Il a tout essayé : dissoudre l’Assemblée nationale, prétendument pour
obtenir une clarification, alors que l’extrême droite frôle les 40 % aux
élections européennes ; convoquer en urgence des élections législatives afin de
court-circuiter le débat démocratique, diviser les forces de gauche et de
l’écologie politique, tenter d’empêcher la constitution d’un « Front
républicain », y compris contre l’avis de son Premier ministre.
En vain. Le peuple a déjoué tous les funestes plans du président de la
République.
Ne devant son élection à deux reprises qu’au Front républicain, sans jamais
en tenir compte lors de ses mandats, E. Macron devrait aujourd’hui mesurer le
haut niveau de discrédit voire de « déligitimation » dont il est
l’objet.
Rien n’y fait !
Il refuse d’admettre qu’à l’Assemblée nationale, le bloc des gauches et
écologistes est le plus important et qu’en toute logique, il devrait choisir
un-e- premier-e- ministre en son sein. La décision lui en a été facilitée avec
le choix de Lucie Castets. Il s’agit là, de sa part, d’un comportement
politique bien peu républicain. Il l’est d’autant moins quand son propre groupe
à l’Assemblée nationale, déjà, affaibli, disposerait de 48 députés de moins
sans la mobilisation claire de la gauche pour les faire élire et réduire le
poids de l’extrême droite.
Depuis le 7 juillet, le prétexte pour ne pas permettre la constitution d’un
gouvernement des gauches et des écologistes était le refus de voir des
ministres issus de La France Insoumise siéger au gouvernement. Ce paravent
s’est effondré quand Jean-Luc Mélenchon a fait sauter ce verrou en déclarant
qu’il n’y aurait pas de ministre issu de son mouvement si le président
acceptait la formation d’un gouvernement de Lucie Castets. Il a ainsi déchiré
le petit rideau de fumée des prétextes hypocrites. Subitement, droite, extrême
droite et macronistes, de concert avec le syndicat du grand patronat, ont avoué
leur véritable problème. Ce n’est pas LFI, c’est le Nouveau Front populaire en
son entier. C’est le programme de pouvoir vivre mieux qu’il présente.
Autrement dit, macronistes, droite, extrême droite et Medef avouent qu’ils
ne sont en rien favorables à l’amélioration du sort des 3,1 millions de
salariés du secteur privé payés au Smic. Sans compter les salariés agricoles,
de nombreux agents publics et des travailleurs précaires ou mal déclarés,
exclus de ce chiffrage.
Certes, ils bégaient des mots creux avec une mine déconfite sur les
services publics, mais ils ne veulent absolument pas améliorer l’accès aux
soins, à l’éducation, au logement, à la tranquillité publique ou aux transports
publics au nom de leur sacro-saint « prélèvement obligatoire » ou
« déficit public » qu’il faut diminuer. Évidemment, ils ne veulent à
aucun prix d’un nouveau gouvernement qui remette en cause leur contre-réforme
des retraites. Le Nouveau Front populaire est même prêt à se conformer à
l’injonction de la Commission européenne réclamant la réduction du déficit d’au
moins dix milliards d’euros. Il choisirait une autre méthode que celle de l’austérité.
Il propose d’augmenter la participation des puissances d’argent à l’effort
commun. « Inadmissible ! », clament en cœur les donneurs de leçons de gestion.
C’est le peuple qui doit payer. Voilà les nœuds du problème. Voilà les enjeux
de classe qui sont posés. Soit un gouvernement au service de la minorité des
privilégiés et des détenteurs du capital lucratif, soit un gouvernement au
service de l’intérêt général.
Comme dans une république bananière, les droites et extrême droite
coalisées sous l’égide du président de la République ne veulent en aucun cas
respecter l’aspiration au changement alors qu’ils n’ont aucune majorité dans le
pays pour appliquer leurs politiques au service des milieux d’affaires. Les
décrets macronistes de « trêve Olympique » de « décantation » et
la diabolisation de la France Insoumise sont destinés à créer une ambiance
lourde et insécurisante autour d’une situation de blocage justifiant que le
président ait les mains libres.
