N’oublions jamais ce que l’humanité n’a pu empêcher. Il y a
quatre-vingts ans jour pour jour, l’Armée rouge franchissait
les barbelés du camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau. La monstruosité
de cette industrie de mort et de déshumanisation se dévoile alors au
monde. Ici ont été assassinés, entre 1940 et 1945, au moins 1,1 million
d’hommes, de femmes et d’enfants, principalement juifs.
Auschwitz est devenu le symbole des six millions de victimes des camps
de la mort, où furent déportés juifs, homosexuels, tziganes, communistes,
résistants. Comme furent exterminées par l’eugénisme nazi
70 000 personnes handicapées. Si l’horreur documentée à la libération
des camps n’en finira jamais de hanter la conscience humaine, c’est qu’elle dit
ce que l’homme peut faire à l’homme.
Les rescapés ont parlé, écrit, malgré le caractère indicible de cette
plongée en enfer. Les écouter ou les lire impose de ne pas détourner le regard
devant l’abîme de souffrances, proprement insoutenables. Bientôt, ils ne seront
plus. Ce sera aux autres générations de faire vivre ce travail de mémoire, tant
le négationnisme n’a rien de résiduel. Ce crime contre la vérité demeure la
colonne vertébrale de l’extrême droite française. Les hommages récents à celui
qui qualifia les chambres à gaz de « détail de l’histoire » en
sont la preuve implacable.
Cette journée de commémoration jette une lumière crue sur notre
époque. Aucun discours politique ne sera prononcé aujourd’hui à Auschwitz.
Sage décision que de laisser la parole aux survivants devant l’inquiétant
aréopage des dirigeants actuels. La voix des derniers témoins de la Shoah porte
la mise en garde la plus forte contre cette passion triste, qui gagne du
terrain partout dans le monde, à pratiquer l’exclusion, l’humiliation, la haine
et le génocide.
Aurait-on imaginé, il y a encore dix ans, que les deux dirigeants des
principaux États concernés au premier chef par la libération des camps, Israël
et la Russie, ne participent pas à cette commémoration, car ils sont poursuivis
par la CPI pour « crime de guerre » et « crime contre
l’humanité » ? Israël sera représenté. Ce ne sera pas le cas de la
Russie, pas même par le biais d’une association des derniers témoins qui ont
libéré Auschwitz.
« Si l’écho de leur voix faiblit,
nous périrons », avait saisi
si finement Paul Éluard. L’écho se heurte à toutes ces haines ordinaires,
ces révisionnismes et obscurantismes religieux que décuple la percée de
nouvelles formes de fascisme partout dans le monde.
Incombe aux progressistes une responsabilité majeure pour mener en toute
clarté le combat contre l’antisémitisme, en se battant partout, tout le temps,
pour l’égalité des droits, pour toutes, pour tous, quelle que soit leur
nationalité ou religion. Marie-Claude Vaillant-Couturier avait confié comment
au procès de Nuremberg, elle était passée lentement devant Göring en
pensant : « Avec mes yeux, ce sont des millions de morts qui vous
regardent ». Ils nous fixent toujours.
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