Éblouissante de beauté et d’espoir, la Fête de l’Humanité a porté l’éclat de la vie humaine, en harmonie avec son environnement et avec la nature en son cœur. Forte de ses diversités et de ses intelligences, elle a donné à pleine voix chansons et musiques, livres, découvertes scientifiques, expositions comme celle, majestueuse, consacrée au duo « Picasso-Aragon ».
Chaude, éclairée, illuminée, allégée des rayons du soleil de cette fin d’été, trois jours durant, elle n’a connu ni police du vêtement, ni fermeture de frontières, ni chasse aux différences. Au contraire, elle n’a été que mains tendues et cœurs ouverts vers tout autre, d’où qu’il vienne et quoi qu’il pense. Elle a cultivé en profondeur, d’un même geste, l’altérité et l’égalité.
Rayonnante de jeunesse, elle a secoué
les portes plombées d’un système qui a fait son temps. Non pas qu’il soit trop
vieux, mais parce qu’il est devenu un anti-humanisme et un danger pour le
vivant maltraité, rongé, littéralement dévoré par les canines acérées du grand
capital. Celui-là même qui pressure les rémunérations du travail, tout en
propulsant vers les hauteurs les prix à la consommation de l’énergie et de la
nourriture. Celui- là même qui, en ce moment, creuse les sombres sillons de la
pauvreté et de la famine partout dans le monde, y compris en Europe.
Voilà le triste bilan de l’Europe
ultralibérale ! Plus de 80 millions de pauvres. Que de souffrances,
de vies brisées, de désespérances, se cachent derrière la sécheresse de ce
nombre. Les travailleurs et la jeunesse ont dit qu’ils aspirent à se réunir
pour changer radicalement le cours des choses.
Il fallait s’immerger, comme je l’ai
fait samedi soir, dans le flux ininterrompu, amical et joyeux, des jeunes
allant à pied de la gare de Brétigny jusqu’à l’entrée de la Fête, pour sentir
combien elles et ils venaient à la fois communier en musique et toucher du
doigt notre commune humanité, en partageant sentiments, idées et propositions.
Ce que j’ai le plus entendu au long de
ces allées, sous forme d’interrogation ou d’affirmation, était :
« Comment s’aimer ? Comment changer ? »
Solidarité, humanisme, climat,
environnement, école, justice, être ensemble… “Un autre monde est
possible !” » « Culture, union des progressistes et des
écologistes », et puis le cœur fendu et révolté : « Maroc,
Libye, Lampedusa ! »
Des jeunes qui, alternativement, sont
allés à des débats bondés, attentifs, puis à des concerts, tout en engageant,
chemin faisant, des discussions avec des militantes ou militants communistes ou
d’autres partis politiques de la gauche et de l’écologie. Et elles et ils, y
portaient souvent l’exigence d’union pour conjurer les périls des extrêmes
droites et des droites extrêmes qui dans l’Union européenne et, au-delà,
distillent leur venin mortel.
La vie, l’existence de toutes ces jeunes
femmes et de tous ces jeunes hommes, ne peut se résoudre à la soumission au
talon de fer de la loi de l’argent, à l’asphyxie de la biodiversité et au
réchauffement climatique, pendant que les gouvernements seraient dans des mains
d’extrême droite.
Dans un foisonnement bruyant de chœurs,
de violons, de guitares, de pianos, de strophes et de citations, de peintures,
de créations multicolores et multiformes, la Fête de l’Humanité a été pour
elles et eux l’espace et le temps d’un immense cri portant le désir de faire
éclore une vie plus belle et plus foisonnante.
Quel contraste avec cette question, une
fois de plus, posée à la fin du journal télévisé dimanche soir, à des artistes
sur ce qu’on appelle, dans les beaux quartiers, « l’activisme radical »
des jeunes. Ce n’est pas l’activisme qui est radical. Ce sont les menaces qui
pointent. Les causes que ces jeunes défendent, brûlant d’impatience, nous
convoquent au tribunal de la justice sociale et climatique.
Au vrai, le plus « radical »,
le plus « violent » n’est-ce pas ce terrible état du monde ; ces
feux de forêt qui dévorent des régions entières, ces milliers de malades et de
morts des herbicides et pesticides, ces familles qui, du Pakistan à la Libye,
perdent tout et leurs proches dans des inondations terrifiantes ? Le plus
« radical », le plus « violent » n’est-ce pas de voir ces
sols asséchés par la chimie et le soleil qui brûle la peau et la terre sous des
températures qui dépassent les 45°C, les poissons et les abeilles qui meurent,
les glaciers qui fondent, des rivages qui s’effondrent ? Le plus violent
n’est-il pas le retour en force de la faim dans les maisons de la sixième
puissance mondiale ?
