Ne jamais confondre climat et météo. Si l’assertion vaut pour les
scientifiques, elle est au figuré parfaitement adaptée aux affaires
publiques. À l’œuvre depuis deux décennies, la recomposition politique
bouleverse le paysage, chamboule les hémicycles. Exit le choc de 2002. L’eau
sale a coulé sous les ponts. L’extrême droite prospère, lentement mais
sûrement, nourrie de la désespérance sociale, renforcée par la médiatisation
outrancière de la parole xénophobe. Et chaque scrutin avive la menace de voir
se matérialiser sa victoire. Tous les signaux sont là, depuis longtemps et les
progressistes ont tiré maintes fois le signal d’alarme. Souvent bien seuls,
trop seuls.
L’orage a fini par éclater. Le coup de tonnerre de la dissolution a
déclenché le déluge. Le RN est sur le perron de Matignon et, face à la menace,
il en est qui résistent – la gauche, unie sous la bannière du Nouveau Front
populaire – ; il en est qui l’accompagnent – les rétrogrades et les
racistes de tous bords – ; il en est, enfin, qui s’en accommodent. Et ce
sont eux, si difficiles à appréhender, qui pourraient bien acter la périlleuse
bascule. Des cabinets ministériels aux couloirs des grandes administrations,
certains sont prêts à lâcher la rampe. Par loyauté républicaine ? Elle ne
saurait justifier la compromission. Par ambition personnelle ? Elle ne
saurait piétiner les valeurs démocratiques des serviteurs de la République.
Étourdissante inversion des valeurs. Sous les tirs croisés des
éditorialistes bollorisés, des dignitaires de la droite dite républicaine, des
macronistes – ou de ce qu’il en reste – et des apologistes de l’extrême droite,
le Nouveau Front populaire est poussé hors du champ républicain, quand le RN,
lui, y entre désormais tout entier. Ainsi, la force jadis honnie est devenue
acceptable. « Être le supplétif du RN n’est pas une ambition mais
un constat de renoncement », confie Nicolas Sarkozy dans les
colonnes du Journal du dimanche, de Geoffroy Lejeune, interrogé sur
les noces funestes de Ciotti et de Bardella. Nulle critique de la matrice
idéologique du RN. Tout juste la déception égocentrée de ne pas faire la course
en tête. En cuisine, comme en politique, le gratin n’est finalement pas si
décollé des nouilles.
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