Nul ne peut accepter, cautionner, soutenir la
destruction de services publics, le pillage de magasins, les attaques contre
les pompiers, les médecins ou la police, les violences contre les élus et leurs
familles.
Je les condamne parce qu’ils font mal aux sœurs et aux
frères, oncles ou cousines, parents de celles et ceux qui utilisent ce mode
d’action minoritaire.
Je les condamne, car il constitue une violente
autopunition qui s’ajoute encore aux difficultés d’accès à l’éducation, à la
santé, aux transports, au sport et à la culture, à la sécurité de ceux-là mêmes
qui détruisent. Les révolutionnaires ne cassent jamais ce qu’ils ont conquis de
haute lutte, particulièrement les services publics, souvent le seul patrimoine
de ceux qui n’en ont pas. Mettre le feu à une bibliothèque, une médiathèque
c’est brûler la cause pour laquelle on prétend agir.
Je les condamne, car chaque voiture brûlée, chaque école
saccagée, chaque commerce vandalisé, chaque mairie attaquée fait monter le
mercure brun des thermomètres des extrêmes droites. Celles-là mêmes qui
mettraient les quartiers populaires en coupes réglées en y déployant l’armée, y
amplifieraient le cycle exclusion, répression, expulsion. Méfions-nous des
apparences ! L’extrême droite
carnassière se pourlèche les babines de cette situation. Elle a tout à gagner à jeter de l’huile sur le
feu.
Il n’y a d’avenir progressiste et révolutionnaire ni
dans l’autodestruction, ni dans le saccage des biens du voisin ou ceux de la
collectivité publique. Les premières victimes des émeutes urbaines ne sont pas
les puissants, mais les habitants des cités populaires. Au contraire, les
puissants et les dominants y trouvent des motifs supplémentaires pour nous
diviser davantage, humilier encore plus les habitants de ces lieux mis au ban
de la cité, que l’on appelle banlieues. Et, depuis quelques jours, on a vu tous
les partisans d’un gouvernement autoritaire pointer à la fenêtre, sous couvert
« d’union nationale »
Pourtant, n’en déplaise aux acharnés de l’assignation
à résidence et de l’identité, il faut bien partir du début. Revenir au souffle
qui a enflammé les braises qui couvent depuis tant de temps : la mort d’un adolescent de 17 ans. Nahel abattu à bout
portant par un policier. Et Nahel n’est pas le premier. Quelques jours
auparavant, dans un silence de plomb, un jeune guinéen, un jeune salarié de
19 ans, Alhouisssein Camara a été tué dans les mêmes circonstances dans la
périphérie d’Angoulême. Et, le policier, auteur du tir mortel, placé sous
contrôle judiciaire, est libre. Il n’y a aucune image. Il n’avait pas déclenché
sa caméra. La liste est longue des Zineb, Adama, Cédric Chouviat et tous les
autres morts sous les coups de la police.
Au lieu de traiter la pauvreté qui se mue en misère,
la désespérance qui ronge et meurtrit les quartiers populaires, les pouvoirs
qui se succèdent s’acharnent à y développer des techniques dites de « maintien de
l’ordre ».
De quel ordre au juste ? Sans doute juste l’ordre ! Cette stratégie de la
force a contribué à éloigner la
police des populations et particulièrement des jeunes, notamment depuis qu’un ministre de l’Intérieur, M. Sarkozy, a dissous la police de proximité.
La mort de Nahel, comme d’autres, ne sont pas des
bavures. Elles sont la conséquence d’un processus où se combinent augmentation
de la pauvreté, trafic de drogue, pression corporatiste des policiers dont la
formation est trop négligée, infusion des idées d’extrême droite, vote d’une
kyrielle de lois liberticides permettant à la hiérarchie de la police de
s’affranchir d’un certain nombre de règles. La réécriture ouvrant la voie à une
interprétation large de l’article 435-1 du code de sécurité intérieure en
2017 et l’assouplissement des conditions d’emploi des armes à feu par les
forces de l’ordre a conduit à doubler le nombre de tués par la police depuis
2020. Nahel et d’autres sont bien morts aussi de cette modification du code de
sécurité intérieure et de son interprétation.
Quoique en disent tous les défenseurs assermentés de
l’ordre existant qui se pavanent sur les écrans de télévisions, cette brutalité
nouvelle dans l’action de la police est aussi liée à l’affaissement des
services publics de la République sous les coups de boutoir de l’austérité
capitaliste, de l’asphyxie du tissu associatif, de la compression des finances
communales - dont la taxe d’habitation n’est que l’un des avatars -, la
suppression des emplois aidés par M. Macron auxquels il faudrait ajouter
l’acharnement à faire tomber les municipalités d’union animée par des maires
communistes, et la réduction considérable des implantations de cellules du
Parti communiste dans ces quartiers.
Il ne peut y avoir de paix sociale dans un océan
d’injustice sociale. Il ne peut y avoir de « tranquillité » là où un jeune, qui voit ses parents trimer et souffrir,
peut se faire contrôler
plusieurs fois dans une même journée tout en subissant brutalités, injures et mépris de la Police.
Un premier acte politique d’apaisement et de main
tendue serait de proposer au Parlement de suspendre ou d’abroger cet
article 435-1 du code de sécurité intérieure. Un autre serait de créer
immédiatement une commission « Vérité et
Justice » associant élus locaux, représentants de jeunes des quartiers, organisations de jeunesse, associations,
représentants de la police et de la justice, médiateurs de quartiers et éducateurs, le gouvernement et le Parlement. Il est
urgent de traiter sérieusement les questions relatives aux relations entre
l’institution policière et les populations des cités populaires. Celles-là même
dont les parents et grands-parents ont contribué à construire La France, celles
que l’on retrouve en tête des « premiers de corvée », qui subissent des temps de transports interminables,
qui se lèvent tôt et
rentrent tard, très tard. Un
nouveau code de conduite des policiers, une modification de leurs missions, le
renforcement de la formation des fonctionnaires de police, la construction
d’une police de proximité doivent être mis à l’ordre du jour, maintenant.