Les jeunes générations ont bien raison
de vouloir forcer les portes d’un autre futur pour éviter la poursuite de la
gestation des monstres. Elles et ils rejoignent Jean Jaurès, appelant à
« la réalisation de l’humanité ».
Ces jeunes de la Fête étaient en osmose
avec la jeunesse qui défilait au même moment dans les rues de New York, avant
une réunion de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, pour que les engagements
de protection du climat soient respectés.
À l’instant même où le ministre
G. Darmanin appelait l’Union européenne et l’Italie à « tenir [leurs]
frontières », le peuple de la Fête et sa jeunesse tendaient leurs mains
signifiant que notre humanité commune abolit les frontières entre les êtres
humains et leur environnement.
Avec nos amis du Secours populaire, la
Fête a résonné de la solidarité avec les populations du Maroc et de Libye si
éprouvées ces derniers jours et avec tous les gens de peu qui, ici même, ont
tant de mal à vivre avec le minimum.
Car par-delà toutes les frontières, la Fête constitue un formidable lieu où
se répercute l’écho des fracas du monde et la puissance des luttes ouvrières et
culturelles, féministes, antiracistes. Celle des ouvriers de Clestra en grève
depuis plus de 80 jours comme celle menée par le syndicat Amazon Labor
Union, implanté depuis les États-Unis au sein de la tentaculaire Amazon ;
comme celle pour faire cesser les poursuites contre des militantes et militants
écologistes ou des syndicalistes, notamment Sébastien Ménesplier ;
comme la solidarité avec les travailleurs des industries automobiles
nord-américaines en grève réclamant augmentation de salaire et réduction du
temps de travail ; et celles, encore, des équipes et journalistes du
Journal du dimanche (JDD) ou des travailleurs saisonniers qui réclament de
sécuriser leurs lieux et tâches de travail. À la Fête comme sur les pages de
ses journaux l’Humanité met les travailleurs, les dominés, les exploités sur scène et leur
donne la parole.
Se sont aussi entrechoqués à la Fête,
les remugles du pouvoir néo-fasciste italien, des autorités européennes et de
quelques chancelleries à propos de l’arrivée par mer, dans des conditions
effroyables, de plus de 10 000 réfugiés, pour beaucoup africains, à
Lampedusa via la Tunisie. Pays dont malheureusement le président s’est fait une
spécialité des crachats et actes racistes depuis le début de l’été alors
qu’ici, en France, les autorités jouent la médiocre politicaillerie à propos de
la régularisation des sans-papiers et que, en Italie, l’ancien maire de Riace,
Domenico Lucano, déjà condamné à 13 ans de prison pour avoir accueilli en
humain d’autres êtres humains cherchant refuge dans sa commune, se retrouvera
encore ce jeudi devant les juges.
Ce ne sont pas les barbelés et les
policiers de Mme von der Leyen et de M. Darmanin qui pourront
arrêter les migrations quand les guerres et les coups d’État sont légion et que
le nombre de ventres affamés et assoiffés grossit à mesure que les richesses
sont accaparées par l’infime minorité des possédants.
Il y a, au contraire, urgence à respecter les conventions internationales et le droit d’asile tout en mettant sur pied d’autres rapports entre peuples et nations souveraines pour des coopérations de co-développement humain.
Ce besoin d’humanité commune a traversé le Village du monde de la Fête, tout parfumé de la diversité des senteurs cuisinées de tous les continents, vibrant des luttes pour la justice, la liberté, la paix. Le parcourir nous offre à partager les noms, les visages et les voix de celles et ceux dont l’Humanité et l’Humanité Magazine racontent la vie et les combats dans leurs pages internationales.
Mahsa Amini et les femmes
iraniennes, les démocrates chiliens, les militants kurdes, le peuple
palestinien avec Salah Hamouri et Fadwa Barghouti dont le mari Marwan
est retenu en prison depuis plus de deux décennies par les autorités
israéliennes parce qu’il est susceptible de fédérer et de libérer la nation
palestinienne… et puis les sportives afghanes et leurs collègues auxquels le
pouvoir français tarde à délivrer des visas.
L’Humanité et sa Fête, c’est l’inlassable combat pour la paix et le désarmement.
Tant qu’elle est meurtrie, défigurée, fracassée par tant de guerres, dont celle
que mène la direction de l’État russe contre le peuple ukrainien, l’humanité ne
peut advenir.
Ce 21 septembre, les peuples auront
l’occasion de le clamer. Mais la situation est si dangereuse que ce combat doit
devenir constant jusqu’ à obtenir le désarmement universel. La Fête de
l’Humanité a expédié ce fort message à la face du monde : la paix ne
naîtra que de la paix.
Non pas d’une paix conclue sur un champ de ruines et les braises fumantes de la
guerre, mais d’une paix discutée, peaufinée, sans armes, pour être érigée en
victoire définitive de l’intelligence et de la sécurité humaines, de la
diplomatie, de l’intérêt général sur les missiles et les bombes.
