Il est un arbre, au tronc parfait, lisse et
tout droit. J’ai grimpé jusqu’à la première branche. Sur l’écorce a été gravée
cette phrase : « Peu sont les élus qui ont pu lire ce message, si
vous êtes parvenus jusqu’ici c’est déjà une chance, il reste du chemin, sachez
choisir le bon. J‘y suis, je pensais donc naïvement avoir tout compris, je
pensais avoir suffisamment vécu, être parvenu au terme du voyage et avoir
trouvé enfin la vérité. Un tronc lisse est difficile à gravir, il y a peu
d’aspérités où se raccrocher mais j’y suis. Ce fût un dur combat contre
moi-même, contre un mur d’indifférence, où les prises sont dissimulées et si
peu évidentes que la quête est de tous les instants. Le tronc est droit mais le
sentier est tortueux. En atteignant cette première ramification, la ramure
riche et accueillante semble ouvrir un passage parfait, avec tant de prises
qu’il paraît facile de gravir une à une les marches. Mais là le doute
s’insinue, quel chemin prendre dans ce labyrinthe de voies, toutes
alléchantes ? Il faut alors faire un choix, ce choix que l’on croit être
le bon, ce choix qui mènera tout en haut vers la cime sans égratignure et sans
peine. Parfois on donne à profusion, conseils de chemins à suivre, il est si
convaincant qu’il est difficile de ne pas croire en ses recommandations.
Naïveté ! La branche que l’on a choisie rompt sous le poids de ses propres
fautes. Parce que son itinéraire est différent et que chacun doit suivre le
sien. Il suffit de redescendre s’empresse-t-on de sourire ! L’espoir est
un moteur efficace, peut-être ! Mais il n’en est rien, une branche cassée
ne se reconstruit pas, elle cicatrise parfois, mais interdit tout retour en
arrière. Alors on entame une rude ascension à travers les embûches, les nœuds
perfides et les rencontres fortuites : « J’ai cette expérience de
l’arbre, croyez-moi ne prenez pas cette avenue, elle est sans
issue ! » Mais cette fois on ne croit pas en l’avertissement et l’on
suit aveuglément l’artère ouverte devant soi. La lueur qui provient du bout du
tunnel feuillu, attire, les couleurs chatoyantes des décors enchantent, les
voix des âmes croisées sont gaies, rieuses, le tracé est rectiligne, il renvoie
le reflet de la paix enfin trouvée. Mais tout n’est qu’illusion et ce n’est que
peine perdue, cette direction-là est le pire des échecs, au bout il n’y a que
le vide, la déception, la haine et la souffrance. L’on regrette alors tant
d’énergie dispersée pour rien, et comme il est impossible de faire demi-tour,
il ne reste plus qu’à franchir le pas, sauter sur la branche voisine en
espérant qu’elle sera solide. Il vient alors une période de réflexion : on
s’arrête au premier croisement, l’esprit essaie de comprendre, on se ferme à
tout contact, à toute croyance. Le silence se fait, on écoute juste sa
conscience, et l’on cherche ce regain d’énergie qui fera avancer. Viens le
temps de pénitence et de retour sur soi-même où l’on se pose les questions
nécessaires à la survie : Comment croire ou ne pas croire ? Comment
savoir qui dit la vérité, qui sait vraiment, qui ne ment pas ? Il n’y a
pour cela qu’une seule et unique solution, sa propre expérience et ne jamais
oublier les erreurs passées. Se souvenir de chaque pas qui ne fût pas assuré,
reprendre une à une ses propres tables de la loi, et enfin croire en soi pour
reprendre son chemin. Dans tous les cas il ne faut jamais s’avouer vaincu,
chaque étape franchie, chaque marche gravie est une bataille gagnée. L’échec
est formateur et pousse vers le haut si, et seulement si, il est porteur de
leçon retenue. Ainsi d’erreurs en erreurs, de chute en redressement, de voltige
en rattrapage in-extremis, une voie s’ouvre sur l’avenir. Une voie ferme et
solide, un but bien armé qu’il faudra ne jamais dévier, le chemin de sa propre
existence. « Avance et ne te retourne pas » te souffle ta propre
identité. Le chemin est criblé de murs infranchissables, de fractures immenses,
la marche est lente et fastidieuse, des rayons de soleil éclairent le feuillage
de loin en loin, rares sont les rires et les sourires, rares sont les amis
rencontrés véritables, à foison s’impriment les déceptions, les erreurs et les
fausses routes se multiplient, puis un jour se dessine la bonne direction, la
vraie, la sienne, du moins on le croit, parce qu’on a cherché au fond de soi
les ressources nécessaires à la tracer. Chacun cherche sa voie, chacun cherche
sa branche, l’arbre est peuplé d’âmes, et toutes vont dans le même sens :
leur quête. Puis un jour, on se retourne pour constater le chemin parcouru, on
se dit qu’à tel endroit on aurait pu changer de route, on aurait pu choisir un
chemin plus facile, mais ... Il est trop tard. Aujourd’hui malgré tous les
conseils qui me sont prodigués tout au long de ma route, malgré les
avertissements, les embûches, les écueils, les nuits noires, les tempêtes,
malgré tous les efforts, la seule chose que je sais vraiment c’est que je ne
ferai jamais demi-tour, j’ai choisi ma destination et tracé le chemin pour y
tendre. Cette branche qui s’offre à moi, ce chemin qui s’ouvre je le suivrai
jusqu’au bout parce que je l’ai choisi.
mercredi 14 septembre 2022
Nouvelle : « Chercher sa branche » !
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