Et parlons franchement. Notre pays souffre des
reliquats de son héritage colonial. Les populations issues de l’ancien empire
sont largement stigmatisées et toujours désignées ou perçues comme suspectes a
priori. Il est temps pour notre République de faire un bond en sortant toutes
ces questions cachées sous le tapis et de les mettre sur la table, en débat, au
grand jour.
Déverser en permanence des discours sur « l’égalité
républicaine » à des jeunes pour qui le contact avec les policiers relève de l’injustice permanente, d’humiliations
et l’expression libre du racisme, salissent notre République, la dénaturent et conduisent à la haine de
tout corps constitué, tout
représentant d’une autorité ou d’un service. L’inclusion n’est qu’un mot
incompréhensible pour un adolescent victime de la ségrégation urbaine et des
discriminations, encerclé par la misère et la violence, dont l’avenir ne
dépasse pas les murs de la cité.
Ceux qui répètent à l’envi que l’argent aurait coulé à
flots dans ces quartiers grâce à la politique de la ville mentent effrontément.
Certes, des efforts importants de rénovation urbaine et d’équipements ont été
réalisés sous l’impulsion des municipalités. Mais le programme de rénovation
urbaine né de la loi Borloo n’a coûté que 12 milliards d’euros, et non pas
40 milliards, comme le racontent à la télévision, ceux qui habitent les
beaux quartiers.
Cette dépense a été financée aux deux tiers par
l’Action Logement avec un prélèvement sur le 1 % logement issu de la masse salariale. Le tiers
restant a été financé par les collectivités locales et l’État. Et ce
plan a généré 10 milliards de
recettes de TVA et de cotisations sociales.
Améliorer l’urbanisme, l’habitat, rendre les cités
plus agréables, améliorer la qualité environnementale des logements est tout
aussi indispensable. Ceci ne peut cependant suffire à répondre aux problèmes
auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes de ces quartiers : le
chômage, la précarité, la pauvreté. Sur les 1514 quartiers prioritaires, où vit
8 % de la
population française, le
taux de pauvreté est de 43 %. Le taux
de chômage y est de 18,6 %. Plus de 57 % des enfants y sont en situation de pauvreté. En 2021, M. Jean-Louis Borloo lui-même rappelait que la République accorde à ces
territoires « quatre fois moins de moyens qu’ailleurs rapporté au nombre d’habitants ».
C’est aussi dans ces endroits que le confinement a été
le plus difficile à supporter. C’est là aussi, que le niveau d’abstention aux
élections municipales et législatives est le plus élevé depuis plusieurs
scrutins déjà. Cette seule donnée aurait dû et doit sérieusement alerter.
C’est là que l’inflation fait le plus souffrir. Bien
souvent, dans ces cités, la fin du mois est fixée au 15. Dans certains cercles,
qui ne connaissent strictement rien à ces conditions de vie, on a fait un
amalgame grossier et réducteur entre émeutiers et « pilleurs ». Il y en a,
certainement. Comme il y a vraisemblablement des groupes d’extrême droite qui
soufflent sur les braises. Mais ne devrait-on pas se demander si ces actes
répréhensibles ne constituent pas pour une part « des émeutes du
pouvoir d’achat ».
De ces citées doit être enclenché un grand combat pour
éradiquer la précarité et le chômage et ouvrir le droit d’accès à l’éducation,
au travail, à la formation, à la culture à chacune et chacun de ses habitants,
à chaque jeune sans exception.
Comment peut-on dans ces familles accepter d’être
stigmatisé tels des « profiteurs », alors qu’on n’y a que de maigres salaires et
quelques pincées d’aides sociales. Alors même que la semaine dernière, on
apprenait que le yacht, appartenant à la première fortune de France, s’est vu
refuser d’accoster dans le port de Naples pour sa trop grande taille…
La campagne forcenée conduite par le pouvoir contre « les fraudes
sociales »,
stigmatisant les plus déshérités est une
forfaiture quand personne ne s’attaque à la fraude fiscale qui représente l’équivalent de sept fois les moyens du plan de rénovation urbaine.
En cherchant des boucs émissaires et des coupables, en
désignant pêle-mêle les parents, les réseaux sociaux et une prétendue « ultragauche », le pouvoir
et les médias dominants cherchent un consensus, une union
nationale pour le maintien de ces quartiers - comme de la ruralité - en état de
soumission, de résignation et d’isolement.
Raison de plus pour ne pas leur donner des arguments
en usant de violences. Raison de plus de faire de la politique pour une issue
progressiste comme le proposent les maires communistes. Oui, un travail
considérable doit être déployé pour transformer les rages et les révoltes en
processus politique de transformation sociale, démocratique et écologique et
contrer les tentations autoritaires. Il n’y a de République que sociale, laïque
et démocratique. Il n’y a de vie harmonieuse en société qu’en produisant du
commun, de la solidarité, de l’écoute et de respect de l’altérité, pour une
transformation progressiste de la société associant tous les travailleurs, tous
les jeunes, tous les citoyens urbains comme ruraux, qui aspirent à autre chose
qu’à la guerre « de tous contre tous » qu’instille le
capitalisme.
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