Dans quel pays démocratique du monde une farce pareille peut-elle se
jouer ? Près de trois mois après le second tour des législatives, où le
Nouveau Front populaire (NFP) est arrivé en tête, c’est donc Michel Barnier,
issu d’un parti ayant réalisé 6 % à cette élection, qui est monté mardi à
la tribune de l’Assemblée nationale pour y prononcer son discours de politique
générale. Les deux forces politiques les plus rejetées par les citoyens,
LR et Ensemble, vont donc gouverner avec une feuille de route à rebours de
toutes les exigences exprimées par les Français dans les urnes.
Quand le Palais Bourbon abritait ce monde parallèle, la rue a tenté de le
ramener à la réalité, celle de Français qui n’arrivent plus à se soigner, à se
nourrir convenablement ou à vivre dignement de leur travail. Aux citoyens qui
battaient le pavé à l’appel de l’intersyndicale pour exiger l’abrogation de la
réforme des retraites, l’augmentation des salaires et des pensions, le
financement de nos services publics, qu’a répondu Michel Barnier ?
Toujours plus de sang et de larmes avec un plan d’austérité XXL que le nouveau
premier ministre va faire essentiellement reposer sur les dépenses publiques.
Les enseignants et soignants, au front pour éduquer et soigner, apprécieront
la promesse fumeuse de renforts de bénévoles retraités !
L’exercice d’équilibriste de Michel Barnier s’est contenté de formules
creuses, certes assénées avec un ton moins arrogant que le mépris macroniste,
de quelques principes républicains réaffirmés, de maigres concessions sur la
fiscalité des plus riches (dont les détails sont renvoyés au débat budgétaire)
et de trois miettes à mettre à l’ordre du jour du « dialogue
social ». Mais le cap général est clair et vient piocher dans tout le
nuancier de la droite, jusqu’aux obsessions du RN. Le premier ministre, sous
tutelle de Marine Le Pen, n’a d’ailleurs pas eu un mot sur le péril d’extrême
droite, appelant tout juste « à plus de fraternité ». Il
n’y a rien d’inéluctable à subir ce cauchemar démocratique. La motion de
censure déposée par le NFP sera examinée la semaine prochaine. La gauche est
prête à récupérer les clés de Matignon.
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