Il paraît bien loin le temps des principes et des proclamations, quand le
candidat Macron désignait en 2017 la colonisation comme « un crime
contre l’humanité », « une vraie barbarie ». Avec le dégel du corps électoral
qui embrase la Kanaky, c’est le processus de décolonisation inscrit voilà trois décennies dans
l’accord de Nouméa que son gouvernement menace à présent d’enterrer.
La tenue précipitée du troisième référendum d’autodétermination prévu par
cet accord, en pleine pandémie de Covid, sous confinement, sans respect de la
période de deuil kanak, ni du calendrier promis par Édouard Philippe,
trahissait déjà tout le mépris du pouvoir macroniste pour les fragiles
équilibres politiques qu’un rien peut défaire sur le Caillou. D’où les appels
au boycott lancés alors par les indépendantistes du FLNKS qui refusent à raison
de reconnaître les résultats de cette consultation.
Ces maquignonnages ont allumé une flambée de violence ; ils menacent
d’installer, durablement, un climat insurrectionnel. Comme en 1988, quand les
intrigues électorales de Jacques Chirac et Bernard Pons sur le statut du
territoire ont enclenché le tragique engrenage qui devait conduire au massacre
d’Ouvéa – 19 indépendantistes assassinés. Sur la mémoire de ces morts, s’était
bâti un précaire consensus : il entérinait la reconnaissance des torts
causés au peuple kanak par la colonisation, il traçait un chemin vers une
pleine souveraineté.
En 1972, la circulaire Messmer encourageait « l’immigration massive
de citoyens français métropolitains » vers l’archipel d’Océanie pour « améliorer
le rapport numérique des communautés » et conjurer ainsi « la
revendication nationaliste autochtone ». Dans cette colonie de
peuplement qui offre aux métropolitains des privilèges sociaux dont ils sont
exclus, les Kanak refusent aujourd’hui la marginalité politique à laquelle les
voue le dégel du corps électoral.
Leur terre ancestrale est toujours inscrite par l’ONU sur la liste des
territoires à décoloniser. Le déploiement du GIGN, le recours au lexique du
crime pour salir leurs soulèvements n’y font rien : ils ont choisi la voie
de l’émancipation. Ils ne s’en écarteront pas. C’est le sens de l’histoire.
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