mardi 30 avril 2024

« Un discours pour sa classe », la chronique de Patrick Le Hyaric.



Que le président de la République prononce à la Sorbonne un discours – annoncé comme la quintessence d’un nouveau projet européen – au moment même où le Parlement européen se réunit à Strasbourg en séance plénière en dit long sur son mépris de cette assemblée élue et de son peu de reconnaissance du parlementarisme européen.

Rappelons que, comme le Conseil européen dont le chef d’État est membre, un député européen est co-législateur des lois européennes.

Il n’est cependant pas inutile de lire et d’étudier le copieux et dense texte programme présenté par Emmanuel Macron à la Sorbonne, vidée de ses étudiants pour l’occasion.

Tout un symbole puisque le président s’y adressait essentiellement aux siens, les décideurs européens et les grands détenteurs de capitaux. Pas aux travailleurs, pas à la jeunesse en quête de solidarité, d’échanges et de coopération pour un nouveau projet de société plus juste et plus humain.

Un certain nombre de constats sur les enjeux auxquels l’Union européenne est confrontée, dans le contexte des bouleversements du monde en cours, sont certes utiles et peuvent même être partagés. Dès lors, la confrontation sur les solutions possibles devrait faire l’objet de débats plus sérieux que les échanges de petites phrases et les futiles polémiques.

De tels constats devraient conduire à s’interroger sur le rôle nouveau que devrait jouer l’Union européenne non pas pour accompagner le cours des choses, mais pour le changer. Les mots choisis disent beaucoup des intérêts que l’on sert. Des spécialistes du langage ont évalué que les plus utilisés lors de ce discours sont : marché, puissance, sécurité, frontières. Par contre, nulle trace des mots travail, travailleurs, progrès social, progrès écologique, lutte contre la pauvreté, la précarité, l’exclusion, action pour la paix. Il ne s’agit pas d’oublis. Leur absence souligne la conception fondamentale d’une construction européenne visant à conforter les grands groupes industriels et les marchés financiers internationaux loin de la protection des travailleurs et des peuples sans cesse placés dans une concurrence destructrice et anti humaniste.

M. Macron ne propose pas d’affronter le carcan européen – quasi constitutionnalisé dans les traités – mais d’en renforcer les fers les plus durs, les plus nocifs et dangereux.

Aucune volonté de travailler à une réorientation de la construction européenne vers un nouveau projet de coopération entre nations et peuples souverains, libres et associés, engagés vers le désarmement, l’élaboration d’un plan de sécurité commune et de paix. Au contraire, le chef de l’État français propose une grille de lecture qui, tout entière pousse à penser en termes de puissance militaire et financière dans la guerre intra-capitaliste mondialisée.

Son insistance, depuis des mois, sur les projets de réarmement des pays européens comme pilier de l’Otan est antinomique avec l’enjeu fondamental visant à bâtir une stratégie de prévention des conflits, complémentaire d’un projet de sécurité humaine globale. Rien de tel dans ce discours. Au contraire, alors que pour la première fois de son histoire, l’Union européenne affecte une partie de son budget pour acheter des armes, M. Macron propose « une préférence européenne » pour l’achat de celles-ci. Sa proposition est donc de relancer l’industrie d’armement en Europe. Jamais il ne propose « une préférence » numérique ou pharmaceutique, agricole ou énergétique. Pire encore, dimanche dernier dans un entretien à un groupe de presse, il va jusqu’à proposer le partage de l’arme nucléaire française. Qui décidera de son utilisation ? Qui en détiendra les clés ? Pure folie !

Il fait l’impasse sur les coopérations de type nouveau à construire avec les pays du sud pourtant si proches de nous. Il ne dit pas un mot sur l’impitoyable guerre que livre le pouvoir israélien aux populations de Gaza, ni sur la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem.

Il aurait pourtant pu profiter de l’occasion pour lancer une initiative européenne poussant au respect du droit international et pour la reconnaissance de la Palestine. Il aurait pu donner un nouveau contenu positif au projet euroméditerranéen. Rien de tel !

Il ose une nouvelle fois utiliser ce vocable discutable de « souveraineté européenne » ? Or, celle-ci s’arrête toujours là où prospèrent les intérêts américains, ceux des grandes multinationales et ceux de l’extrême droite israélienne !

La dramatisation, orchestrée par l’utilisation de mots tels qu’« Europe mortelle », révèle l’angoisse des bourgeoisies et des milieux d’affaires en Europe, mais ne dit pas de quoi se meurt cette construction européenne. Sa crise ne vient pas d’un excès de progrès social, démocratique, écologique. Elle trouve sa source dans le suivisme atlantiste, dans les souffrances des près de 14 millions de travailleurs privés d’emploi, des plus de 100 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, dans les considérables inégalités salariales et sociales, dans la soumission aux trusts numériques, de l’armement et de la pharmacie nord-américains, dans les traités de libre-échange qui donnent pouvoir aux grandes sociétés transnationales d’attaquer les États et l’Union européenne, devant des tribunaux internationaux privés, dès lors que des législations sociales ou environnementales entravent leurs possibilités d’augmenter leurs profits.

