Maintenir l’ordre dans le désordre social : depuis
2005 et la mort atroce, à Clichy-sous-Bois, de Zyed Benna et Bouna Traoré, la
boussole reste la même. Aucune rupture n’est venue desserrer les politiques de
contention sécuritaire que l’État déploie dans les quartiers populaires. Au
contraire. Les violences illégales commises par des policiers se sont multipliées,
au fil de lois assouplissant les conditions dans lesquelles ils peuvent faire
usage de leurs armes à feu de manière « préventive ». Ceux-ci
usent toujours de techniques d’immobilisation
dangereuses, potentiellement mortelles. Leur arsenal répressif s’est renforcé,
sophistiqué. Les dénégations du gouvernement n’y changent rien : ces
violences policières, l’ONU le souligne, revêtent de façon systémique un caractère raciste
et discriminatoire – comment fermer encore les yeux sur cette réalité, quand des syndicats de
police, parmi les plus influents, en appellent à la « guerre » contre des « nuisibles », des « hordes sauvages » ?
Ces violences policières, sous-évaluées, donnent
rarement lieu à des suites disciplinaires et pénales. Elles installent un lourd
climat de défiance ; elles gangrènent le lien social, dans un contexte où la crise économique et la compression des dépenses publiques ont conduit à une relégation accrue des quartiers populaires.
Les plans d’austérité successifs ont asséché les budgets
des collectivités locales et siphonné les fonds consacrés à l’éducation, à la
culture, à l’action sociale, à l’enfance, à la santé, aux activités périscolaires,
au travail associatif. Dans les quartiers populaires, le chômage reste trois
fois supérieur à la moyenne nationale. Celles et ceux qui travaillent sont
assignés à des emplois indispensables à la vie sociale mais éloignés,
précaires, dévalorisés et sous-payés. L’égalité républicaine, dans ces
conditions, tient de la fable. Aucune société ne peut tenir en accumulant les
richesses et les privilèges à un pôle et les injustices, les privations à un
autre. Cette fracture ne relève en rien de « l’anthropologie
culturelle ». La faille est sociale. Elle peut, elle doit être réparée.
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