Peut-on séparer le ministre du député ? À cette question, la
Constitution apporte une réponse catégorique. Non, on ne peut pas confier
aux mêmes personnes tous les pouvoirs au risque de les confondre ;
oui, « les fonctions de membre du gouvernement sont
incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire ». Depuis
près de quatre semaines pourtant, le pouvoir exécutif s’affranchit ouvertement
de l’interdit posé par l’article 23 de la Loi fondamentale et cultive le
mélange des genres, au motif que les ministres, dont dix-sept ont un
mandat à l’Assemblée nationale, sont réputés démissionnaires et leur
périmètre réduit aux « affaires courantes ». Circulez, il n’y a
rien à voir, répond Emmanuel Macron à ceux qui s’en étonnent.
Mais les faits sont têtus. Le premier ministre des « affaires
courantes », le jour, peut-il présenter, la nuit, un nouveau « pacte
législatif » comme président du groupe des députés de la minorité présidentielle ?
La ministre de la Culture pouvait-elle endosser comme elle l’a fait la décision
présidentielle de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental
au mépris du droit international ? Enfin, la décision très politique
du chef de l’État de proposer de reconduire à la Commission européenne le
libéral Thierry Breton dans un tel contexte interroge sur sa
pratique personnelle du pouvoir, la Constitution ne prévoyant aucun
domaine réservé du président.
Chacun sait que si était nommé un gouvernement du Nouveau Front
populaire avec Lucie Castets à Matignon, comme la coalition le réclame après
son arrivée en tête des législatives, la démocratie la plus élémentaire en
cohabitation exigerait une négociation, ou au minimum une concertation sur le
nom du commissaire européen. Le président de la République profite à
l’évidence de la situation, avec la complicité de ses ministres des
« affaires courantes » qui n’en ont que le nom. En 1964, un certain
futur candidat commun de la gauche dénonçait le coup d’État permanent. Nous y
sommes plus que jamais, à la différence qu’à l’époque, au moins, le coup de
force s’appuyait sur le suffrage populaire.
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