Un vent mauvais souffle sur notre pays. Depuis quelques semaines, les
attaques s’accélèrent contre la liberté d’expression, les libertés publiques et
tout ce qui ne va pas dans le sens du pouvoir ou d’une extrême droite qui donne
le « la » du débat public.
Quand des étudiants de Sciences Po manifestent pour la paix en dénonçant
les crimes de guerre à Gaza, le premier ministre s’invite au conseil
d’administration pour mettre la pression afin de mater au plus vite cette
expression politique. Depuis, les CRS sont intervenus plusieurs fois au sein
même d’établissements d’enseignement supérieur autrefois considérés comme des
lieux de savoirs préservés de la répression. Les étudiants, comme des millions
avant eux, expriment simplement une opinion. Or, sur les plateaux télé, on veut
voir dans ce mouvement la résurgence de l’antisémitisme, l’instrumentalisation
politique et autre complot contre Israël.
Un jour, c’est un syndicaliste CGT qui prend un an de prison avec sursis
pour un tract sur les attentats du 7 octobre. Un autre jour, ce sont des
réunions publiques de l’opposition qui sont interdites en pleine campagne
électorale et une présidente de groupe à l’Assemblée nationale convoquée par la
police pour « apologie du terrorisme ». Une première. C’est encore
l’humoriste Guillaume Meurice, bien que blanchi par la justice, qui est à
nouveau sanctionné pour une blague qui déplaît à la direction de la radio
qui l’emploie. Il risque le licenciement. Un acharnement qui s’inscrit dans une
reprise en main de l’audiovisuel public visant à écarter toute voix dissonante.
Où allons-nous ?
La gauche, et tout ce qui lui est assimilé, est criminalisée. Une sorte de
nouvel ennemi de l’intérieur. La défense inconditionnelle d’Israël, quels que
soient les crimes commis, la stratégie de droitisation du pouvoir et la
bollorisation des médias sont un cocktail qui produit une accélération de
l’histoire terrifiante.
Cette séquence a pour premier effet de neutraliser le combat en faveur de
la paix en le disqualifiant. Ce faisant, ce sont des milliers de victimes
palestiniennes et les otages israéliens du Hamas que l’on ignore et un
processus de paix que l’on hypothèque. Mais c’est aussi le combat contre
l’antisémitisme qui en prend un coup. Car à voir de l’antisémitisme
partout, on ne le voit plus là où il se niche. Songeons que
nous en sommes à demander à Mme Le Pen si elle pense qu’une
partie de la gauche est antisémite ! Elle qui a présidé un parti dont les
statuts mêmes ont été déposés en préfecture par un ancien Waffen-SS. De même,
en plein Paris, 800 militants néofascistes commémorent la mort d’un
antisémite revendiqué sans que cela semble émouvoir ceux-là mêmes qui cherchent
des poux dans la tête à la gauche depuis des mois. De quoi s’interroger sur la
sincérité de leur combat.
En dépolitisant le conflit, en étant incapable de séparer le droit d’Israël
à exister de la politique criminelle en cours, en justifiant le viol des lois
internationales, on ne fait que fragiliser sa légitimité et renforcer les
amalgames qui assimilent les juifs aux exactions israéliennes.
Enfin, ces multiples atteintes aux libertés publiques,
cette criminalisation des militants ne peuvent que renforcer une extrême
droite qui n’en avait pas besoin. Dans une sorte de cynisme toujours renouvelé,
le camp présidentiel organise son duel avec le RN et, d’abandons en abandons,
se donnent toutes les chances de le perdre.
Il faut ajouter que l’hystérisation des débats sur les réseaux sociaux
participe de ce climat délétère. Y compris à gauche. Il est temps qu’un sursaut
collectif de tous les démocrates permette d’agir ensemble afin de renverser la
tendance dont nous ne savons que trop où elle nous mène.
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