« Comme
la grande majorité des communistes, j’ai participé à l’action pour aboutir à la
signature du programme commun de la gauche. Avec eux, en 1971, j’ai applaudi à
cette signature. Les années qui ont suivi nous ont fait prendre conscience du
piège dans lequel nous nous étions enfermés. Lors des élections législatives de
1973, nous restons devant le Parti socialiste avec 21,3% contre 18,9%. Mais
celui-ci revenait de loin. Quatre ans plus tôt, en 1969, 5% des électeurs
avaient voté pour Gaston Defferre, le candidat socialiste à l’élection
présidentielle, alors que celui de notre parti, Jacques Duclos, avait obtenu
21% des suffrages exprimés.
J’ai
mené avec mes camarades la campagne pour la réactualisation du programme
commun, notamment après la tenue du congrès extraordinaire de 1974 autour de
l’idée : « L’union est un combat ». Les élections municipales de 1977 ont été
marquées par un progrès considérable de l’implantation des communistes. Nous
n’avions jamais eu autant de communes avec à leur tête un maire communiste. En
Seine-Saint-Denis, vingt-sept villes sur quarante étaient dans ce cas. Aux
élections législatives de 1978, le PS arrive devant le PCF avec 22,82% des
voix, contre 20,61%. Cette échéance se traduisait par un sensible recul de
notre parti et une progression notable du PS. Cela signifiait que les résultats
obtenus aux municipales de 1977 s’expliquaient pour une large part par les
progrès du PS.
C’est
dans cette période, faite de succès indiscutables mais aussi d’un recul de
notre influence, que je pris part à une conférence de section à La Plaine
Saint-Denis. C’était avant les élections législatives de 1973, et donc peu de
temps après la signature du programme commun. J’ai toujours en mémoire les
interrogations d’un camarade. Sa question était pleine de bon sens: « Sur
quelles bases allons-nous mener campagne pour ces élections puisque nous avons
le même programme que le Parti socialiste. Comment pouvons-nous nous
différencier ? » La discussion a naturellement permis d’avancer sur le fait
que, pour notre part, nous voulions en finir avec le capitalisme et que nous
agissions pour un « socialisme aux couleurs de la France », comme
nous disions alors, tandis que le Parti socialiste, qui n’avait pas changé de
nature, restait un parti social-démocrate. Il n’empêche, pour les électrices et
les électeurs qui devaient se prononcer, nous étions bien liés par le même
programme.
Quitter ou rester au gouvernement ?
Au
moment où j’écris ces lignes, nous sommes entrés dans le « tournant de la
rigueur » décidé par François Mitterrand et le débat est vif entre ceux de
nos camarades partisans de voir nos ministres quitter le gouvernement, et ceux
qui, au contraire, pensent qu’il faut poursuivre cette expérience. Je fais
partie de ceux qui veulent que les ministres communistes quittent le
gouvernement. Mais, je le dis humblement, je ne suis pas sûr d’avoir encore les
réponses à la question que me posait le camarade de La Plaine Saint-Denis, et
qui continue de me tarauder.
Nos
résultats aux élections municipales de mars 1983 montrent que nous avions
raison de redouter ce scrutin. Nous avons perdu de nombreuses municipalités
conquises en 1977. Pas moins de sept en Seine-Saint-Denis. Nous payons notre
participation au gouvernement. Mais combien nous aurait coûté notre refus d’y
participer ? Impossible de le savoir. Rien n’est simple. Et les interrogations
se bousculent dans ma tête. En tout état de cause, notre participation au
gouvernement ne m’apparaît pas comme la seule explication de ces reculs. Penser
qu’il suffit que le PCF soit un aiguillon capable de « tirer » le PS à gauche
ne peut résumer la politique et les choix qui doivent être les nôtres. Il est
temps de revisiter notre stratégie ». Romainville, le 17 avril 1983
(À
L’ÂGE OÙ LA VIE SE RACONTE. Pages 73, 74 et 75.)
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