« Lepénisation des esprits », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.

Un jour, les historiens se pencheront sur les réactions politiques et médiatiques à la mort de Jean-Marie Le Pen, l’homme par qui l’extrême droite a été réhabilitée. Sa disparition jette une lumière crue sur la lepénisation des esprits. À l’annonce du décès du tortionnaire colonialiste, raciste, antisémite, anticommuniste viscéral, les chaînes d’info en continu ont interrompu la retransmission des cérémonies d’hommage aux victimes de l’attentat de l’Hyper Cacher… pour consacrer des heures d’antennes à l’homme qui qualifia les chambres à gaz de « détail de l’histoire ».

Une grande partie de la droite française n’a pas hésité à qualifier de « visionnaire », de « lanceur d’alerte » le châtelain de Montretout, qui affirmait : « Je crois à l’inégalité des races, c’est évident. » Les « Durafour crématoire », l’Occupation « pas particulièrement inhumaine », la présence des Roms « urticante » et « odorante », l’homosexualité « anomalie biologique et sociale »… De simples « polémiques », selon notre nouveau premier ministre, à qui il faut visiblement rappeler que le racisme, le négationnisme, l’antisémitisme ne sont pas des « dérapages » mais des délits punis par la loi.

Cette vaste opération de blanchiment de Jean-Marie Le Pen aura au moins écorné le vernis de « respectabilité » entretenu par sa progéniture. Chez les cadres du RN, la mise au ban de la brebis galeuse, qui chantait encore récemment dans son salon avec des néonazis, a laissé place aux hommages émus, aux promesses de fidélité à ses idées. Pour qui doutait encore du prétendu « changement » du RN, la mort du fondateur du Front national a le mérite de clarifier les choses.

Et il en faudra, des clarifications, tant le débat public se vautre dans un confusionnisme aussi indécent que dangereux. « Mélenchon, l’héritier de Le Pen », ont osé notamment Plantu, dans les colonnes du Monde, et autres toutologues de CNews. Une odieuse ineptie qu’on aurait tort de prendre à la légère, et qui n’a qu’un seul objectif : diaboliser la gauche de transformation sociale, la seule capable de battre l’extrême droite.