Cette « souveraineté européenne » n’est que le cache-sexe pour dissimuler la souveraineté du grand capital international que garantissent tous les traités européens. Une Union européenne coopérative reconnaîtrait que la souveraineté est populaire et s’exerce dans le cadre de la nation jusqu’au moment où les citoyens décident de nécessaires « partages de souveraineté » dans le cadre de cette union. Une union nouvelle des nations et des peuples libres, souverains et associés. Un tel projet permettrait d’ailleurs de combattre les nationalismes qui gangrènent l’Europe et détruisent l’indispensable internationalisme ouvrier.

On notera que l’exposé du président soulève des questions depuis longtemps mises sur le devant de la scène par les communistes y compris dans leurs actions et propositions au sein du Parlement européen. Ainsi, E. Macron est-il contraint de critiquer en creux le rôle de la Banque centrale européenne (BCE) qui ne soucierait pas de « la croissance » et des enjeux de « décarbonations de l’économie ». Il ne va cependant pas jusqu’à demander que la banque centrale et l’orientation de la création monétaire soient placées sous le contrôle des travailleurs et des peuples. C’est pourtant ce qui permettrait de traiter l’enjeu des dettes des États et des collectivités tout en développant de grands services publics pour les transports, le logement, la logistique, le numérique et des projets nouveaux pour le développement humain : l’école et l’université, la recherche, la santé ou un projet agro-écologique.

Le président pointe les besoins d’investissements qu’il évalue à mille milliards d’euros. On peut partager cet objectif et contester radicalement les moyens d’y parvenir. Fidèle à sa doctrine en faveur du grand capital, il propose de le subventionner y compris à partir d’emprunts levés par la puissance publique – qui alimenteraient de facto les marchés financiers – et « de remettre la culture du risque dans la gestion de l’épargne ».

Il veut ainsi revenir sur les faibles régulations financières et les règles prudentielles appliquées au secteur des banques et de la finance après la crise financière de 2008. Or, là encore, c’est une autre mobilisation de la BCE, la taxation des transactions financières, un impôt commun sur les bénéfices des multinationales, la lutte effective contre les paradis fiscaux qui permettraient de se donner les moyens pour des projets industriels et de services en phase avec la préservation du climat et de l’environnement, créateurs d’emplois durables et correctement rémunérés.

Quant à sa prétendue Europe de « l’humanisme », elle serait bien plus crédible si au Conseil européen, il ne s’était pas acharné à s’opposer à la directive en faveur des travailleurs des plateformes et à détricoter celle sur « le devoir de vigilance des entreprises », destinée à favoriser un comportement social et écologique responsable. On ne peut croire à son « humanisme », s’il n’avait pas – prétendument au nom d’une simplification administrative – participé ces dernières semaines à l’annulation dans la politique agricole commune de plusieurs dispositions de protections de la santé des travailleurs-paysans et de l’environnement ou s’il n’avait pas participé activement à l’élaboration du fameux pacte « asile-immigration ».

Une construction européenne est indispensable pour affronter les grands défis de notre temps. Tant de problèmes communs ne peuvent se régler qu’à l’échelle d’une coopération continentale.

Dans une autre Europe, la souveraineté des peuples et des travailleurs sur la production et le travail l’emporterait sur la loi de la concurrence et de l’argent. Une telle voie exige d’entamer un processus de transformation pour un nouveau traité européen.

Une sortie des critères « de la concurrence libre et non faussée » oblige à changer les institutions non élues comme la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Leurs orientations actuelles sont antagoniques avec la sortie des logiques productivistes et capitalistes exploitant jusqu’à épuisement, les êtres humains et la nature. Les peuples et les États devraient pouvoir déroger à l’application de certaines directives ou d’éléments des traités qui vont à l’encontre de leurs intérêts fondamentaux de progrès social, environnemental, d’égalité des femmes – hommes, notamment dans le travail.

Des clauses dites « du travailleur » ou « de la femme » les plus favorisés au sein de l’Union, bénéficiant du meilleur salaire, de la meilleure protection sociale ou environnementale, pourraient être rapidement votées par une nouvelle majorité au parlement. Encore faut-il en créer les conditions et bien mesurer l’importance de l’assemblée parlementaire européenne.

Le combat au sein de celle-ci et des institutions, avec plus de députés de gauche, particulièrement des députés communistes, est indispensable pour construire une majorité de gauche à l’heure où l’on frémit à la lecture des enquêtes d’opinion favorable aux droites extrémistes et aux extrêmes droites dont certaines se réclament sans fard du nazisme et du fascisme de Mussolini.

Dans un tel contexte, fou celui qui répand le venin des polémiques sur les plaies à vif de l’unité, sous les yeux rieurs de la grande bourgeoisie et des fondés de pouvoir du capital.

Au-delà des divergences, les travailleurs sont plus forts quand le débat porte sur des options de gauche et non plus sur des questions de droite, leur imposant toujours des réponses de droite aggravant leurs souffrances. Un renforcement substantiel de la gauche européenne avec des députés communistes serait d’autant plus efficace si elle s’articulait avec une union populaire en action pour la transformation radicale de la construction européenne. Les questions soulevées par le discours présidentiel nous y invitent. Il s’agit bien d’un enjeu de classe.

