Quel sombre calcul a poussé Emmanuel Macron, un soir de lourde défaite aux
élections européennes, à accorder au Rassemblement national, grand
vainqueur du scrutin, la dissolution de l’Assemblée nationale qu’il
réclamait ? Ce n’est certainement pas l’esprit de responsabilité qui
conduit le président de la République à jouer avec les allumettes, au
point de prendre le risque ultime de confier les clés du pays à l’extrême
droite.
Au-delà du coup de tonnerre, le chef de l’État s’enferre ainsi jusqu’au
bout dans la logique qui l’anime depuis sa première élection à l’Élysée, celle
de la danse macabre sans cesse recommencée avec l’extrême droite et dont il
espère chaque fois sortir vainqueur. Un pari fou, qui se désintéresse du sort
du pays qu’il prétend tant aimer, au cas où l’aventure tournerait mal. Or cette
issue funeste peut, moins que jamais, être écartée, après la victoire écrasante
du RN dans les urnes ce dimanche.
En convoquant des législatives dans un délai de trois semaines qui interdit
toute campagne digne de ce nom, Emmanuel Macron tente un de ces coups de poker
dont il a le goût, et qui n’est, disons-le nettement, pas la marque d’un grand
président. Tel Jacques Chirac avant lui, avec le succès que l’on sait – mais
sans aucun risque à l’époque pour la République –, il espère court-circuiter
tous ses opposants, la gauche en premier lieu, pour arracher aux Français tétanisés
par la peur d’une victoire du RN la majorité qu’ils lui ont refusée en 2022.
Une manière d’instrumentaliser le vote de dimanche pour pousser encore plus
loin les feux de l’ultralibéralisme dont les ravages font justement le lit du
parti xénophobe et antisocial.
Pile, je gagne ; face, Le Pen gagne, dit en substance Macron aux
électeurs. Mais le monde du travail, la jeunesse et les plus modestes
perdent à tous les coups. La gauche n’a pas le choix : elle doit trouver
les moyens de gagner pour arracher le pays à cette alternative mortifère. Trois
semaines, c’est court. Mais si elle sait délaisser les postures et prendre ses
responsabilités, ce n’est pas impossible.
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