dimanche 9 juin 2024

« Esprit d’irresponsabilité », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité



Quel sombre calcul a poussé Emmanuel Macron, un soir de lourde défaite aux élections européennes, à accorder au Rassemblement national, grand vainqueur du scrutin, la dissolution de l’Assemblée nationale qu’il réclamait ? Ce n’est certainement pas l’esprit de responsabilité qui conduit le président de la République à jouer avec les allumettes, au point de prendre le risque ultime de confier les clés du pays à l’extrême droite.

Au-delà du coup de tonnerre, le chef de l’État s’enferre ainsi jusqu’au bout dans la logique qui l’anime depuis sa première élection à l’Élysée, celle de la danse macabre sans cesse recommencée avec l’extrême droite et dont il espère chaque fois sortir vainqueur. Un pari fou, qui se désintéresse du sort du pays qu’il prétend tant aimer, au cas où l’aventure tournerait mal. Or cette issue funeste peut, moins que jamais, être écartée, après la victoire écrasante du RN dans les urnes ce dimanche.

En convoquant des législatives dans un délai de trois semaines qui interdit toute campagne digne de ce nom, Emmanuel Macron tente un de ces coups de poker dont il a le goût, et qui n’est, disons-le nettement, pas la marque d’un grand président. Tel Jacques Chirac avant lui, avec le succès que l’on sait – mais sans aucun risque à l’époque pour la République –, il espère court-circuiter tous ses opposants, la gauche en premier lieu, pour arracher aux Français tétanisés par la peur d’une victoire du RN la majorité qu’ils lui ont refusée en 2022. Une manière d’instrumentaliser le vote de dimanche pour pousser encore plus loin les feux de l’ultralibéralisme dont les ravages font justement le lit du parti xénophobe et antisocial.

Pile, je gagne ; face, Le Pen gagne, dit en substance Macron aux électeurs. Mais le monde du travail, la jeunesse et les plus modestes perdent à tous les coups. La gauche n’a pas le choix : elle doit trouver les moyens de gagner pour arracher le pays à cette alternative mortifère. Trois semaines, c’est court. Mais si elle sait délaisser les postures et prendre ses responsabilités, ce n’est pas impossible.

 

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