 

« Deux centimètres », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



Carlos Tavares n’est que la partie émergée du scandaleux iceberg de la rémunération des patrons. Le PDG de Stellantis a demandé et obtenu une augmentation de 56 %, à plus de 36 millions d’euros, pour l’année 2023. Une rémunération folle. Pour avoir une idée de ce que cela représente, imaginez une pile de billets de 100 euros de 36 mètres de haut. Pour un travailleur au Smic, la pile de billets de 100 euros représentant son salaire annuel s’élèvera péniblement à 2 centimètres. Ses petits copains patrons du CAC 40 n’ont certes pas tous réussi à faire aussi bien, mais ils ne sont pas à plaindre pour autant.

Dans son dernier rapport, Oxfam dévoile que, en 2022, les patrons et patronnes du CAC 40 ont gagné en moyenne 130 fois plus que le salaire moyen dans leur entreprise. En 2019, les mêmes gagnaient 111 fois plus que leurs salariés. Ramené au Smic, c’est environ 330 fois plus. En 1979, les PDG du CAC 40 ne gagnaient en moyenne « que » 40 fois plus que le Smic. Et ce n’était pourtant pas le socialisme en France. Les patrons justifient leurs émoluments en affichant les « bons résultats » des entreprises qu’ils dirigent. Entre 2019 et 2023, les bénéfices sont passés de 94,7 milliards d’euros à 153,6 milliards, et les dividendes et rachats d’actions, de 60,1 milliards d’euros à 97,9 milliards pour les actionnaires. Pendant ce temps, en France, toujours selon Oxfam, les salaires réels devraient retrouver seulement en 2024 leur niveau de 2019. Et la pauvreté touche désormais plus de 9 millions de personnes.

Ces chiffres indécents démontrent le « recul de civilisation » imposé par ce capitalisme financiarisé débridé. De telles inégalités ne sont plus supportables. Surtout au moment où l’on demande encore aux Français de fournir des efforts et que l’on annonce des coupes claires de dizaines de milliards dans les budgets sociaux. Sinon, au cinéma, on joue Petites Mains. L’histoire de femmes de chambre dont le mouvement social gagnant a bousculé la vie d’un de ces palaces où les patrons et actionnaires du CAC ont leurs habitudes. De quoi donner des idées pour ce 1er Mai.

« Feu », le billet de Maurice Ulrich.



Feu sur Sciences-Po et à volonté. La droite et l’extrême droite retrouvent un langage commun pour réclamer des sanctions contre sa direction, l’arrêt de son financement ; l’Opinion nous explique « Pourquoi la fabrique à élites déraille » et, pour le Figaro, qui en fait un titre sur toute sa une, la prestigieuse école, considérée soit dit en passant comme la seconde au monde pour la qualité de son enseignement, « s’incline face à la pression islamo-gauchiste ». Réaction dans le Parisien, beaucoup plus modéré, d’un de ses professeurs depuis quarante ans, Bertrand Badie, une sommité dans le domaine des relations internationales : « Quand j’entends dire que l’école serait devenue un bunker islamo-gauchiste, j’en tombe de ma chaise. » Économiste, également depuis quarante ans à l’école, Jacques Généreux évoque la mobilisation des étudiants face à ce qui se passe à Gaza : « On parle d’un drame mondial et historique. Heureusement que notre jeunesse se révolte. » Emmanuel ne veut y voir que « du séparatisme ». Au fond, l’Opinion n’a pas tort, la fabrique à élites sort du chemin qu’on lui avait tracé.

lundi 29 avril 2024

« Universités », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Deux cents arrestations, samedi, sur trois campus. Le mouvement parti de Columbia, à New York, s’est étendu, la semaine passée, à une vingtaine d’universités aux États-Unis, dont les plus prestigieuses. C’est à Columbia, précisément, que le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, est venu dénoncer le « virus de l’antisémitisme », quand Donald Trump parle, lui, de « honte » et de « chaos total ». Près de 35 000 morts à ce jour à Gaza, dont deux tiers de femmes et d’enfants, ça ne les trouble pas.

Les étudiantes et étudiants mobilisés, dont certains, il faut le préciser, sont membres de Jewish Voice for Peace – Une voix juive pour la paix, qui participe au mouvement –, savent quelle est la responsabilité de leur pays dans ce qui est en cours dans l’enclave palestinienne : un massacre.

Depuis l’insupportable opération terroriste du Hamas, le 7 octobre, la riposte d’Israël à l’agression est devenue une guerre de destruction contre la population civile gazaouie. Elle ne durerait pas plus de trois à quatre jours si les États-Unis mettaient fin à leurs livraisons de munitions, ininterrompues depuis sept mois.

Le double langage de Joe Biden le coupe de la jeunesse démocrate américaine, il fait le lit de l’offensive réactionnaire dont Trump est le symbole et le fer de lance. Les universités en sont une des cibles majeures au point qu’un État comme la Floride y a interdit l’enseignement de la sociologie pour le remplacer par des cours de bonne histoire américaine.

On ne saurait calquer ce qui se passe aux États-Unis sur la France et sur la mobilisation à Sciences-Po Paris, mais certaines réactions semblent tout droit s’en inspirer. Pour la tête de liste des Républicains, François-Xavier Bellamy, le gouvernement devrait tout simplement « stopper les financements publics à Sciences-Po ».

