C’est la saignée sociale la plus importante depuis des
dizaines d’années. Dix mille emplois supprimés dans l’entreprise Milee,
déclarée en liquidation judiciaire depuis le 9 septembre 2024. Dix mille.
Ce nombre est tellement élevé qu’il faut l’écrire en toutes lettres pour que le
lecteur soit certain qu’il n’y a pas une faute de frappe, pas de zéro en trop.
Mais cela fait des mois que ces dix mille personnes et
leur famille vivent un cauchemar. Retards de salaires, voire non- paiements
sont devenus monnaie courante dans l’entreprise. Pour survivre, nombre de
salariés ont dû souscrire des crédits, aggravant ainsi leur situation à moyen
terme. Pourtant, il y a moins d’un an, les liquidités de Milee s’élevaient à
151 millions d’euros. La CGT s’interroge d’ailleurs « sur les
sommes qui se sont évaporées (…), qui pourraient s’apparenter à des abus de
biens sociaux ». Le syndicat pointe également les aventures
capitalistiques hasardeuses des différentes directions, mais aussi « le
non-paiement par l’État de plusieurs centaines de millions d’euros ».
Car, si le métier de l’entreprise était d’assurer la distribution de
prospectus publicitaires, en 2021 elle remportait le marché de la distribution
du matériel électoral à la suite de son ouverture à la concurrence. L’opération
s’est soldée par un fiasco, d’où le « non-paiement » de la facture.
Pourtant, les actionnaires se sont versé 70 millions d’euros de dividendes
en décembre 2023.
Les salariés, eux, sont au Smic horaire.
Essentiellement des « petits contrats » à temps partiel pour des
salaires de 500 à 600 euros : des retraités, des mères célibataires,
obligés de travailler pour compléter leurs maigres revenus ou pension. Isolés,
peu syndiqués et peu organisés, ils ont également fait les frais de la loi
climat et résilience qui vise à réduire le gaspillage induit par les prospectus
publicitaires. Une ambition juste et légitime mais qui n’a été accompagnée
d’aucune mesure prenant en compte l’impact social de ses
dispositions. Dans cette histoire de licenciement de masse, révélatrice de
bien des scandales de notre société, seuls les salariés de Milee payent les
pots cassés. Une situation inacceptable qui commande que l’État ne reste pas
spectateur.
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