C’était un lundi comme ce 22 avril. En 2002, les Français se
réveillaient avec un goût de cendres dans la bouche. La veille, l’impensable
était survenu : le Front national accédait au second tour de
l’élection présidentielle. Ce qu’on avait pris pour un accident de parcours
était en fait le début d’une lame de fond, symptôme du mal-être de la
société et de son instrumentalisation par des forces venues des
ténèbres de la politique. Vingt-deux ans plus tard, la question n’est plus
seulement d’éviter la victoire de l’extrême droite au premier tour des
élections. Elle est aussi de l’empêcher au second, sans que ce risque
n’émeuve plus grand monde, comme si la France s’était habituée à marcher au
bord du gouffre.
Ce premier succès du FN n’est pas arrivé tout seul. Quoique sans alliés, ce
parti avait été puissamment aidé par des médias et des forces
républicaines qui avaient repris sa rhétorique et ses thèmes de
prédilection en espérant en tirer les bénéfices. Parmi les thèmes agités, celui
de l’insécurité avait joué un rôle majeur. En 2024, alors que l’élection
européenne se profile, un scénario semblable se reproduit. Après plusieurs
faits tragiques impliquant des mineurs, celui de Grande-Synthe (Nord) est venu
ajouter au climat irrespirable d’une France qui serait prise dans l’engrenage
de l’ultra-violence des jeunes, signe de « l’ensauvagement » du
pays.
L’assassinat du jeune Philippe, 22 ans, sidère autant par ses
circonstances effroyables que par l’âge des assaillants (14 et 15 ans). De
manière inquiétante, cet acte horrible génère d’autres violences contre
les proches des mis en cause. Avec le risque que se banalise la spirale de
la haine et de la vengeance en substitut d’une justice jugée trop
« laxiste » avec les mineurs, thème sur lequel le RN joue la
surenchère. Quand les « faits divers » se succèdent, monopolisant
l’attention, ils deviennent un fait politique inflammable. La colère et
l’émotion devant l’injustice réveillent alors la révolte contre l’abandon
et la relégation sociale. Le dévouement des élus locaux ne suffit plus. À
Grande-Synthe comme ailleurs, il est urgent d’apporter des réponses d’égalité
et de fraternité.
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