La déferlante d’extrême droite a touché une bonne partie de l’Union européenne,
à la notable exception des pays scandinaves. Le cas de la Suède est
particulièrement intéressant. Les mal nommés « Démocrates de Suède »
– un parti d’origine néonazie et adepte de la théorie xénophobe du « grand
remplacement » – sont, avec 13,2 %, en recul pour la première fois
depuis la création de ce parti il y a trente-six ans ! À l’inverse,
le Parti de gauche de notre ami Jonas Sjöstedt (+ 4,2 %, à 11 %)
et les Verts (qui, avec leurs 13,8 %, dépassent désormais l’extrême
droite) sont les vainqueurs de ce scrutin. Cette lueur d’espoir se confirme au
Danemark, où le « Parti du peuple danois », d’extrême droite,
s’effondre à 6,4 % (contre 26,6 % il y a dix ans), tandis que la
formation nationaliste concurrente, les « Démocrates danois », recule
à son tour. Il est intéressant de noter que le zèle anti-immigration de la
Première ministre sociale-démocrate n’a pas été payant : avec 15,6 %,
son parti enregistre le pire résultat de son histoire depuis plus de cent
vingt-cinq ans et se fait dépasser par le « Parti populaire
socialiste », de gauche (17,4 %, en progression de 4,2 % sur
2019). Scénario analogue en Finlande, où les « Vrais Finlandais »,
qui siègent au Parlement européen aux côtés des « Frères d’Italie »
de Giorgia Meloni, recueillent 7,6 %, perdant 6,2 % sur 2019 et
12,4 % sur les législatives de 2023, tandis qu’« Alliance de
gauche » fait un bond en avant remarquable de 10,4 %, dépassant, avec
17,3 %, les sociaux-démocrates. Des expériences à étudier attentivement…
Le reste de l’Europe n’a, en revanche, pas échappé, certes dans des
proportions inégales, à la dangereuse poussée brune. En Italie, Giorgia Meloni
peut se targuer de sortir de ce scrutin avec « le gouvernement le plus
fort de tous ». En Espagne, non seulement les ultras de « Vox »,
héritiers du franquisme, se renforcent comme troisième force du pays, certes à
un étiage encore limité (10,4 %), mais un nouveau mouvement, intitulé
« La fête est finie », dirigé par un jeune youtubeur d’extrême droite
(3,9 %), qui se veut « un destructeur », a fait irruption dans
un paysage politique en crise. En Allemagne, l’AfD – ouvertement raciste et
nostalgique du 3e Reich – dépasse, avec ses 15,9 %, tous
les partis de la coalition au pouvoir et se place en tête dans les
« nouveaux Länder ». En Autriche, le FPÖ d’extrême droite est devenu
la première force politique du pays. Etc. Quant à la France…
Dans ce contexte hautement toxique, l’évolution rapide et inattendue de la
situation, au sein des gauches françaises, retient l’attention parmi les forces
progressistes européennes. Il y a quelques jours encore, l’image
marquante renvoyée par Paris était celle d’une extrême droite hégémonique
– la plus importante délégation nationale de tout le futur Parlement européen –
et de plusieurs gauches divisées sinon « irréconciliables ». La
capacité de celles-ci, dans toutes leurs composantes, à prendre (enfin) la
mesure du danger, à dépasser leurs divergences et à s’unir sur un
« programme de rupture » à même d’offrir une vraie alternative a fait
forte impression. Le fait que, en plus des partis, les organisations syndicales
dans leur diversité, ainsi que la Ligue des droits de l’homme comme les
principales ONG, se retrouvent dans ce nouveau « Front populaire »
apparaît comme un événement de dimension quasi historique. Comme le note
« Il Manifesto » : « La gauche a réalisé un exploit auquel
peu de gens auraient cru il y a encore quelques jours ». Nombreux sont nos
amies et amis européens qui croisent les doigts. Ne les décevons pas !
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