Dans ses Mémoires rédigés en 2018, une phrase résume le
combat de Jean-Marie Le Pen et les raisons qui ont motivé la fondation de
son parti : « Le grand remplacement de notre peuple s’accompagne
et prétend se justifier par le grand remplacement de notre Histoire. » Son
interminable testament est un brûlot de la « nostalgérie », la
matrice de l’extrême droite française qui lui a permis, au passage, de mettre
sous le tapis un passé collaborationniste bien encombrant.
Les travaux des historiens, dont le dernier livre de Fabrice Riceputi
consacré au passé tortionnaire de Le Pen en Algérie, contribuent à mettre en
lumière les racines idéologiques colonialistes qui ont justifié l’injustifiable
et la dangerosité des idées que véhicule encore aujourd’hui l’extrême droite
française. La « question » ou encore les « interrogatoires
spéciaux », selon la sémantique de Le Pen père, ne sont rien
d’autre que les tortures infligées par l’armée française au plus fort de la
« bataille d’Alger » pour mâter dans le sang l’élan libérateur du
mouvement indépendantiste algérien. Les recherches des historiens sont
précieuses tant le combat mémoriel est lourd de sens politique.
Malgré les tentatives de replâtrage et autres promotions de jeunes cadres
prétendument vierges d’une histoire peu glorieuse, le Rassemblement national
reste le Front national. Il y a deux ans encore, au perchoir de l’Assemblée
nationale, le doyen et député du RN José Gonzalez s’était fendu d’un discours
qui transpirait la nostalgie de l’Algérie française. Ce discours avait été relu
par Marine Le Pen. Interpellé plus tard sur l’OAS, il avait osé déclarer
qu’il n’était pas là « pour juger » si cette
organisation terroriste à l’origine d’innombrables attentats meurtriers
avait « commis des crimes ou pas ».
L’aversion des immigrés – le fonds de commerce électoral de l’extrême
droite – s’inscrit dans le combat d’arrière-garde de Jean-Marie
Le Pen en faveur d’une Algérie française fantasmée que Paris aurait
lâchement livrée aux Arabes, qui envahiraient aujourd’hui nos territoires tels
des colons, selon l’inepte et insupportable thèse du « grand
remplacement ». La normalisation du RN, c’est aussi la banalisation de ce
legs de haine colonialiste.
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