, dans le même sac, c’est donc tout le contraire. Alors le chroniqueur lance un grand cri d’alarme : « Gens de l’élite, ne tirez pas sur Macron, vous êtes derrière » et « la colère et la misère transformées en pathologie nationale du malheur constituent la plus grande opération de désinformation politique ». Ben oui, car pour « l’élite », tout va bien.

 

dimanche 23 juin 2024

"Le Nouveau Front populaire suivi de près en Europe", la chronique de Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen.



La déferlante d’extrême droite a touché une bonne partie de l’Union européenne, à la notable exception des pays scandinaves. Le cas de la Suède est particulièrement intéressant. Les mal nommés « Démocrates de Suède » – un parti d’origine néonazie et adepte de la théorie xénophobe du « grand remplacement » – sont, avec 13,2 %, en recul pour la première fois depuis la création de ce parti il y a trente-six ans ! À l’inverse, le Parti de gauche de notre ami Jonas Sjöstedt (+ 4,2 %, à 11 %) et les Verts (qui, avec leurs 13,8 %, dépassent désormais l’extrême droite) sont les vainqueurs de ce scrutin. Cette lueur d’espoir se confirme au Danemark, où le « Parti du peuple danois », d’extrême droite, s’effondre à 6,4 % (contre 26,6 % il y a dix ans), tandis que la formation nationaliste concurrente, les « Démocrates danois », recule à son tour. Il est intéressant de noter que le zèle anti-immigration de la Première ministre sociale-démocrate n’a pas été payant : avec 15,6 %, son parti enregistre le pire résultat de son histoire depuis plus de cent vingt-cinq ans et se fait dépasser par le « Parti populaire socialiste », de gauche (17,4 %, en progression de 4,2 % sur 2019). Scénario analogue en Finlande, où les « Vrais Finlandais », qui siègent au Parlement européen aux côtés des « Frères d’Italie » de Giorgia Meloni, recueillent 7,6 %, perdant 6,2 % sur 2019 et 12,4 % sur les législatives de 2023, tandis qu’« Alliance de gauche » fait un bond en avant remarquable de 10,4 %, dépassant, avec 17,3 %, les sociaux-démocrates. Des expériences à étudier attentivement…

Le reste de l’Europe n’a, en revanche, pas échappé, certes dans des proportions inégales, à la dangereuse poussée brune. En Italie, Giorgia Meloni peut se targuer de sortir de ce scrutin avec « le gouvernement le plus fort de tous ». En Espagne, non seulement les ultras de « Vox », héritiers du franquisme, se renforcent comme troisième force du pays, certes à un étiage encore limité (10,4 %), mais un nouveau mouvement, intitulé « La fête est finie », dirigé par un jeune youtubeur d’extrême droite (3,9 %), qui se veut « un destructeur », a fait irruption dans un paysage politique en crise. En Allemagne, l’AfD – ouvertement raciste et nostalgique du 3e Reich – dépasse, avec ses 15,9 %, tous les partis de la coalition au pouvoir et se place en tête dans les « nouveaux Länder ». En Autriche, le FPÖ d’extrême droite est devenu la première force politique du pays. Etc. Quant à la France…

Dans ce contexte hautement toxique, l’évolution rapide et inattendue de la situation, au sein des gauches françaises, retient l’attention parmi les forces progressistes européennes. Il y a quelques jours encore, l’image marquante renvoyée par Paris était celle d’une extrême droite hégémonique – la plus importante délégation nationale de tout le futur Parlement européen – et de plusieurs gauches divisées sinon « irréconciliables ». La capacité de celles-ci, dans toutes leurs composantes, à prendre (enfin) la mesure du danger, à dépasser leurs divergences et à s’unir sur un « programme de rupture » à même d’offrir une vraie alternative a fait forte impression. Le fait que, en plus des partis, les organisations syndicales dans leur diversité, ainsi que la Ligue des droits de l’homme comme les principales ONG, se retrouvent dans ce nouveau « Front populaire » apparaît comme un événement de dimension quasi historique. Comme le note « Il Manifesto » : « La gauche a réalisé un exploit auquel peu de gens auraient cru il y a encore quelques jours ». Nombreux sont nos amies et amis européens qui croisent les doigts. Ne les décevons pas !