Chef de file du RN, Jordan Bardella, qui feint d’oublier les origines idéologiques de l’extrême droite française, réclame des sanctions face à ce qui apparaît comme une « perméabilité de l’antisémitisme dans le creuset de l’école des élites ». La mise au pas des universités est en soi un programme.

 

« GPA électorale », le billet de Maurice Ulrich.



Le Journal du dimanche sonne le tocsin avec un titre choc en une : « GPA, la bataille a commencé ». Suivent quatre pages avec à la manœuvre Charlotte d’Ornellas, figure emblématique de l’extrême droite en France et recrue de choix de Vincent Bolloré aux côtés de Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs actuelles. « La GPA de toutes les contradictions », titre-t-elle.

Et elle n’en est pas à une près. Car, ce qui motive cet appel au combat, c’est le vote, mardi dernier au Parlement européen et à la quasi-unanimité, d’une directive contraignante inscrivant l’exploitation de la gestation pour autrui « parmi les pratiques relevant de la traite d’êtres humains ».

Mais voilà le motif de la croisade : « En France, la pratique de la GPA est interdite dans les textes, mais dans les faits, la loi est contournée », et l’encouragement à contourner la loi est permanent. En d’autres termes, elle est interdite, toutes les forces politiques sont contre, mais c’est bien la preuve qu’on la prépare… En même temps que le JDD prépare les élections.

 

vendredi 26 avril 2024

« Mémoire(s) », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin.



Tarn : S’il y a toujours indélicatesse à parler de sa propre implication concernant un sujet d’actualité, le bloc-noteur doit néanmoins, pour une fois, franchir le pas. Pour la bonne cause, disons, celle du grand Jean Jaurès. Le début de l’histoire remonte dix ans en arrière, lors de la préparation d’un roman, Soldat Jaurès (Fayard, 2015), consacré au fils de Jean, le petit Louis, mort au front à Pernant, sur le plateau de Chaudun, dans l’Aisne, le 3 juin 1918.

Personne, jusqu’alors, n’avait exhumé le destin tragique du jeune engagé volontaire de la Première Guerre mondiale. « Soldat Jaurès », l’oxymore ultime. Le bloc-noteur-romancier s’était emparé de ce paradoxe : le fils d’un des plus grands pacifistes de tous les temps fut volontaire pour aller se battre, avant de mourir en héros, ignoré de tous. Pour la préparation de ce récit, il fallut aller à la découverte de la maison familiale des Jaurès, le domaine de Bessoulet, à Villefranche-d’Albigeois, dans le Tarn, qui appartenait à la famille de la femme de Jean, Louise.

En 2015, à la faveur de ce livre et de quelques conférences données dans le Sud, un certain Bruno Bousquet, alors conseiller municipal de Villefranche-d’Albigeois, découvrit la mésaventure du jeune Louis et se prit de passion pour Jean Jaurès. Devenu depuis le maire de la ville (en 2020), l’ami Bruno Bousquet eut une idée fixe : redonner du lustre au domaine de Bessoulet, laissé à l’abandon depuis des décennies…

Hollande : Déployant une volonté hors du commun, le maire de Villefranche-d’Albigeois frappa à toutes les portes officielles pour chercher des financements. Jusqu’en juin, beaucoup de ses requêtes échouèrent. Et il confessa son énervement. « La maison de Jaurès, quoi ! On doit s’en occuper », répétait-il. Le bloc-noteur entra en scène, prit son courage à deux mains et envoya un message à François Hollande, l’ancien président de la République.

Ce dernier lui répondit aussitôt, et quelques semaines plus tard, mi-septembre 2023, nous nous retrouvâmes, avec Bruno Bousquet, dans ses bureaux parisiens. Qui mieux qu’un ex-chef d’État pouvait faire accélérer le dossier ? Affable et immédiatement soucieux de s’en mêler, François Hollande fut non seulement convaincu qu’il y avait un intérêt général et une utilité publique à rénover Bessoulet, mais il nous confirma de vive voix que, pour Jaurès, il était lui aussi prêt à soulever des montagnes. En quelques mois, tout changea en effet. Et le rêve de Bruno Bousquet devient réalité, au-delà de ses espérances.

La maison de Jaurès enfin réhabilitée.

Patrimoine : À Bessoulet, les travaux ont débuté et avancent vite. Un budget de plus 500 000 euros a été constitué, avec notamment le ministère de la Culture, la préfecture du Tarn et le conseil départemental. La vie revient, les volets sont ouverts, la grille n’est plus fermée. Coups de pinceau et de marteau se succèdent à l’intérieur du bâtiment où Jean Jaurès a passé ses vacances et « écrit » des pages de sa vie politique, là où s’était jouée l’épopée des origines, là où le grand homme déclamait ses discours en latin, dans la glorieuse allée bordée de châtaigniers séculaires qui n’existent plus.

La bâtisse renaît, identique à ce qu’elle était il y a cent ans, aussi blanche qu’imaginée, figée dans un décor pas mal transformé au fil du temps. L’acquisition des deux tiers du domaine par la municipalité de Villefranche-d’Albigeois, propriété jusqu’alors de la commune de Carmaux, a été actée, de même qu’un accord avec le mobilier national. Des meubles d’époque vont être mis à disposition. Ils vont rejoindre le mobilier de Jaurès acquis par la mairie. Grâce aux interventions de François Hollande et au soutien du secrétariat général de l’Élysée, Bessoulet obtiendra, en juin prochain, le prestigieux label « Maison des illustres ».

