Que cache le brutal débarquement de Thierry Breton de son poste de
commissaire européen ? Oui, Breton s’est trouvé à la conjonction d’une
convergence d’intérêts : ceux d’Ursula von der Leyen, en
cheville avec les Gafam et bien déterminée à écarter celui qui avait haussé le
ton vis-à-vis de leurs pratiques. Et ceux d’un Emmanuel Macron affaibli qui a
besoin d’un homme lige à Bruxelles : Stéphane Séjourné.
Mais ce moment politique en dit surtout long sur l’assujettissement des
pouvoirs français et européen aux intérêts du monde capitaliste. Non que
Thierry Breton ait été un défenseur acharné des intérêts des travailleurs. Mais
il était un partisan d’une régulation au minimum de la politique industrielle
européenne. Déjà trop pour les défenseurs de l’idéologie selon laquelle la
concurrence pure et parfaite se suffit à elle-même.
Pour preuve, le rapport remis la semaine dernière à la présidente de la
Commission européenne par Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale
européenne et actuel président de l’Institut Delors, un document présenté ce
mardi au Parlement européen. L’objectif de ce texte est, assure Mario Draghi,
de donner des pistes pour rattraper le retard que prend l’Union européenne dans
la compétition avec les États-Unis et la Chine.
La « productivité » des entreprises européennes serait bridée par
un trop-plein de normes sociales et environnementales. Le rapport Draghi
dénonce donc les 13 000 actes législatifs annuels décidés par les
instances européennes contre 5 500 aux États-Unis. Et de proposer un cadre
de « coordination de la compétitivité » qui signifie rien
de moins qu’un alignement sur les pratiques et normes américaines.
Il défend enfin l’octroi de généreuses subventions publiques pour soutenir
les investissements privés dans le numérique, l’intelligence artificielle et
l’environnement. Sans aucune condition et sans la moindre contrepartie, bien
sûr. « Déréglementer » plus et plus vite, c’est l’exigence du capitalisme
européen. Donc, on fait sauter celui qui voulait un petit peu réguler, un tout
petit peu qui est déjà trop.
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