À chacun ses héros. Bernard Arnault a trouvé les siens : Donald Trump
et Elon Musk, égéries du fascisme 3.0. Le patron de LVMH s’est extasié lors de
son récent séjour aux États-Unis des baisses d’impôts annoncées par le
locataire de la Maison-Blanche. Alors, forcément, son retour à Paris a été
une « douche froide », soutient-il. Pensez, l’exécutif
envisage d’augmenter l’impôt sur les entreprises pour une durée d’un an, de
sorte que le patronat participe, lui aussi, à renflouer les caisses publiques.
Un affront aux yeux de la première fortune de France, évaluée à
189 milliards d’euros. Voilà donc Bernard Arnault à la tête d’une
jacquerie où l’on retrouve les directeurs généraux de Michelin, d’Air France
KLM et consorts. L’argument massue de ces chantres du séparatisme des
ultrariches vaut son pesant d’or : la France serait dépourvue
d’attractivité et de compétitivité en raison de taxes, d’impôts, de normes qui
tueraient le « made in France ». Comme si à Bercy et à Matignon, de
dangereux gauchistes caresseraient l’idée d’une justice fiscale digne de ce
nom.
Inspirés par les fédérations patronales d’outre-Rhin qui ont défilé le
29 janvier en faveur d’une réduction des « charges »
administratives et des impôts, ainsi que d’une flexibilisation accrue du droit
du travail, nos croisés en costard-cravate refusent de mettre la main au
portefeuille qu’ils ont pourtant très gros. Une réaction de gosses gâtés et
pourris à coups de niches fiscales, d’exonérations d’impôts, de suppression de
l’ISF et d’enveloppes de deniers publics via le Crédit d’impôt recherche, comme
ce fut le cas pour Michelin.
Leur indécence tutoie des sommets, à l’heure où 9 millions de Français
survivent sous le seuil de pauvreté, où les inégalités explosent, à l’heure
aussi où des millions de contribuables participent au juste financement des
services publics.
L’élite des multimilliardaires menace de quitter le territoire ; c’est
là un sordide chantage pour tordre le bras au politique. À la manière d’un Musk
et de sa chasse aux fonctionnaires, Bernard Arnault rêve de « slasher
la bureaucratie » française. Dit plus crûment, d’éradiquer les
règles et les réglementations qui régissent un État au nom de l’intérêt
général. Le libertarien Javier Milei, qui charcute l’Argentine à la
tronçonneuse, n’aurait pas dit mieux.