lundi 3 juin 2024

« Déni de justice à l’antenne », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Qui a dit que la télévision était un média dépassé à l’heure de l’Internet 3.0 et de l’intelligence artificielle ? Le groupe TF1 nous prouve que le petit écran a encore de la ressource. Après l’importation en France de la lie de la télé-réalité, sa dernière innovation laisse sans voix : inviter un dirigeant suspecté par la justice internationale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour lui permettre d’annoncer à l’antenne la poursuite de ses exactions en toute impunité. Avec Benyamin Netanyahou sur LCI, jeudi 30 mai, les frontières de l’indécence ont été franchies. Le journaliste Darius Rochebin a eu beau rappeler quelques vérités, le premier ministre israélien les a saisies comme autant de perches pour justifier le massacre en cours à Gaza, allant jusqu’à se comparer à de Gaulle et à Churchill.

TF1 et LCI agiraient-ils de même demain avec Vladimir Poutine, le président russe lui aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) ? Ou bien avec Omar El Bechir, l’ex-dictateur soudanais soupçonné de génocide, ou encore avec Bachar El Assad, le chef de l’État syrien recherché par la justice française ? Et imaginerait-on seulement les dirigeants criminels du Hamas, visés par les mêmes chefs d’accusation que Netanyahou, venir plaider leur « cause » en duplex ? On ose croire que non. En réalité, cette invitation souligne et confirme combien le leader du Likoud bénéficie d’un traitement de faveur chez une partie des médias français, en dépit du mandat d’arrêt requis contre lui par la CPI.

Le bourreau de Gaza convié sur les écrans des foyers français, c’est le deux poids, deux mesures dans toute son arrogance. Le déni de justice et d’humanité en direct, un crachat sur les 36 000 morts palestiniens comme sur le combat des défenseurs de la paix et des droits humains qui se mobilisent sans relâche – ils étaient au moins 20 000 dans les rues de Paris, samedi, selon le décompte souvent minimisé de la police. C’est aussi à une certaine défaite du journalisme qu’on a assisté, jeudi.

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