La République a touché l’écume de la vague brune, mais a évité d’être emportée par sa houle. Mieux dans la dernière ligne droite, c’est le Nouveau Front Populaire qui a pris la vague pour passer devant. L’extrême droite qui rêvait d’avoir les mains entièrement libres pour honnir, faire taire, trier, hiérarchiser, condamner ou expulser est battue. C’est un soulagement pour les étrangers, femmes, syndicalistes, communistes, homosexuels, binationaux, écologistes, transgenres, socialistes, insoumis, sans-papiers, pauvres, gens du voyage, handicapés, chômeurs qui sont les cibles privilégiées de ce courant réactionnaire. Comme nos compatriotes croyants, juifs et musulmans, si souvent stigmatisés, pointés du doigt à tour de rôle par cette extrême droite qui les déteste en réalité de la même façon.
L’extrême droite qui rêve d’une nation
ethnique fantasmée vient de prendre un nouveau barrage par une nation
politique, debout pour refuser de céder
à ses sirènes et d’abandonner notre devise républicaine, Liberté, Égalité,
Fraternité, pour une conception rance autour du triptyque « Travail,
famille, patrie ». Le peuple, qui a largement participé à ce scrutin pour
la deuxième fois en une semaine, a rejeté le scénario macabre élaboré par le
président Macron.
Élu par deux fois pour faire obstacle à Marine Le Pen, il disait en
2022 que « ce vote l’obligeait », mais dès le
lendemain, il mit en chantier la réforme des retraites pour répondre aux
injonctions du capital dont le projet est d’en finir avec les conquis sociaux
arrachés de hautes luttes ouvrières tout au long du XXe siècle.
Le capital veut reprendre tout ce qu’il a dû céder dans un rapport de
force : salaires, retraites, protection sociale. Ce même capital s’est
réjoui de la dissolution car, pour aller plus loin dans la suraccumulation des
richesses tout en épuisant le vivant et la nature, il lui fallait un nouveau
virage libéral et autoritaire. Il voulait passer un cap sécuritaire dans une
société d’ordre où règne la peur et où chaque contestation est étouffée dans
l’œuf. Puisque le président apparaît essoufflé après un septennat, le capital
rêvait de Bardella, comme le capital italien s’est blotti dans les bras de Meloni
pour poursuivre son œuvre destructrice.
La gauche qui arrive devant est face à
une immense responsabilité. Elle doit regarder lucidement ce résultat, et aurait tort d’oublier trop
rapidement que l’extrême droite continue de progresser avec célérité.
L’extrême droite nourrit les haines et les rancœurs sur fond de misère et
de colère sociales, de peur du déclassement dans des territoires où la
République recule en même temps que les services publics. Elle nourrit le
peuple de théories fumeuses et complotistes comme celle du grand remplacement,
trompe celles et ceux qui refusent ce système économique et politique en
faisant mine de se placer à leurs côtés pour, en réalité, le verrouiller. Elle
progresse sur les fractures de la société, sur la peur de l’autre, du voisin,
de l’étranger qu’on « voit à la télévision » sans le connaître. Voici
le ferment de ce qu’il convient de nommer le racisme. Et la gauche est
maintenant au pied du mur et devra s’y attaquer, en recousant les plaies
béantes d’une France à deux vitesses, qui ne se parle plus, ne se comprend
plus, entre le centre des bourgs et le haut des tours ; une France en
panne de projet, de rêve et d’espoir.
Heureusement, une nouvelle fois, le rassemblement des forces de gauche et
de l’écologie dans le Nouveau Front populaire et le barrage républicain du
second tour ont permis de faire refluer la vague. Mais nous sentons bien que le
coup n’est pas passé loin, et cela peut-être pour la dernière fois. Surtout si
le président réfléchit à une énième « combinazione » politique, à une
alliance des contraires qui poursuivrait sa politique et conduirait à tous nous
entraîner dans sa chute en renforçant le récit de l’extrême droite.
Le gouvernement qui sera composé devra respecter la victoire surprise de la
gauche, et donc son programme. Le scénario où tout le système politique s’allie
sur fond d’austérité pour gérer les affaires courantes serait un nouveau
marchepied pour l’extrême droite. Le RN rêve d’ailleurs de mettre dans le même
sac, pêle-mêle, tous les partis politiques, les syndicats, le Conseil
constitutionnel, le Sénat, afin, s’il parvient au pouvoir, de mieux les abattre
avec l’assentiment populaire.
