Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, peut se gargariser
du fait que, pour la 5e année consécutive, la France est le
pays d’Europe qui attire le plus d’investissements étrangers, ou
encore que ce gouvernement est celui qui crée le plus d’emplois industriels
depuis quarante ans, la vérité est ailleurs. Même s’il est vrai que de nombreux
industriels créent des gigafactories de batteries électriques dans le Nord et
que Bolloré devrait annoncer, dans quelques jours, la sienne en Bretagne, c’est
loin de faire une politique industrielle efficace et juste socialement et écologiquement.
Plutôt que d’écouter le patronat de l’oreille droite, il devrait entendre
la richesse de l’intelligence ouvrière de l’oreille gauche. Tout d’abord, parce
que de nombreux secteurs annoncent des restructurations, licenciements ou
délocalisations. Le géant pétrolier américain ExxonMobil s’apprête à faire
le plus grand plan social de son histoire en France. Sa filiale Esso va
vendre la raffinerie de Fos-sur-Mer et le groupe va fermer son site
pétrochimique de Gravenchon, près du Havre, qui produit du plastique. Le
géant informatique Atos, indispensable à la vie quotidienne des Français et à
la souveraineté du pays (portail numérique sécurisé des JOP, de la Sécurité
sociale, des douanes, supercalculateurs…), est en proie à une grave crise qui
pourrait conduire à son démantèlement ou, au minimum, à un sauvetage qui
laissera des traces en termes d’emplois. Et lorsque les salariés défendent un
plan d’avenir pour leur industrie ? L’État tergiverse. Comme c’est le cas
à la centrale à charbon de Cordemais où les personnels avec la CGT portent
depuis dix ans un projet pour produire de l’électricité à base de biomasse.
Ce gouvernement fait une des politiques de l’offre les plus généreuses pour
le capital, en lâchant chaque année 162 milliards d’aides diverses et
variées sans contreparties. Il n’a aucune vision ni stratégie industrielle. Il
se contente de mettre à disposition un cadre financier extrêmement favorable,
en priant que le patronat veuille bien maintenir l’emploi ou en créer. Mais le
capital est vorace et trouve toujours un cadre plus favorable où les salaires
sont plus bas et les normes sociales et environnementales moins contraignantes.
Pour réindustrialiser efficacement le pays, encore faut-il conserver
l’existant et installer – ou réinstaller – toute la chaîne de valeur
et de production en France. Dans le secteur automobile, la France sera sans
doute un des leaders dans la production de batteries. Mais le reste ? Si
toutes les pièces et les assemblages se font ailleurs, si le chômage continue
d’augmenter, qui pourra acheter les voitures électriques de demain ? C’est
pour cela que la lutte des MA France, sous-traitant quasi exclusif de
Stellantis, est emblématique. Les 400 salariés d’Aulnay-sous-Bois y
fabriquent des pièces embouties, pare-chocs et portes par exemple. Le donneur
d’ordres a décidé de fermer l’usine et de délocaliser sa production en Turquie,
sur l’autel de la rentabilité financière. Et que fait l’État ? Il est
spectateur.
Il est donc temps d’agir, en passant par la loi et non plus par des petits
déjeuners à Bercy ou des repas fastueux à Versailles. Il faut d’urgence
conditionner les aides publiques en termes d’emplois, de salaires et de
maintien des savoir-faire, compétences et sites industriels. Il faut surtout
légiférer pour que les donneurs d’ordres soient responsables de leurs
sous-traitants, notamment dans l’automobile et l’aéronautique. Il faut
maintenant passer des mots aux actes en donnant à l’intelligence ouvrière de
nouveaux droits aux salariés dans la gestion de l’entreprise.
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