mardi 4 juillet 2023

« Relégation », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Maintenir l’ordre dans le désordre social: depuis 2005 et la mort atroce, à Clichy-sous-Bois, de Zyed Benna et Bouna Traoré, la boussole reste la même. Aucune rupture n’est venue desserrer les politiques de contention sécuritaire que l’État déploie dans les quartiers populaires. Au contraire. Les violences illégales commises par des policiers se sont multipliées, au fil de lois ­assouplissant les conditions dans lesquelles ils peuvent faire usage de leurs armes à feu de manière «préventive». Ceux-ci usent toujours de techniques dimmobilisation dangereuses, potentiellement mortelles. Leur arsenal répressif s’est renforcé, sophistiqué. Les dénégations du gouvernement n’y changent rien: ces violences policières, lONU le souligne, revêtent de façon sys­témique un caractère raciste et discriminatoire – comment fermer encore les yeux sur cette réalité, quand des syndicats de police, parmi les plus influents, en appellent à la «guerre» contre des «nuisibles», des «hordes sauvages»?

Ces violences policières, sous-évaluées, donnent rarement lieu à des suites disciplinaires et pénales. Elles installent un lourd climat de défiance; elles gangrènent le lien social, dans un contexte où la crise économique et la compression des dépenses publiques ont conduit à une relégation accrue des quartiers populaires.

Les plans d’austérité successifs ont asséché les budgets des collectivités locales et siphonné les fonds consacrés à l’éducation, à la culture, à l’action sociale, à l’enfance, à la santé, aux activités ­périscolaires, au travail associatif. Dans les quartiers populaires, le chômage reste trois fois supérieur à la moyenne nationale. Celles et ceux qui travaillent sont assignés à des emplois indispensables à la vie sociale mais éloignés, précaires, dévalorisés et sous-payés. L’égalité républicaine, dans ces conditions, tient de la fable. Aucune société ne peut tenir en accumulant les richesses et les privilèges à un pôle et les injustices, les privations à un autre. Cette fracture ne relève en rien de «lanthropologie culturelle». La faille est sociale. Elle peut, elle doit être réparée.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

ÇA PLEURE UN HOMME !

Un homme ne pleure pas, un homme réfléchit, il fait taire son cœur, il est impénétrable.   Voilà ce que disait le vieillard vénérable au c...