vendredi 24 janvier 2025

« Devoir conjugal ? », le billet de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



La décision sonne comme un soulagement pour toutes les femmes. Et un appel à combattre ce patriarcat qui hante nos textes de loi. Ce jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme a donné raison à une Française de 69 ans dont le mari avait obtenu le divorce aux torts exclusifs de son épouse, au motif qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles avec lui depuis plusieurs années.

Une victoire fondamentale pour cette habitante des Yvelines qui s’était vu reprocher à deux reprises – devant la cour d’appel et la Cour de cassation – son manquement au « devoir conjugal ». Le tout en vertu d’une interprétation bien rétrograde du Code civil et du mariage.

L’attitude des deux juridictions françaises a de quoi inquiéter. Chacune d’elles n’a pas hésité à s’engouffrer dans les ambiguïtés de certains articles et de vieilles jurisprudences pour estimer, finalement, que la « communauté de vie » (art. 215 du Code civil) sous-entendait une communauté de lit. Pas gêner, apparemment, de véhiculer une vision archaïque et religieuse de la famille où les femmes doivent se soumettre à la volonté sexuelle de leur mari, leur déniant le droit au consentement et à disposer librement de leur corps. Cette approche juridique a été balayée par la CEDH qui, en condamnant la France, a rappelé l’évidence : « Tout acte sexuel non consenti est constitutif d’une forme de violence sexuelle. »

Cette bataille judiciaire appelle des évolutions législatives. Et à sortir, notamment, des ambiguïtés d’un Code civil rédigé il y a des décennies. Alors que près d’un viol sur deux est commis par le conjoint ou le concubin, il est inacceptable que des magistrats puissent, aujourd’hui encore, sous-entendre que le mariage implique une obligation de relations sexuelles entre époux. « Les droits des femmes ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Simone de Beauvoir savait mieux que quiconque combien le combat féministe était une lutte permanente, au plus intime de nos vies. Dans nos sociétés gangrenées par un patriarcat séculaire, cette lutte vient de marquer un point de plus.

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