À la même période, les premiers visiteurs pourront retrouver l’intimité de Jean Jaurès, de la salle à manger en passant par le bureau dans lequel il rédigeait ses textes et éditoriaux. Fin juillet, un spectacle y sera donné pour commémorer les 110 ans de l’assassinat du fondateur de l’Humanité, panthéonisé il y a tout juste un siècle, en novembre 1924. Une inauguration officielle se déroulera cet été. Un comité scientifique, composé d’historiens et de personnalités, animera ce patrimoine de notre Histoire. Le bloc-noteur et Bruno Bousquet en font partie. Jaurès méritait cette débauche d’énergie.

Rester debout !



Parfois ce qui aurait pu être un épilogue devient un début. On se dit alors qu’il va falloir vivre différemment. On se dit aussi qu’on pourrait peut-être parler davantage. Dire qu’on aime, dire ce que l’on pense. Dire ce qui nous choque ou nous émeut,  ce qui nous révolte parfois. Dire des choses simples, et même belles, si on peut, pour mettre du bleu, pour accompagner nos vies grises, nos vies de tant de crises. Avant le silence, avant que rien ne rime à rien. Du beau dans la laideur, de la lueur dans la solitude. De la dignité dans la mort, de l’espoir dans la maladie. Des seigneurs accoudés aux comptoirs et des princes dans Les manifs. Allez rêvons plus haut : du plaisir au super marché,  et sur les quais des gares, et de la poésie dans toutes choses. Parfois, ce qui aurait pu être un épilogue devient un début. On se dit alors qu’il va falloir faire différemment. Renoncer et se taire ? Non, rester debout et solidaire !

 

« Hécatombe », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Le 10 mars 1906, la catastrophe minière de Courrières, la plus grave de tous les temps en Europe et la deuxième au monde, emportait 1 099 vies. Le repos dominical et la création d’un ministère du Travail sont des conquêtes sociales du puissant mouvement de protestation sociale qui a suivi cette tragédie. Mais, à plus d’un siècle de distance, il n’existe toujours aucune structure d’État pour recenser les morts au travail. Aucun outil officiel fiable pour mesurer l’étendue de l’hécatombe silencieuse qui tue en France au minimum deux travailleurs par jour – la pire incidence dans toute l’UE –, sans parler des séquelles à vie laissées aux blessés.

Des ouvriers tombés au travail : voilà qui peine à retenir l’attention politique et médiatique. Quelques entrefilets dans la presse locale, des communiqués syndicaux vite oubliés, des procédures judiciaires le plus souvent enterrées ou closes par des peines ou des amendes dérisoires… Ces morts au travail sont ravalées au rang de faits divers. Elles sont banalisées, individualisées, rendues invisibles alors qu’elles témoignent d’un problème systémique. Et puis, répètent les patrons, que voulez-vous, « le risque zéro n’existe pas ». De tels discours de fatalité sont révoltants, quand ces morts sont dues, le plus souvent, à des négligences, au non-respect des règles de sécurité, aux cadences folles, à la pression, au manque de formation, à la course à la rentabilité, au recours à la sous-traitance en cascade.

Les plus vulnérables, les plus exposés, ce sont les plus précaires, ceux qui sont le moins armés pour contester des conditions de travail les mettant en danger. Pour les protéger, pour sauver des vies, la loi doit changer, instituer des sanctions dissuasives contre les employeurs qui tiennent la sécurité au travail pour un supplément d’âme, un coût à comprimer, alors qu’elle est un impératif social, un investissement. C’est le sens de l’initiative lancée par l’Humanité en faveur d’un observatoire pour recenser les morts au travail, leur rendre un nom, une histoire, un visage, exiger que cesse cette meurtrière injustice envers les travailleurs les plus vulnérables.

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« Le loup et l’agneau », le billet de Maurice Ulrich.



La culture générale en entreprise est-elle un avantage compétitif ? Une journaliste des Échos a assisté à un colloque de l’université L’Oréal – oui ça existe –, ayant invité des personnalités qui le valaient bien à débattre autour d’une phrase de Charles de Gaulle : « Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote. »

Ainsi, qu’en est-il, dit-elle, quand cette forme de philosophie expérimentale que sont les sciences cognitives pose la question de la raison ou de l’émotion et qu’il s’agit de prendre une décision. « Combien d’entreprises ont alors conscience, dit une philosophe, d’osciller entre Descartes et Spinoza ? » On peut être sidéré par la profondeur du questionnement et un détour par Kant ne serait pas inutile, voire par Marx s’il s’agit, par exemple, de décider d’une vague de licenciements boursiers.

Quoi qu’il en soit, « pas d’esprit critique sans références. Ainsi un dirigeant saura comment toucher le cœur des gens en se référant à l’art ». Bizarrement, l’article est illustré par une peinture évoquant une des fables de La Fontaine, le Loup et l’Agneau.

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jeudi 25 avril 2024

« Ne rien céder ! », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



Régler le débat par des convocations policières : voilà le nouveau credo d’un pouvoir pris dans sa fuite libérale autoritaire. Après les poursuites judiciaires contre des militants syndicaux comme Jean-Paul Delescaut, le harcèlement continu contre Rima Hassan, les interdictions de réunions publiques, c’est désormais la présidente d’un groupe parlementaire, l’insoumise Mathilde Panot, qui doit répondre devant la police d’une accusation d’« apologie du terrorisme ».

