Après les fêtes de fin d’année, le
maître de l’Elysée appuyé par le grand média-business nous a offert un nouvel
épisode de comédie macronique. Ce jeu de rôles qu’il fait jouer à intervalle régulier dans ce même décor
politicien. Les mêmes actrices et acteurs s’installent au conseil des ministres
pour remplir, au fond, une seule mission sérieuse : être les meilleurs valets
d’un système rejeté de mille façons par les travailleurs et le peuple. Le
maître de l’Elysée manœuvre donc à donner l’illusion que quelque chose change
pour que rien ne change. Et que le capitalisme soit bien protégé.
Pour camoufler cet objectif fondamental, le locataire du château baratine à
tout va sa rengaine creuse du « dépassement » de l’opposition entre la gauche
et la droite. Et de lancer une nouvelle co-production « sarko-macroniste »
visant à cajoler les milieux d’affaires.
Pour être réussie, la grande manipulation avait besoin que les souffleurs
de la pensée présidentielle entretiennent un insoutenable suspens… Puis, ils
ont longuement devisé sur l’âge du nouveau capitaine comme hier ils vantaient
en cœur auparavant la nomination d’une dame de fer en la personne de Mme Borne,
déjà oubliée. Pourtant, comme elle l’a souligné elle-même, celle-ci n’a pas
failli à sa mission antisociale. Tel un robot, elle aura méticuleusement fait
le sale boulot de la contre-réforme des retraites, fait adopter avec la droite
et l’extrême droite la loi la plus raciste depuis la Libération, tailler
l’assurance chômage et gouverner à coup de menton grâce à l’anti-démocratique
alinéa 49.3 de la constitution gaulliste.
Puis, sans craindre d’entretenir une funeste confusion, la médiacratie a vu
dans la nomination de M. Attal le moyen de concurrencer la tête de liste de
l’extrême droite aux élections européennes à venir. Ceux qui croyaient qu’un
premier ministre était chargé de conduire la politique de la France perdent
leurs dernières illusions. Mais il ne faut pas s’y tromper ! Derrière cette
mission, il n’y a évidemment qu’un objectif politique : Faire du RN /FN la
seule alternative politique en vue de l’élection présidentielle.
C’est d’ailleurs, ce à quoi ont servi à deux reprises les fameuses
rencontres de Saint-Denis : officialiser l’insertion du RN/FN dans le spectre
de la République abîmée. Autrement dit, solidifier l’assurance vie du
capitalisme en capilotade. Mais le travail de détournement des regards des
véritables objectifs n’était pas terminé. Le premier brasseur de vent allait se
rendre tous les jours auprès des Français pour leur porter la bonne parole. En
effet, la bourgeoisie considère que les travailleurs, les gens de peu ont besoin
d’un visage avenant pour comprendre qu’ils doivent continuer à souffrir, à se
priver. Ils ont besoin de « pédagogie » car ils ne connaissent pas la chance
qu’ils ont d’avoir épuisé leur salaire dès le milieu du mois alors que plus
pauvres qu’eux encore profiteraient d’un « système social trop généreux ».
Funeste opération qui consiste à préparer une nouvelle dégradation de la
situation des privés d’emploi pour renforcer la pression à la baisse sur les
salaires de ceux qui travaillent. C’est le moyen que réclame le capital pour
maintenir la rentabilité, considérant les gains de productivité insuffisants.
Réprimer les chômeurs, c’est aussi réprimer le monde du travail. Ce sera la
tâche essentielle de la sarkosyste nouvelle ministre du travail, en lien avec
le tout aussi sarkosyste ministre de l’économie et des finances : Réduire
encore la durée d’indemnisation du chômage des seniors éjectés du travail,
abaisser à nouveau les droits des allocataires de l’allocation chômage, engager
une contre-réforme de l’Unedic et sortir de nouveaux couteaux contre la
sécurité sociale.
On a abreuvé les téléspectateurs de commentaires et d’images sur la longueur de
la table du conseil des ministres pour mieux faire accepter qu’on y accueille
enfin la présidente du conseil national des « Républicains ». La même personne
qui, hier, caractérisait ce gouvernement de ramassis de traîtres de droite et
de traîtres gauche. Bienvenue au club, lui ont répondu « les traîtres » en tout
genre. Elle va paraît-il s’occuper de la politique culturelle de la France. Le
monde de la culture et de la création se demande toujours pourquoi dans la
France de Molière, Hugo, Baudelaire, Vitez, Philippe, Picasso, Truffaut,
Sartre, Brel, Renoir, Aragon, Monet, Cézanne, Prévert on est passé de Malraux à
Dati.