 

jeudi 20 juin 2024

« Le naufrage », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Cerné par les eaux de l’île de Sein, Emmanuel Macron s’échoue sur les rives de l’inconséquence. Lors de son déplacement, mardi, dans ce haut lieu de la Résistance, le chef de l’État s’est livré à l’un de ces apartés qu’il affectionne tant et qui disent tout de lui. Dans la hiérarchie des dangers qui guettent la France, l’ennemi électoral numéro un, selon lui, n’est pas le RN mais le Nouveau Front populaire. La cible prioritaire sur laquelle il concentre ses tirs en piochant, toute honte bue, dans les éléments de langage de l’extrême droite. Le programme du NFP ? « Totalement immigrationniste, lâche-t-il. Ils proposent d’abolir toutes les lois qui permettent de contrôler l’immigration. » Face à une promeneuse, il actionne, cette fois, le levier transphobe : il y a « des choses ubuesques (dans le programme du NFP), comme aller changer de sexe en mairie ». Du Bardella dans le verbe et dans l’esprit.

Nous en sommes donc là. Acculé par la dynamique du NFP, ce président élu et réélu au nom du barrage à Marine Le Pen en devient le zélé porte-parole, après en avoir été le parfait marchepied. Une trahison de ses propres engagements. Mais aussi de tous ces électeurs de gauche, aujourd’hui diabolisés, qui ont eu le courage, eux, de voter « Macron », un mouchoir sur le nez. Cette stratégie du chef de l’État les insulte et ne peut que mettre, au final, du carburant dans un moteur RN déjà poussé à plein régime.

« Les masques tombent », raillait le chef de l’État, la semaine passée. Le sien, surtout. Et l’on ne peut que constater avec désolation que son sauvetage électoral prime sur tout. Il est insupportable, quatre mois après l’entrée de Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon, de l’entendre renvoyer dos à dos un Front populaire héritier des combats républicains, antiracistes, pacifistes et sociaux, et le RN pétainiste et xénophobe. Ce cynisme intégral d’Emmanuel Macron entretient la confusion des mots et des idées. Il met à mal la parole politique autant qu’il crache sur l’histoire de notre pays.

 

« À l’île de Sein », le billet de Maurice Ulrich.



Donc, Emmanuel Macron a choisi à l’île de Sein, l’un des hauts lieux de la Résistance dont la quasi-totalité des marins pêcheurs avait rejoint la France libre, pour y fustiger la gauche avec des caricatures outrancières. Outre son programme économique, présenté comme une catastrophe – pensez donc, elle rétablirait l’ISF, entre autres –, il suffirait avec elle d’entrer dans une mairie pour changer de sexe. En plus de cela, elle serait « immigrationniste ». En d’autres termes, à deux doigts d’organiser « le grand remplacement ». Sauf erreur c’est le même Emmanuel Macron qui épouse ici les thèses du RN et qui saluait il y a peu l’entrée au Panthéon de Mélinée et Missak Manouchian avec leurs camarades « étrangers et nos frères pourtant ». La veille, le Parisien, proche du président, évoquant dans l’éditorial les programmes du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national, donnait deux pages à Jordan Bardella pour exposer ce dernier et qui y déclarait : « Pour gouverner j’ai besoin d’une majorité absolue. » Peut-être pas. Avec l’aide du président, qui semble en avoir fait le choix, une cohabitation bien consentie pourrait faire l’affaire.

mercredi 19 juin 2024

« Bascule », l’éditorial de Marion d’Allard dans l’Humanité.



Ne jamais confondre climat et météo. Si l’assertion vaut pour les scientifiques, elle est au figuré parfaitement adaptée aux affaires publiques. À l’œuvre depuis deux décennies, la recomposition politique bouleverse le paysage, chamboule les hémicycles. Exit le choc de 2002. L’eau sale a coulé sous les ponts. L’extrême droite prospère, lentement mais sûrement, nourrie de la désespérance sociale, renforcée par la médiatisation outrancière de la parole xénophobe. Et chaque scrutin avive la menace de voir se matérialiser sa victoire. Tous les signaux sont là, depuis longtemps et les progressistes ont tiré maintes fois le signal d’alarme. Souvent bien seuls, trop seuls.

L’orage a fini par éclater. Le coup de tonnerre de la dissolution a déclenché le déluge. Le RN est sur le perron de Matignon et, face à la menace, il en est qui résistent – la gauche, unie sous la bannière du Nouveau Front populaire – ; il en est qui l’accompagnent – les rétrogrades et les racistes de tous bords – ; il en est, enfin, qui s’en accommodent. Et ce sont eux, si difficiles à appréhender, qui pourraient bien acter la périlleuse bascule. Des cabinets ministériels aux couloirs des grandes administrations, certains sont prêts à lâcher la rampe. Par loyauté républicaine ? Elle ne saurait justifier la compromission. Par ambition personnelle ? Elle ne saurait piétiner les valeurs démocratiques des serviteurs de la République.

