dimanche 26 janvier 2025

« Auschwitz : l’écho de leur voix », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



N’oublions jamais ce que l’humanité n’a pu empêcher. Il y a quatre-vingts ans jour pour jour, l’Armée rouge franchissait les barbelés du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau. La monstruosité de cette industrie de mort et de déshumanisation se dévoile alors au monde. Ici ont été assassinés, entre 1940 et 1945, au moins 1,1 million d’hommes, de femmes et d’enfants, principalement juifs.

Auschwitz est devenu le symbole des six millions de victimes des camps de la mort, où furent déportés juifs, homosexuels, tziganes, communistes, résistants. Comme furent exterminées par l’eugénisme nazi 70 000 personnes handicapées. Si l’horreur documentée à la libération des camps n’en finira jamais de hanter la conscience humaine, c’est qu’elle dit ce que l’homme peut faire à l’homme.

Les rescapés ont parlé, écrit, malgré le caractère indicible de cette plongée en enfer. Les écouter ou les lire impose de ne pas détourner le regard devant l’abîme de souffrances, proprement insoutenables. Bientôt, ils ne seront plus. Ce sera aux autres générations de faire vivre ce travail de mémoire, tant le négationnisme n’a rien de résiduel. Ce crime contre la vérité demeure la colonne vertébrale de l’extrême droite française. Les hommages récents à celui qui qualifia les chambres à gaz de « détail de l’histoire » en sont la preuve implacable.

Cette journée de commémoration jette une lumière crue sur notre époque. Aucun discours politique ne sera prononcé aujourd’hui à Auschwitz. Sage décision que de laisser la parole aux survivants devant l’inquiétant aréopage des dirigeants actuels. La voix des derniers témoins de la Shoah porte la mise en garde la plus forte contre cette passion triste, qui gagne du terrain partout dans le monde, à pratiquer l’exclusion, l’humiliation, la haine et le génocide.

Aurait-on imaginé, il y a encore dix ans, que les deux dirigeants des principaux États concernés au premier chef par la libération des camps, Israël et la Russie, ne participent pas à cette commémoration, car ils sont poursuivis par la CPI pour « crime de guerre » et « crime contre l’humanité » ? Israël sera représenté. Ce ne sera pas le cas de la Russie, pas même par le biais d’une association des derniers témoins qui ont libéré Auschwitz.

« Si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons », avait saisi si finement Paul Éluard. L’écho se heurte à toutes ces haines ordinaires, ces révisionnismes et obscurantismes religieux que décuple la percée de nouvelles formes de fascisme partout dans le monde.

Incombe aux progressistes une responsabilité majeure pour mener en toute clarté le combat contre l’antisémitisme, en se battant partout, tout le temps, pour l’égalité des droits, pour toutes, pour tous, quelle que soit leur nationalité ou religion. Marie-Claude Vaillant-Couturier avait confié comment au procès de Nuremberg, elle était passée lentement devant Göring en pensant : « Avec mes yeux, ce sont des millions de morts qui vous regardent ». Ils nous fixent toujours.

 

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