Le sordide groupuscule des personnes en débandade qui dirigent la France au
nom des forces de l’argent cherche donc des adjuvants politiques pour justifier
leurs décisions : culpabiliser les citoyens qui auraient mal voté ; faire
croire que le pays a besoin de compromis pour être gouverné au « centre » par
un bloc central qui réunit prétendument des contraires afin de camoufler des
choix de plus en plus droitier. La comédie des consultations des groupes
parlementaires ne visait pas à choisir un-e- premier-e- ministre, mais à
écarter celle proposée par le Nouveau Front populaire, Lucie Castets. En
réalité, E. Macron ne veut délibérer qu’avec lui-même.
Il se prétend maître dans « l’art de gouverner » pour dissimuler
son esprit de manager, appliquant à la lettre la grammaire des milieux
d’affaires. Ceux-ci comptent sur lui pour être ferme, malin et capable
d’élargir la base sociale pour faire accepter le système malgré les profondes
souffrances qu’il génère.
C’est le rôle dévolu au RN/FN qui constituera une force charnière à
l’Assemblée nationale pour accélérer les politiques antisociales et
anti-démocratiques.
La stigmatisation de LFI va de pair avec l’organisation d’une sévère
pression sur la nature du Parti socialiste appelé à rompre l’union des gauches
et des écologistes. L’invocation du retour de la social-démocratie est un
leurre. En vérité, le capital et ses mandataires ne cherchent pas à relancer un
parti réformiste prônant un compromis capital/travail, mais le
social-libéralisme dont on sait qu’il n’a rien de social pour accompagner les
projets du capitalisme financier mondialisé.
Les milieux d’affaires et les marchés financiers avides de suraccumulation
du capital considèrent qu’ils n’ont plus rien à partager. Leur souci est de
transférer vers le capital toujours plus de richesses issues du travail.
Entraîner le Parti socialiste et d’autres dans la compromission, c’est
organiser leur perte et élargir encore les lits des extrêmes droites. La
propagande en faveur d’un gouvernement de compromis ou d’un gouvernement qui
n’aurait de technique que le nom est une tromperie contre les classes
populaires pour approfondir le remodelage de la France aux canaux du
capitalisme jusqu’à la contraindre à se séparer de sa souveraineté étatique. En
ce sens, que mon parti, le Parti communiste puisse être cité pour être partie
prenante d’un compromis avec les macronistes et la droite est une insulte à sa
nature même pour l’affaiblir encore. Au vrai, le système ne cherche pas de
compromis. Il cherche une soumission totale à ses diktats. Voyons l’ampleur de
la bataille en cours !
Les grandes
multinationales ; les marchés financiers et les secteurs de la
banque-assurance ; les géants du numérique essentiellement à base
nord-américaine veulent imposer une gouvernance algorithmique aux États, aux
citoyens, aux activités économiques ; l’entretien des guerres qui ne
bénéficient qu’aux seuls conglomérats militaro-industriel ; la
constitution d’oligopole du médicament et de la chimie ; l’intégration
toujours plus grande de la France au sein du bloc capitaliste occidental, sous
l’égide de l’Otan, pousse à la désintégration de l’État-Nation poussant les
dirigeants à s’affranchir de la souveraineté populaire et de la souveraineté
étatique. Tels sont les ressorts de la crise en cours qui minent les entrailles
des institutions de la Ve République.
Il s’agit d’une lutte de classe violente pour écraser tout projet de réforme
progressiste aussi modeste soit-il. Le compromis que recherche la bourgeoisie
n’est pas entre une gauche réformiste et les tenants du pouvoir, mais entre les
diverses variantes des droites avec les extrêmes droites.
Le combat est loin d’être terminé. Les classes populaires ne continueront pas longtemps à accepter ainsi d’être méprisés, dominées, exploitées alors que leurs votes sont jetés par-dessus bord quand ils ne coïncident pas avec la volonté des laudateurs du cercle de la raison capitaliste. Le mouvement populaire devra reprendre de la vigueur sous diverses formes. Le Nouveau Front populaire doit se mettre à son service, affermir son unité, se déployer dans tout le pays, organiser des actions unitaires au parlement et dans la rue jusqu’à utiliser tous les dispositifs constitutionnels pour mettre en échec ce coup d’État de velours contre la volonté des urnes. La Fête de l’Humanité qui s’ouvre dans quelques jours devrait être le lieu du renforcement de cette unité populaire incluant partis, syndicats et associations et l’espace de la préparation des victoires permettant de répondre aux aspirations sociales, démocratiques, écologiques, féministes, antiracistes. La Fête de l’Humanité peut rimer avec maturation et marche en avant du Nouveau Front populaire.
Patrick Le Hyaric, 27 août 2024.
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