Pire, la calomnie, portée par les soutiens inconditionnels du gouvernement d’extrême droite israélien, devient une arme de disqualification massive, voire le motif à des poursuites judiciaires. Dénoncer le nettoyage ethnique et le risque plausible de génocide dans la bande de Gaza, rappelé par la Cour internationale de justice, appeler à un cessez-le-feu immédiat et au respect du droit international, ne peut pas être assimilé à un soutien au Hamas ou une preuve d’antisémitisme.

Nous condamnons les horreurs du massacre terroriste commis par le Hamas le 7 octobre, tout comme celles commises par l’armée israélienne à Gaza et en Cisjordanie. Notre fraternité humaine est touchée de la même façon. Nous ne cesserons d’exiger la libération de tous les otages, comme des prisonniers politiques palestiniens.

Ces intimidations reflètent une politique assumée de répression pour étouffer les colères populaires. L’usage d’un dispositif antiterroriste inscrit dans une loi de 2014 porte atteinte, comme nous le redoutions déjà à l’époque, aux droits fondamentaux.

Plus largement, ce gouvernement tente de criminaliser toutes celles et tous ceux qui luttent : syndicalistes menacés dans les luttes sociales, militants écologistes dépeints en écoterroristes, voix de la paix aujourd’hui. Il s’agit de fabriquer des exemples et de briser les mouvements de solidarité.

Ce climat suffocant doit cesser. La solidarité doit être notre priorité pour défendre nos libertés publiques et les idées de paix et de justice sociale et écologique. Personne ne peut, ne doit manquer à l’appel, sous peine que, demain, nous nous retrouvions tous mis à l’index. Faisons front au plus vite dans des initiatives communes pour exiger la fin des poursuites contre toutes les militantes et tous les militants.

« Ils souffrent », le billet de Maurice Ulrich.



Chers confrères, on mesure combien souffrent nombre d’entre vous ! Comme si vous était arraché le cœur à vif après qu’on vous eut ouvert la poitrine. On, c’est-à-dire eux. Les aiguilleurs du ciel, les cheminots, toutes celles et tous ceux qui appartiennent à « une caste de salariés qui bénéficient d’un pouvoir de nuisance ».

Qu’on y pense, l’accord sur les retraites à la SNCF « contrevient à l’esprit même de la récente réforme ». N’est-ce pas « un scandale », l’expression même d’une profonde « injustice » ? Qu’on s’en effraie. La direction de la SNCF a dû « acheter la paix sociale ». Et à quel prix. C’est pire que si des détrousseurs vous avaient fait les poches.

Oui, comme vous souffrez devant ce « grand chantage avant les JO » de ces syndicats qui ne tiennent leur légitimité que de leurs salariés et de leurs droits constitutionnels, vous qui la tenez de vos propriétaires milliardaires. Vous qui n’aspirez qu’à l’harmonie et à la concorde d’un monde où les 100 000 euros par jour d’un grand patron ne troublent pas la fête

 

mardi 23 avril 2024

« Léviathan Grok », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



L’information est en danger de mort. Les journalistes perdent année après année de la crédibilité auprès du public, du fait de la consanguinité des stars de la profession avec les élites politiques et économiques du pays. La presse, en particulier la presse écrite imprimée, est en grande difficulté financière à cause des nouvelles pratiques d’accès à l’information. La concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires lamine le débat sur le traitement de l’information et sa hiérarchisation. L’objectif est d’imposer une vision uniforme des événements.

Mais Elon Musk veut aller bien plus loin. Il veut et va produire sa propre « information » sans aucun journaliste pour vérifier les faits. Ce qui est logique, puisqu’il ne compte pas s’appuyer sur des faits. L’information version Musk sera produite par une intelligence artificielle (IA) à partir des contenus publiés par les abonnés.

Grok, cette IA, va se nourrir des publications sur X (ex-Twitter) des utilisateurs pour déterminer les sujets tendance, les mettre en forme et les publier quasiment en temps réel. Le milliardaire prétend qu’une communauté d’utilisateurs est plus fiable et efficace que des médias et des journalistes « sous influence ». Mais, à ce jeu-là, n’importe quelle fake news, pour peu qu’elle soit reprise et partagée par une masse critique d’utilisateurs ou de robots, sera publiée comme une information sérieuse. Elon Musk a un projet, celui de raconter le monde à sa manière. Le milliardaire ne fait pas mystère de son soutien à la branche la plus dure de la droite américaine et mondiale. X veut devenir le média où se fabriquent les histoires et l’opinion que cette droite veut lire et partager. Peu importe la vérité.

Dans son cours au Collège de France « Fictions politiques », l’historien Patrick Boucheron pointe l’enjeu de la « puissance narrative de l’exercice du pouvoir, qui noue art de gouverner et art de raconter, si l’on veut comprendre les formes historiques du consentement au pouvoir autoritaire ». Elon Musk dispose avec Grok d’un outil d’une puissance inouïe dans l’art de raconter, et avec X d’un média mondial pour créer les conditions de gouverner.

 

« Magique », le billet de Maurice Ulrich.