Du plus petit débat aux bouillonnantes
conférences, dans une multitude de stands, des foules studieuses, avides de
connaissances, d’idées et de paroles neuves, se sont pressées, respectueuses
des intervenants, puisant à chaque fois ce qu’elles considèrent comme le
meilleur, le plus utile, le plus efficace, le plus convaincant.
Les prises de parole argumentées et dynamiques du directeur de l’Humanité et sénateur Fabien Gay auront encore renforcées des convictions,
données de la force pour agir ensemble sans relâche. On était heureux et
honorés des interventions de Sophie Binet, la Secrétaire générale de la
CGT aux quatre coins de la Fête, heureux et honorés d’accueillir également la
nouvelle Secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon.
Honorés et heureux de la présence de ces
invités, de ces associations qui œuvrent chaque jour, aux côtés et avec les
populations souvent les plus démunies, ces créateurs, trop souvent passés sous silence
dans les commentaires.
L’Humanité se fait un devoir d’être en communication constante avec ce mouvement
syndical, associatif, culturel, sportif, avec le mouvement des idées
progressistes. Elle réussit un incroyable tour de force : transformer au
cœur de l’Essonne une base d’expérimentation du Concorde, en un immense champ
de fertilisations croisées des idées, des sentiments, des projets pour agir
sans attendre pour un autre monde.
Il n’y a aucun autre espace public de plein air où peuvent ainsi débattre
pied à pied, argument contre argument, le secrétaire national du Parti
communiste Fabien Roussel et un ancien Premier ministre comme
Édouard Philippe. Un débat de qualité après la rencontre de Fabien
Roussel, avec des lectrices et lecteurs de l’Humanité quelques jours plus tôt et ses interventions télévisuelles à
l’occasion de la fête.
Aucun autre lieu où tant de discussions
et de débats peuvent avoir lieu entre militantes, militants, électrices,
électeurs et premiers dirigeants des forces de la gauche sociale, politique,
intellectuelle.
C’est la raison pour laquelle j’ai été particulièrement choqué, blessé,
meurtri, comme de nombreux amis et camarades, par les propos de celles et ceux
qui, bénéficiant de cette formidable tribune, en profitent pour insulter l’Humanité qui les accueille et les communistes qui, selon François Ruffin,
ne seraient préoccupés qu’à préparer des « verres de punch » ou selon
Sandrine Rousseau, « qu’à planter des tentes ». Quand bien même
serait-il « indigne » pour quelques-unes ou quelques-uns de veiller
au bon accueil de nos hôtes par des tâches pratiques, voire ingrates, voilà qui
fleure bon l’impolitesse et le mépris de classe.
Cher François Ruffin, les communistes ont permis votre élection et quand
on est élu sur les terres de grands résistants, devenus députés et maires
communistes comme Jean Catelas* et René Lamps**, on ne dit pas cela,
on sait au moins se tenir à table et, surtout, on n’insulte ni le passé ni
l’avenir.
L’invective qui fuse, et l’injure
destinée à prospérer sur des réseaux a-sociaux sont totalement à rebours de
l’esprit de la Fête de l’Humanité, et n’y ont guère leur place.
Immergée dans la vie, dans les
turpitudes du monde, dans les soifs d’espérance, dans les actions, la Fête loin
de ces imbéciles bisbilles, a une fois encore été la caisse de résonance des
grands idéaux et principes de la République française : « Liberté.
Égalité. Fraternité ». Non pas seulement, pour qu’ils cessent d’être
poignardés par les mandataires du capitalisme, mais sont au contraire poussés
jusqu’au bout, jusqu’à la possibilité pour les travailleurs et les citoyens de
devenir maîtres de leurs destins, c’est-à-dire jusqu’au communisme.
La Fête est en quelque sorte la
préfiguration de la société fraternelle et juste, solidaire et libre, pacifique
et féministe, antiraciste et écologique à laquelle aspirent celles et ceux qui
y participent, en osmose avec les millions d’autres qui cherchent les chemins
de nouveaux futurs d’humanité.
Il n’y a rien de plus beau, de plus
exaltant, de plus apaisant, que de voir tous ces cœurs se projeter dans
l’alignement même du doux soleil qui a inondé la Base 217 de Brétigny.
C’est toute l’humanité en sa fête.
Patrick Le Hyaric
20 Septembre 2023
*Jean Catelas, Ouvrier bonnetier, syndicaliste et membre du Parti
communiste, député communiste du Front populaire, responsable de l’Humanité clandestine, guillotiné le 24 septembre 1941 sur ordre du gouvernement de
Vichy.
**René Lamps, instituteur, résistant,
secrétaire du comité de libération de la Somme, membre du comité central du PCF
1945-1950, conseiller général, plusieurs fois élu député, Maire d’Amiens de
1971 à 1989.
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