Tout démocrate, tout humaniste, tout républicain est placé au pied d’un mur épais et sombre : empêcher quoiqu’il en coûte de laisser advenir le pire dimanche prochain. Empêcher l’extrême droite de conquérir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale et d’occuper les ministères. Personne ne doit perdre de vue la portée du moment historique en cours. Le brouhaha des invectives, des mensonges et des chiffres qui volent en escadrilles ne sert qu’à cacher la gravité du moment. En effet, ce n’est pas une simple alternance qui peut sortir des urnes dimanche prochain. C’est un point de bascule sans retour à long terme.
Les démocrates, les républicains, les humanistes ont donc l’immense
responsabilité de construire une solide, plurielle et fraternelle chaîne pour
empêcher la chute dans l’abîme d’une ère politique brune de la France des
solidarités, de la générosité, de la culture et du travail. Notre France, cette France des lumières et de la Résistance, « celle de
trente-six à soixante-huit chandelles » peut pour la première fois par la
voie des urnes se jeter dans la gueule du monstre. Ses mâchoires broieraient un
à un ses conquis sociaux et démocratiques, ses libertés, sa culture, sa justice,
son école, ses équipes de recherche, ses obligations pour préserver le climat,
son ouverture au monde. Bref, tous les éléments constitutifs de sa république
forgés au cours de dizaines d’années de mobilisations et de controverses
démocratiques.
Voilà qui change la nature même du vote de dimanche prochain. Ce second tour
pour l’élection de l’Assemblée nationale prend le caractère d’un référendum
pour défendre et sauvegarder la république en empêchant une victoire de
l’extrême droite. Oh, certes en écoutant ses responsables tout est calme, tout est rassurant,
tout est policé. Les marchés financiers qui ont salué leur performance
électorale en disent long sur leur préférence. Ils ont rassemblé
9 377 123 millions d’électrices et d’électeurs sur le nom de
leurs candidats dont une bonne partie d’entre eux n’a même pas fait campagne.
Mais avec 8 974 563 voix le nouveau Front populaire n’est qu’à
400 000 voix de ce résultat. S’ils ont rassemblé un tiers de l’électorat, cela veut aussi dire que deux
tiers n’ont pas voté pour eux.
Ceux qui depuis des semaines ont fait profession de tirer un trait d’égalité
entre l’extrême droite antirépublicaine et la coalition des gauches et des
écologistes ont soit perdu la tête, soit souhaitent ouvertement la victoire
d’une force fondée par des Waffens-SS et comptant toujours dans ses rangs des
néonazis. Se placent-ils en héritier de ceux qui en 1936 affirmaient droit dans
leurs bottes ? « Plutôt Hitler que le Front populaire » ?
Le Front populaire d’aujourd’hui est l’alternative progressiste, sociale,
démocratique, écologique pour battre cette extrême droite et offrir une
perspective de mieux vivre, d’un nouveau pouvoir de vivre, tant malmené depuis
des années. Fidèles aux idéaux de la Résistance et de la France solidaire, les forces du
nouveau Front populaire n’hésitent pas, ne tergiversent pas : ils se
désistent et soutiennent – au nom de La République – toutes les candidates et
candidats qui peuvent empêcher l’élection d’un parlementaire d’extrême droite.
Il en coûte certes, à des militants de gauche, à des progressistes, à des
militants syndicaux ou associatifs de voter pour des candidats de la macronie
ou de droite qui ont reculé l’âge de départ en retraite, déstructuré le droit à
l’assurance-chômage ou ont utilisé les longs canifs contre le code du travail.
Mais ils vont à l’essentiel. L’essentiel est de prêter l’oreille pour entendre
sous les nouveaux discours lisses du RN/FN les messages codés d’une extrême
droite la plus brutale, la plus autoritaire, la plus antisociale, la plus
anti-écologique.
Prêtons en même temps, attention au tableau de notre pays que dépeint
Mme Le Pen : le pays serait ruiné, au bord de la faillite, dit-elle
pour mieux faire demain accepter une cure d’austérité sans précédent.
Derrière l’idée de rapprocher le salaire net du salaire brut, il y a la
suppression des cotisations sociales qui conduit à la fin de la Sécurité
Sociale et du système de retraite par répartition pour offrir la santé et la
protection sociale de chacune et de chacun aux assurances privées et aux fonds
de pension.
Et pour mieux justifier des dérogations au droit commun et pouvoir imposer des
dispositions exceptionnelles, ils agitent le mensonge de villes en voie
d’islamisation et sous la coupe de dealers. Leurs attaques contre l’audiovisuel
public cachent mal leur haine du pluralisme, leur critique de la justice, de la
cour européenne des droits de l’Homme et de l’Onu prépare leur rejet de
« l’État de droit ».
Pour mieux tromper son monde, voici que le sieur Bardella tout en contrôle de
sa raide posture et de ses mots ânonnés se présente en « candidat de la
raison », avec « un programme raisonnable », qui n’apportera
rien à ceux qui croient voter pour une quelconque amélioration de leur vie
quotidienne. En vérité matraquer plus pauvre que soit ne nous rendra pas plus
riches. Par contre, il se fait fort de protéger les 500 familles qui ont
accumulé ces dernières années 1 200 milliards d’euros et les marchés
financiers. Voilà ce que signifie « candidat de la raison ». Rien
pour améliorer les bas salaires, rien pour les prix plancher agricoles, rien
pour le travail et l’emploi. Aux manettes du gouvernement, le RN/FN sera un
élément supplémentaire du rapport de force en faveur des puissances
industrielles et financières qui auront carte blanche pour exploiter toujours
plus les travailleuses et les travailleurs et réduire leurs droits.
Quand on veut exclure les binationaux, quand on remet en cause le droit du sol,
au nom du « bon sens » quand on prône la « préférence
nationale » maquillée en priorité nationale, on veut entailler notre
Constitution, dont son préambule de 1946 et tourner le dos à la République.
Pourquoi, par une inversion des responsabilités et des valeurs, avoir caché que
le programme du RN/FN est antirépublicain ? La conception républicaine de
la citoyenneté française est depuis très longtemps le contraire de la mesure de
la quantité de sang « français » qui circule dans nos veines et
artères. Derrière le vernis et les costumes se cachent bien une conception
raciale de l’être humain.
Au galimatias économique et social, aux promesses électorales à géométrie
variable, à la contestation, des modifications climatiques, à
l’anti-progressisme s’ajoutent la remise en cause des mécanismes de solidarité
et le retour au pire : l’obsession nativiste de la pureté biologique du
peuple. Ceci doit rappeler quelque chose à tous les humanistes par-delà leurs
opinions.
Dimanche, faisons front démocratique et républicain. Empêchons la bascule qui
ouvrirait la sombre voie du bradage de siècles de conquêtes républicaines et au
nationalisme xénophobe, raciste et antisémite. Contrairement à ce que pensent
certains, ce ne serait pas un essai. Incapables d’améliorer la vie des gens et
de sortir le pays de l’ornière, ils réclameront dans trois ans les pleins
pouvoirs. Dimanche est jour de mobilisation pour la République sociale et laïque,
démocratique et écologique.
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