La bonne blague. Après les coups de règle sur le bout des doigts, la baguette magique : des séjours de « réarmement civique » de deux semaines en internat pour les jeunes en difficulté de 13 à 16 ans, avec le concours éventuel de quelques militaires pour faire sérieux.

Le premier ministre, Gabriel Attal, a tenu à Nice un discours ranci de dame patronnesse. « C’est un séjour de rupture pour des jeunes qui ne sont pas des jeunes délinquants mais qui ont besoin d’un cadre. (…) Cela contribuera à les remettre dans le droit chemin. » Les enseignants, les éducateurs ou les psychologues savent qu’une personnalité se forme dans le temps, que mettre un jeune quelques jours dans une bulle avant de le replonger dans son milieu, sauf exception rarissime, ne sert à rien.

Que ce n’est pas ce qui donne une formation, la perspective d’un travail, de vivre mieux dans la cité… La baguette de Gabriel Attal n’est pas seulement, sous couvert de fermeté, un déni de réalité. C’est le choix de ne rien changer avec de la poudre de perlimpinpin.

 

« Mirage », l’éditorial de Marion d’Allard dans l’Humanité.



Les rapports s’accumulent, les records aussi. 2023 fut une fournaise et jamais l’Europe n’avait connu en un an autant de jour de chaleurs extrêmes, révélaient ce lundi l’observatoire européen Copernicus et l’Organisation météorologique mondiale. Le mercure s’affole, les océans surchauffent, Dubai se noie, Bogota restreint l’accès à l’eau, et mars 2024 vient de s’inscrire comme le dixième mois consécutif le plus chaud jamais enregistré.

Le climat est le combat du siècle, et la tâche, immense, n’épargne aucun secteur. Certes, la transition écologique est désormais au cœur du débat public et de la diplomatie climatique. Mais ni la politique du petit geste, ni le techno-solutionnisme aveugle ne parviendront à relever le défi.

L’aviation, véritable nœud gordien de la transition, est un cas d’école. Responsable de près de 3 % des émissions mondiales de CO2, le secteur représente 5 % du réchauffement climatique planétaire et affiche des prévisions de croissance insolentes, portées par le doublement du trafic à horizon 2050.

Pour préserver un business juteux tout en s’accommodant – au moins en apparence – des exigences environnementales, la « start-up nation » creuse le filon du biokérosène. Porté par la société Elyse Energy, subventionné à coups de millions d’euros d’argent public et promu par un Emmanuel Macron qui entend faire de la France la « championne de l’avion ultra-sobre », le projet vise à produire un carburant biosourcé, à base de bois et d’hydrogène. Une promesse : voler plus, mais voler vert. Un mirage. Car, derrière, c’est la coupe rase de centaines de milliers d’hectares de forêt, la disparition de ces puits de carbone indispensables et une surconsommation d’eau colossale qui se jouent en sous-main, dénoncent militants écologistes et scientifiques.

L’aviation mondiale et ses 200 000 vols quotidiens engloutissent chaque année 300 millions de tonnes de kérosène. La réduction indispensable des émissions du secteur va de pair avec la limitation du trafic. Et la substitution, partout où c’est possible, du trajet en train, 20 à 50 fois moins émetteur que l’avion, au transport aérien.

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« Rêves », le billet de Maurice Ulrich.



« Indochine, un mot qui fait rêver. » Sans doute Guillaume Perrault, qui a présenté ainsi une émission sur la chaîne TV du Figaro, où il est chroniqueur, pensait-il aux couchers de soleil sur la baie d’Along, à la paix des rizières dans les élégantes propriétés des « résidents » français.

On se demande à quoi rêvaient les femmes et les hommes internés au bagne de Poulo Condor, enfermés parfois dans les terribles « cages à tigres » pendant des années sans pouvoir se lever et utiliser leurs jambes ? « Il y avait 5 000 bagnards, on les laissait mourir », dira, après coup, un commandant du camp pendant les années 1940.

Quels étaient les rêves des 6 000 victimes civiles du bombardement de Haïphong par la flotte française, le 23 novembre 1946, alors que des négociations autour de l’indépendance de la colonie étaient toujours en cours avec le Vietminh ? Guillaume Perrault aurait pu aussi fredonner une jolie chanson de l’époque : « C’est moi qui suis sa petite/
Son Anana, son Anana, son Anammite/Je suis vive, je suis charmante/Comme un p’tit z’oiseau qui chante… »

 

lundi 22 avril 2024

« Inflammable », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



C’était un lundi comme ce 22 avril. En 2002, les Français se réveillaient avec un goût de cendres dans la bouche. La veille, l’impensable était survenu : le Front national accédait au second tour de l’élection présidentielle. Ce qu’on avait pris pour un accident de parcours était en fait le début d’une lame de fond, symptôme du mal-être de la société et de son instrumentalisation par des forces venues des ténèbres de la politique. Vingt-deux ans plus tard, la question n’est plus seulement d’éviter la victoire de l’extrême droite au premier tour des élections. Elle est aussi de l’empêcher au second, sans que ce risque n’émeuve plus grand monde, comme si la France s’était habituée à marcher au bord du gouffre.