En plus d’avoir aggravé les multiples crises sociales et écologiques, le
président est comptable de l’accélération, ces dernières semaines, de la
décomposition et de la recomposition politique, sur fond de médiocrité
intellectuelle, de non-confrontation des idées et, pire, d’inversion des
valeurs. On se rappellera longtemps des caciques de la Macronie qui ont tiré un
trait d’égalité entre les forces de progrès et celle de l’extrême droite
raciste, quelques mois après la panthéonisation de Missak et Mélinée
Manouchian. À leur défaite politique, ils ajoutent donc le déshonneur qui les
marquera à jamais.
Les communistes, opposés depuis toujours
à la Ve République et à l’hyper-présidentialisation de la vie politique,
doivent, avec d’autres, porter l’urgence d’une nouvelle République pour la bâtir véritablement
sociale, démocratique, laïque, féministe et écologique. Il faudra à terme
convoquer une Constituante, pour donner de nouveaux pouvoirs et droits aux
citoyens, aux salariés, aux usagers dans la cité, l’entreprise et les services
publics, pour permettre aux élus locaux de disposer de moyens nécessaires pour
l’action publique de proximité et pour donner enfin le droit de vote aux
résidents étrangers qui en sont privés depuis toujours. La nouvelle République
devra être inclusive ou ne sera pas.
Mais l’urgence, c’est que les forces de gauche et de l’écologie se mettent
en ordre de bataille pour gouverner. Le risque est trop grand que Le Pen,
Bardella et consorts n’aient plus, la prochaine fois, qu’à se baisser pour
ramasser une République à terre.
Ce soir, n’est pas une fin, c’est le
début d’un combat, qui doit s’envisager sur le long terme. Tout commence ! Il faut inventer
un nouveau récit, créer un nouvel espoir dans une France fracturée et en
colère, inquiète. Avant toute chose, la gauche doit s’appuyer sur sa victoire
électorale pour reprendre la bataille idéologique et culturelle.
L’extrême droite a bien compris l’importance de cette bataille, elle qui,
depuis sa défaite en 2002, a poursuivi une stratégie de dédiabolisation puis de
banalisation avant de se normaliser et de s’imposer au centre du débat avec ses
thématiques. Elle a investi dans le numérique et les réseaux sociaux en
distillant fake news, idées rances et xénophobes, bien accompagnée en cela par
des influenceurs et par des groupes médiatiques bollorisés surpuissants.
Il est donc urgent de regagner cette
bataille d’idées. « Salaires, climat, paix » doivent à nouveau
s’imposer dans le
débat, de l’Assemblée nationale aux plateaux de télé, et surtout partout sur le
territoire. Il faut que nos organisations se déploient, recréent du lien, des
lieux d’échanges et de confrontations, mais aussi d’actions pour changer du
local à l’international.
Il faut réimposer dans le débat politique et public des idées dont
certaines sont déjà majoritaires chez les citoyens, pour donner des moyens à
nos services publics et en priorité l’école, mais aussi autour du partage du
pouvoir, des savoirs et des richesses, dans un pays où le capital peut utiliser
sans contrainte les 200 milliards d’aides publiques, mais où les privés
d’emplois sont mis au pilori quand il s’agit de faire respecter leurs droits.
La lutte contre la grande pauvreté, la précarité et le réchauffement climatique
sont les grandes causes du XXIe siècle et l’argent nécessaire est
disponible pour y répondre. Enfin, la paix partout dans le monde, en Ukraine
comme à Gaza, doit être portée par la France pour répondre aux désordres
mondiaux.
L’Humanité, journal à l’histoire longue de
120 ans, va y consacrer toutes ses forces dans les prochains mois. Nous voulons être utiles, à notre
place, en n’étant pas simplement des spectateurs ou des commentateurs mais des
acteurs de cette révolution des idées pour regagner le cœur et les esprits de
tout un peuple. Nous allons continuer à nous réinventer, à investir le
numérique et à nous redéployer sur l’ensemble du territoire. Pour accompagner
ces changements, nous aurons besoin de vous, comme vous, vous avez besoin de
nous. Nous donnons déjà rendez-vous à toutes celles et tous ceux qui veulent
faire réussir le Nouveau Front populaire et passer à la contre-offensive
idéologique à la Fête de l’Humanité, les 13, 14 et 15 septembre prochains.
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