vendredi 10 mai 2024

« Alibi », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Par un incroyable retournement de situation, voilà le PDG de la SNCF, sommé hier d’empêcher par la négociation sociale le déclenchement d’une grève à l’approche des Jeux olympiques de Paris, démis après-demain de ses fonctions au motif qu’il a pris le problème à bras-le-corps. Rembobinons le film : en février, à la veille d’un mouvement social au sein de l’entreprise publique à l’occasion d’un week-end de départs en congés scolaires, le ministre des Transports, Patrice Vergriete, dénonçait « une mobilisation qui aurait pu être évitée ». La faute, selon lui, à un « dialogue social qui n’a pas abouti », le ministre appelant ses acteurs à la « responsabilité » – direction de la SNCF comprise.

Qu’a fait Jean-Pierre Farandou ? Rien d’autre que ce qu’avait l’air de recommander le gouvernement. Le président de l’entreprise ferroviaire a accepté d’ouvrir des négociations avec les syndicats, et celles-ci ont débouché sur un accord si bien ficelé sur les fins de carrière que toutes les organisations représentatives de cheminots (CGT, Unsa, SUD, CFDT) l’ont paraphé. Le PDG de la SNCF aurait dû en être félicité ; il a en fait signé sa perte. Car cet accord indispose le gouvernement, pour lequel l’invocation de la « démocratie sociale » ne vaut que si elle sert d’alibi au monopole patronal dans l’entreprise. Ainsi, lundi 6 mai, pendant que MA France, le sous-traitant de Stellantis, abandonné à son sort à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), demandait sa liquidation judiciaire au tribunal, avec 280 emplois en jeu, on recevait à Bercy tout le gotha de l’automobile pour parler… reconversion électrique.

L’autre motif du courroux gouvernemental est que l’accord signé à la SNCF montre qu’il existe une autre voie pour l’avenir du pays et de ses services publics que la régression des droits sociaux, pour peu qu’on fasse confiance aux syndicats. C’est un démenti, dans la méthode et sur le fond, de la réforme des retraites imposée par le 49.3. La réponse de l’exécutif est d’ailleurs lourde de sens : Élisabeth Borne, la ministre du démantèlement du statut des cheminots et du recul de l’âge de la retraite, est pressentie pour succéder à Jean-Pierre Farandou. Plus qu’un symbole.

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