Et voici qu’au pays de Jules Ferry, de Jaurès et de Briand, la ministre
chargée de l’éducation nationale, publique et laïque justifie de conduire tous
les matins ses enfants dans un établissement catholique privé réservé aux
familles huppées de Paris. Des trémolos dans la voix, elle s’est insurgée que
les heures de cours n’étaient pas assurés faute d’enseignants en nombre
suffisants dans l’enseignement public. Diantre ! Cela fait sept ans que les
ministres successifs de l’éducation nationale nous expliquent pourtant à chaque
rentrée scolaire que chaque élève a un professeur face à lui. À quel moment,
donc, nous ment-on ? Nul doute que cette dame ne manquera jamais une occasion
de brandir la laïcité et de nous prodiguer des leçons de morale. Ces deux nouvelles
ministres sont vraisemblablement chargées de mettre en œuvre la nouvelle doxa,
développée par le président, visant au « réarmement moral et civique » et à «
régénérer » les idées. Un concept abondamment utilisé par Mme Le Pen, copie
conforme des travaux d’une officine anticommuniste installée en Suisse dès
1945, dont la mission était de diffuser la bonne parole capitaliste
anglo-américaine à travers l’Europe. La « régénération » vise à faire renaître
ce qui a été altéré ou qui a dégénéré. L’uniforme à l’école en est l’un des
éléments comme le sont les attaques contre le corps diplomatique et
préfectoral, la volonté de mettre à bas le statut de la fonction publique, le
viol des conventions internationales et de la constitution avec la loi dite « immigration
» ou « le modèle social trop généreux ». C’est la fameuse bataille contre les
idéaux portés par le mouvement de mai-juin 1968 chère à Sarkozy. C’est vouloir
débusquer l’ennemi intérieur pour ériger le fameux « ordre nouveau ». En Juin
1941, Pétain en avait fait un programme. Un ministère de l’éducation où l’on
n’hésite pas à vanter l’école privé et un ministère de la culture depuis lequel
la nouvelle ministre commence par cracher sur les acteurs culturels désignés
comme porteur d’une culture « élitiste » sont tout désignés pour cette nouvelle
étape de la bataille culturelle pour « une régénération et un réarmement »
permettant d’en finir avec les Lumières.
Ce « réarmement » est aussi la nouvelle étape de la politique économique du
locataire de Bercy placé désormais au second rang protocolaire dans l’ordre des
ministres. Il travaillera en lien étroit avec le directeur de cabinet du
premier ministre, M. Moulin qui fut le conseiller économique du président
Sarkozy pilotant le grand tournant austéritaire à partir de l’année 2009.
Simplifier les démarches des entreprises, tel est le nouveau crédo. Bruno Le
Maire a été précis, lors de ses vœux à la presse qui pourtant n’en dit mot : «
Notre administration ne doit pas être « face » aux entrepreneurs, elle doit
être avec eux ». Elle doit se mettre à « leur place » a-t-il proclamé.
Autrement dit, l’Etat doit être encore plus au service du capital qui doit
pouvoir exploiter et spéculer sans entrave. Puis à l’attention des travailleurs
et des retraités il n’a pas mâché ses mots : « le plus dur est devant nous »
a-t-il averti, ajoutant « le tournant du redressement des finances publiques a
été pris, il sera maintenu fermement ». Les balivernes sur les réductions
d’impôt cachent donc l’amplification des baisses des impôts sur le capital et
l’augmentation des impôts dit de consommation, c’est-à-dire toute la fiscalité
indirecte comme la nouvelle augmentation des taxes sur l’électricité. Le
ministre prévient que « le plein emploi ne pourra pas être atteint à modèle social
constant ». Ainsi au nom d’un prétendu plein emploi le pouvoir justifie donc
une nouvelle étape de l’accélération de la destruction des droits sociaux, de
la protection sociale et d’insécurité salariale.
Tous ceux qui ont tenu le pays en haleine durant près de trois semaines,
avec l’âge et le sourire du capitaine, les mercato avortés, les prétendues
surprises se gardent bien d’ouvrir le débat sur la nature de cette nouvelle
étape du macronisme dilué dans le sarkosisme, avec pour objectif la mise en œuvre
d’une combinaison de nouvelles contre-réformes néolibérales, d’austérité
renforcée et de nouvelles régressions démocratiques. C’est une stratégie ultra
droitière répondant à l’objectif de payer les dépenses militaires en
augmentation, gavant le complexe militaro-industriel, et de répondre à la fois
au capital financier qui réclame la baisse des dépenses publiques et au
capitalisme industriel qui demande plus d’aides publiques et la diminution des
impôts dit de production. L’État social sera encore amaigri et le monde du
travail et de la création bombardé des thèses du « réarmement » en paieront le
lourd tribu.
Le pouvoir alimente ainsi « en même temps » le capital et l’extrême droite
qui n’en demandait pas tant. Il est sûr qu’avec un tel programme caché le
premier ministre ne demandera pas un vote de confiance au parlement. A
contrario, le monde du travail et de la création ont bien besoin que la gauche
unie au parlement dépose une motion de censure contre le gouvernement en même
temps que les forces syndicales se manifestent rapidement. C’est d’intérêt
général car « le macron circus » peut vite tourner à la catastrophe.
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