Ce premier succès du FN n’est pas arrivé tout seul. Quoique sans alliés, ce parti avait été puissamment aidé par des médias et des forces républicaines qui avaient repris sa rhétorique et ses thèmes de prédilection en espérant en tirer les bénéfices. Parmi les thèmes agités, celui de l’insécurité avait joué un rôle majeur. En 2024, alors que l’élection européenne se profile, un scénario semblable se reproduit. Après plusieurs faits tragiques impliquant des mineurs, celui de Grande-Synthe (Nord) est venu ajouter au climat irrespirable d’une France qui serait prise dans l’engrenage de l’ultra-violence des jeunes, signe de « l’ensauvagement » du pays.

L’assassinat du jeune Philippe, 22 ans, sidère autant par ses circonstances effroyables que par l’âge des assaillants (14 et 15 ans). De manière inquiétante, cet acte horrible génère d’autres violences contre les proches des mis en cause. Avec le risque que se banalise la spirale de la haine et de la vengeance en substitut d’une justice jugée trop « laxiste » avec les mineurs, thème sur lequel le RN joue la surenchère. Quand les « faits divers » se succèdent, monopolisant l’attention, ils deviennent un fait politique inflammable. La colère et l’émotion devant l’injustice réveillent alors la révolte contre l’abandon et la relégation sociale. Le dévouement des élus locaux ne suffit plus. À Grande-Synthe comme ailleurs, il est urgent d’apporter des réponses d’égalité et de fraternité.

 

« Esprit » le billet de Maurice Ulrich.



Dans le Journal du dimanche, qui consacre par ailleurs cinq pages et sa une à Jordan Bardella, Christine Kelly, l’une des planètes du système Bolloré avec son émission Face à l’info sur CNews exprime, dans une chronique, sa passion de la lecture. Le livre, dit-elle, « arme l’esprit ».

Elle en veut pour témoin le chroniqueur du Figaro Mathieu Bock-Côté, l’un de ses invités réguliers à l’antenne, qui consacre, dit-elle, huit heures par jour à la lecture, ce qui ne se voit pas d’emblée. Ou encore Charlotte d’Ornellas, l’une des figures en vue de l’extrême droite, de Valeurs actuelles au JDD, aux côtés de Geoffroy Lejeune, qui dit avoir beaucoup lu dès 7 ans les Alice de la Bibliothèque verte… Elle cite encore d’autres amoureux des livres, Guillaume Bigot, Marc Menant, tous deux également chroniqueurs sur CNews.

On peut être inquiet. La lecture vue par Christine Kelly serait-elle d’extrême droite ? Peut-être, mais elle voit au-delà, expliquant, il y a quelques mois, que ses succès d’audience étaient dus à Dieu. À Dieu et au saint Esprit.

 

vendredi 19 avril 2024

Nouvelle « Oh, vieillesse ennemie ! »



Écrire sur la vieillesse. Moi je veux bien essayer ... même si ce n’est pas si facile de parler de soi, des siens, de la vie ...La vieillesse, on ne peut la voir comme quelque chose de confus, sans un début bien défini ni de fin écrite. Elle ne se limite pas à un âge dit canonique, à une perte de garantie ou à une date d’expiration ...Moi, compte-tenu de mon expérience et surtout de mon âge, je la vois plutôt comme un état de sérénité, pour certain-e-s une satisfaction du devoir accompli et du partage réussi d’une vie à deux. La vieillesse, c’est comme le roman de sa vie. Un roman dont on peut apprécier faire feuilleter ses nombreuses pages par ses petits enfants ...! D’abord, il est logique et naturel de se poser la question. Certains parlent de la vieillesse comme d’un constat, du résultat d’une saturation, d’un changement dans le regard des autres, d’une suite de crises à passer, d’une image étrangère dans son miroir ou d’une évolution clinique des symptômes d’une maladie. Ces descriptions, ces symptômes ne sont que des observations, de simples photographies ... Et, en plus, on ne nous parle ici que des conséquences du vieillissement, des conséquences la plupart du temps inévitables. Bien vieillir est souvent une question de volonté... mais, ne l’oublions pas, c’est aussi et surtout une question de moyens (conditions de vie, stress, vie sociale) ! Ainsi, il suffit souvent d’essayer de quitter ses mauvaises habitudes, essayer ne pas se rouiller, fuir le repli sur soi et aussi vivre malgré l’absence de l’être aimé(e) Maîtriser, gérer ces causes, cela correspond en notre capacité au quotidien, et cela aussi bien à 30, 40, 60 ans… et plus, à entretenir ses repères, savoir reconnaître ses propres besoins, être capable de demander de l’aide si nécessaire, et puis aussi apporter son soutien aux autres. Je sais ... Cela peut paraître facile, au vieil homme que je suis, de donner des leçons aux autres ...Malgré cela, il suffit souvent d’ouvrir les yeux autour de soi. Vous avez sûrement dans votre entourage, à côté de vous, des voisins qui sont seuls et qui vieillissent mal. Nous pourrions simplement, moi, vous, devenir pour eux leur soutien, leur sourire, bref leur nouveau repère. C’est peut-être aussi ça, bien vieillir.

 

« Au rendez-vous », l’éditorial de Laurent Mouloud dan l’Humanité.

  « Va à la niche ! Va à la niche ! On est chez nous ! »  Diffusées dans  Envoyé spécial , les images de cette sympathisante RN de Montarg...