mercredi 22 janvier 2025

« Faire front contre le technofascisme », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



La fréquentation du pire finit par faire sombrer les consciences les plus alertes dans une forme funeste de lassitude, de résignation passive. Déprimer pour mieux opprimer : voilà sans doute l’arme la plus redoutable des puissants décidés à enterrer tout projet égalitaire, prêts pour cela à débarrasser le capitalisme des oripeaux démocratiques dont il s’était un temps paré pour mieux asseoir sa domination sur le monde.

La prise de la Maison-Blanche par le duo Trump-Musk donne le signal de basculements aux répliques incalculables. Elle a été rendue possible par une sidérante coalition de milliardaires et d’électeurs tenus dans la relégation sociale, culturelle, économique, géographique. La clé de voûte de cette alliance cimente les chimères technologiques, transhumanistes entretenues par un système en crise et la promesse de protection, de préservation identitaire chère à l’extrême droite. L’avènement d’un nouvel âge des foules, où les réseaux sociaux allument des fièvres collectives propices à la désinformation, à toutes les manipulations, a fait le reste.

Toute technologie a deux versants : elle peut être mise au service de l’émancipation comme de la domination, de l’exploitation. Sur Internet, le mirage de l’horizontalité s’est hélas évanoui ; il laisse place au cauchemar d’une jungle où de grands monopoles contrôlent seuls les circuits par lesquels transite l’information, et les infrastructures d’utilité publique dont ils combattent la régulation.

Sortir de cette impasse implique de bâtir de nouvelles coalitions pour réhabiliter les principes d’égalité, de liberté, de fraternité, pour élargir les enclaves démocratiques qui restent, pour repenser une conception partagée du progrès humain, dans les contraintes imposées désormais par le chaos climatique et l’extinction de masse en cours. Cela ne pourra se faire par la seule grâce des réseaux sociaux et des échanges virtuels. Le futur se joue dans les luttes, dans les liens vivants qu’il nous appartient de renouer, loin des affects tristes où nous confine le capitalisme pulsionnel des magnats de la tech américaine.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

COMPAGNONS !

Je garderai de vous, compagnons de misère, au blanc de mes jardins la noirceur de vos pas, des rides de douleur sur une eau qui fut claire...