Tarn : S’il y a toujours indélicatesse à parler de sa propre implication concernant un sujet d’actualité, le bloc-noteur doit néanmoins, pour une fois, franchir le pas. Pour la bonne cause, disons, celle du grand Jean Jaurès. Le début de l’histoire remonte dix ans en arrière, lors de la préparation d’un roman, Soldat Jaurès (Fayard, 2015), consacré au fils de Jean, le petit Louis, mort au front à Pernant, sur le plateau de Chaudun, dans l’Aisne, le 3 juin 1918.
Personne, jusqu’alors, n’avait exhumé le destin tragique du jeune engagé
volontaire de la Première Guerre mondiale. « Soldat Jaurès »,
l’oxymore ultime. Le bloc-noteur-romancier s’était emparé de ce paradoxe :
le fils d’un des plus grands pacifistes de tous les temps fut volontaire pour
aller se battre, avant de mourir en héros, ignoré de tous. Pour la préparation
de ce récit, il fallut aller à la découverte de la maison familiale des Jaurès,
le domaine de Bessoulet, à Villefranche-d’Albigeois, dans le Tarn, qui
appartenait à la famille de la femme de Jean, Louise.
En 2015, à la faveur de ce livre et de quelques conférences données dans le
Sud, un certain Bruno Bousquet, alors conseiller municipal de
Villefranche-d’Albigeois, découvrit la mésaventure du jeune Louis et se prit de
passion pour Jean Jaurès. Devenu depuis le maire de la ville (en 2020), l’ami
Bruno Bousquet eut une idée fixe : redonner du lustre au domaine de
Bessoulet, laissé à l’abandon depuis des décennies…
Hollande : Déployant une volonté hors du
commun, le maire de Villefranche-d’Albigeois frappa à toutes les portes
officielles pour chercher des financements. Jusqu’en juin, beaucoup de ses
requêtes échouèrent. Et il confessa son énervement. « La maison de
Jaurès, quoi ! On doit s’en occuper », répétait-il. Le
bloc-noteur entra en scène, prit son courage à deux mains et envoya un message
à François Hollande, l’ancien président de la République.
Ce dernier lui répondit aussitôt, et quelques semaines plus tard,
mi-septembre 2023, nous nous retrouvâmes, avec Bruno Bousquet, dans ses bureaux
parisiens. Qui mieux qu’un ex-chef d’État pouvait faire accélérer le
dossier ? Affable et immédiatement soucieux de s’en mêler, François
Hollande fut non seulement convaincu qu’il y avait un intérêt général et une
utilité publique à rénover Bessoulet, mais il nous confirma de vive voix que,
pour Jaurès, il était lui aussi prêt à soulever des montagnes. En quelques
mois, tout changea en effet. Et le rêve de Bruno Bousquet devient réalité,
au-delà de ses espérances.
La maison de Jaurès enfin réhabilitée.
Patrimoine : À Bessoulet, les travaux ont
débuté et avancent vite. Un budget de plus 500 000 euros a été
constitué, avec notamment le ministère de la Culture, la préfecture du Tarn et
le conseil départemental. La vie revient, les volets sont ouverts, la grille
n’est plus fermée. Coups de pinceau et de marteau se succèdent à l’intérieur du
bâtiment où Jean Jaurès a passé ses vacances et « écrit » des pages
de sa vie politique, là où s’était jouée l’épopée des origines, là où le grand
homme déclamait ses discours en latin, dans la glorieuse allée bordée de
châtaigniers séculaires qui n’existent plus.
La bâtisse renaît, identique à ce qu’elle était il y a cent ans, aussi
blanche qu’imaginée, figée dans un décor pas mal transformé au fil du temps.
L’acquisition des deux tiers du domaine par la municipalité de
Villefranche-d’Albigeois, propriété jusqu’alors de la commune de Carmaux, a été
actée, de même qu’un accord avec le mobilier national. Des meubles d’époque
vont être mis à disposition. Ils vont rejoindre le mobilier de Jaurès acquis
par la mairie. Grâce aux interventions de François Hollande et au soutien du
secrétariat général de l’Élysée, Bessoulet obtiendra, en juin prochain, le
prestigieux label « Maison des illustres ».
À la même période, les premiers visiteurs pourront retrouver l’intimité de
Jean Jaurès, de la salle à manger en passant par le bureau dans lequel il
rédigeait ses textes et éditoriaux. Fin juillet, un spectacle y sera donné
pour commémorer les 110 ans de l’assassinat du fondateur de l’Humanité,
panthéonisé il y a tout juste un siècle, en novembre 1924. Une inauguration
officielle se déroulera cet été. Un comité scientifique, composé d’historiens
et de personnalités, animera ce patrimoine de notre Histoire. Le bloc-noteur et
Bruno Bousquet en font partie. Jaurès méritait cette débauche d’énergie.
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