Étourdissante inversion des valeurs. Sous les tirs croisés des éditorialistes bollorisés, des dignitaires de la droite dite républicaine, des macronistes – ou de ce qu’il en reste – et des apologistes de l’extrême droite, le Nouveau Front populaire est poussé hors du champ républicain, quand le RN, lui, y entre désormais tout entier. Ainsi, la force jadis honnie est devenue acceptable. « Être le supplétif du RN n’est pas une ambition mais un constat de renoncement », confie Nicolas Sarkozy dans les colonnes du Journal du dimanche, de Geoffroy Lejeune, interrogé sur les noces funestes de Ciotti et de Bardella. Nulle critique de la matrice idéologique du RN. Tout juste la déception égocentrée de ne pas faire la course en tête. En cuisine, comme en politique, le gratin n’est finalement pas si décollé des nouilles.

 

« Détail », le billet de Maurice Ulrich.



La terre est plate. On n’a jamais marché sur la Lune… Le pape François est une femme, Serge Klarsfeld voterait pour le Rassemblement national… Mais là, c’est vrai. L’avocat qui, avec son épouse Beate dont les coups d’éclat ont marqué l’histoire, a consacré sa vie à la traque des criminels nazis a déclaré ce week-end sur LCI que ce serait son choix en cas de duel avec la France insoumise. Pour lui, il n’y a pas photo, le RN a fait sa mue et « il soutient les juifs et Israël, alors que l’extrême gauche est redevenue antisémite ». Redevenue ? Qui à gauche et quand ? Au temps de l’Affiche rouge ? Serge Klarsfeld semble avoir oublié que le FN, devenu RN, a été fondé par un ancien SS, comme il a oublié « le détail de l’histoire » qu’étaient les chambres à gaz, selon Jean-Marie Le Pen. Jordan Bardella feignait d’ailleurs de l’ignorer, il y a encore quelques mois. Les réactions se sont multipliées. Pour Liliane, de confession juive, citée dans plusieurs médias, « c’est une insulte aux morts de la Shoah ».

mardi 18 juin 2024

« Gagner », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



On se doit de le dire clairement. Les absurdes décisions autoritaires concernant les investitures, les dissensions à gauche dans les circonscriptions ne sont pas seulement regrettables, elles sont irresponsables et c’est un euphémisme. Le Nouveau Front populaire n’avait vraiment pas besoin d’offrir ce cadeau à la Macronie, à la droite qui s’en sert pour masquer ses propres déchirements et au Rassemblement national. Comment les électrices et les électeurs qui placent tous leurs espoirs dans ce rassemblement des forces de gauche, celles et ceux qui étaient ce week-end dans la rue, pourraient ne pas être troublés ?

Ce coup de gueule, qu’on nous pardonne ces mots, ne doit pas toutefois nous masquer l’essentiel. Les forces syndicales ou associatives du pays, des sportifs connus, des hommes et des femmes de culture se lèvent face au vent mauvais. Jamais, depuis des décennies, la droite et l’extrême droite, les médias qui leur sont proches n’ont usé d’une telle violence dans leurs propos à l’égard de la gauche, maniant l’outrance, le mensonge, instrumentalisant de manière éhontée, ce n’est qu’un exemple, l’accusation d’antisémitisme dans une inversion sans précédent des valeurs.

Les figures de la Macronie, empêtrées dans le bourbier de la dissolution au point que des députés sortants renoncent à se représenter, reprennent en chœur le refrain des « extrêmes ». C’est un paravent. Mettre le RN sur le même plan que le Nouveau Front populaire, c’est l’absoudre. Le parti de la xénophobie, de la haine et de la régression sociale ne serait que le pendant des forces de gauche et de progrès. Le RN peut décidément dire merci à Emmanuel Macron.

On le sait. Le RN tient la tête dans les sondages. Il n’a pas encore gagné. Il nous faut à la fois lever son masque de respectabilité, faire la lumière sur les vérités de son programme et de ses intentions et, en même temps, partager le plus largement possible les propositions du Nouveau Front populaire. On parlait, depuis des années, de gauches irréconciliables. Dans ce combat se retrouvent des forces et des personnalités qui ne partagent pas tout, mais qui ont comme dans toutes les grandes heures du pays cette conviction : il faut gagner.

Haut du formulaire

Bas du formulaire

 

« Au rendez-vous », l’éditorial de Laurent Mouloud dan l’Humanité.

  « Va à la niche ! Va à la niche ! On est chez nous ! »  Diffusées dans  Envoyé spécial , les images de cette sympathisante RN de Montarg...