Un mauvais film envahit chaque recoin de
l’espace public, les journaux et les plateaux de télévision. Il mériterait une
palme d’or s’il n’était pas si dangereux pour l’avenir de notre pays. Son
nom : « Les duettistes Macron-extrême droite ».
Son scénario est destiné à boucher toute perspective transformatrice
favorable aux intérêts des travailleurs et de la jeunesse. Il est un venin
mortifère pour les droits sociaux, les libertés et la paix. Il est destiné à
étouffer tout débat politique, à marginaliser les forces de gauche, les forces
syndicales et associatives et à faire pression sur les journalistes qui
cherchent à faire leur travail au mieux.
Les injonctions sont brutales ! La semaine dernière, le Secrétaire
général de l’Élysée, s’est permis de faire pression sur les dirigeants de
France Télévisions – en les menaçant de réduire les crédits du groupe de médias
publics – en leur demandant de cesser de critiquer autant le gouvernement.
Le président de la République et les forces politiques qui l’entourent
jouent sur deux tableaux : Côté pile ils font de l’extrême droite leur
seul adversaire dans le débat politique ; côté face, bloc par bloc, ils
inscrivent dans la loi les propositions de l’extrême droite comme celle sur
l’immigration, le séparatisme. Jusqu’à vouloir remettre en cause le droit du
sol.
Tout cela, en organisant la confusion autour des fondements de la
République, malaxant comme de la bouillie, la laïcité et l’égalité. À ceux qui
rétorquent que l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG)
dans la constitution contredit cet argument, nous rappelons que cette avancée
majeure n’est pas le fait du macronisme.
Elle n’était pas inscrite dans les programmes présidentiel et législatif du
parti de M. Macron. Elle est le résultat du mouvement des femmes relayées à
l’Assemblée nationale et au Sénat par des députés et sénatrices insoumises,
écologistes, socialistes et communistes. C’est bien un rapport de force, porté
dans l’unité au Parlement, qui a permis cette avancée dont il faut concrétiser
le droit réel aujourd’hui contredit par les politiques d’austérité.
L’organisation de ce « duo » produit l’effet inverse de ce qu’il
prétend combattre. Cette stratégie du « eux » ou « nous »
vise à rassurer et préserver les classes possédantes qui, si elles se sentent
menacées, n’hésiteront pas à choisir l’extrême droite. Après le président du
Medef, voici que celui de la FNSEA trouve des qualités au RN/FN. Et Alain Minc
exhorte les classes dominantes, dans les colonnes du Figaro, de cesser de faire
preuve de mansuétude à l’égard de l’extrême droite.
Les milieux dirigeants considèrent de plus en plus que l’extrême droite ici
et ailleurs peut constituer une solide béquille au capitalisme financier. Le nationalisme
d’extrême droite a pour avantage pour la classe capitaliste d’ouvrir la voie au
refus d’appliquer voir à détruire les conventions internationales, le droit
international, le droit social et le droit environnemental. Cette stratégie est
incluse dans le faux débat autour des « normes ». La destruction des
« normes », c’est la possibilité d’exploiter les êtres humains et la
nature sans entrave.
En empêchant toute confrontation sur des alternatives transformatrices,
carte blanche est donnée à ceux qui désignent « l’autre » comme le
responsable de ses propres difficultés. C’est tout le sens des campagnes contre
les « immigrés », les chômeurs, les allocataires du RSA.
En faisant porter le débat sur la seule question du soutien ou non au
peuple ukrainien, tout en déclarant que tout partisan d’un cessez-le-feu et de
la recherche d’une voie diplomatique est un poutiniste, on enferme nos
concitoyens dans l’impasse meurtrière de la guerre contre la Russie.
Après la calamiteuse séquence du Salon de l’agriculture, le président de la
République enjoint ses ministres à faire de l’enjeu du soutien à l’Ukraine, le
thème de la campagne des élections européennes. Il a demandé la semaine
dernière à ses ministres de « se battre pied à pied » sur cette
question.
Tel un petit va-t-en-guerre, cela le conduit bien imprudemment à jouer avec
le feu des armes contre la sécurité nationale. Autrement dit, comme l’extrême
droite, il fait de la politique sur les souffrances, les blessés et les morts
ukrainiens comme sur les malheurs des familles des soldats russes. Au-delà, ce
sont tous les travailleurs au sein de l’Union européenne, en Ukraine et en
Russie qui sont plongés dans l’incertitude et les privations, mis en
concurrence, comme les agriculteurs, alors que les oligarchies ne sont jamais
si bien portées.
Combattre les dangers que recèle ce numéro de duettiste, monté de toutes
pièces pour réaliser un hold-up sur les élections européennes, c’est ouvrir
avec nos concitoyens d’autres possibles faits de désescalade, de cessez-le-feu,
d’initiatives diplomatiques, de construction de sécurité pour tous les peuples
au sein de l’Europe géographique et le respect des souverainetés territoriales,
en lien avec un processus de désarmement.
Sortir de l’enfermement de ce duo, c’est aussi refuser la guerre sociale
qui s’annonce au nom même du concept « d’économie de guerre ».
La guerre et le surarmement servent depuis des mois à adoucir les effets
des contradictions des impérialismes et du capitalisme financiarisé qui a
besoin de maintenir un haut taux de profit.
Le fonds monétaire international alerte sur l’accumulation de dettes
souveraines insoutenables. Mais les États, dont l’Union européenne, décident de
déverser de considérables sommes d’argent public pour développer l’industrie
d’armement. Les agences de notations s’agitent, les institutions
internationales alertent sur « un net refroidissement de l’économie
française », afin de préparer une violente cure d’austérité. Alors que
l’immense majorité de nos concitoyens se privent de plus en plus, qu’en
Ukraine, en Palestine, au Congo, la guerre décime familles et villages, que le
climat se dérègle, les marchés boursiers ont battu la semaine dernière des
records. Les premiers résultats des 38 entreprises françaises sur les 40 cotées
en bourse affichent des bénéfices qui dépassent les 153 milliards d’euros.
Ces mêmes entreprises ont réalisé l’an passé un chiffre d’affaires cumulé
de 1749 Milliards d’euros soit la valeur des richesses produites de l’Espagne
ou de la Pologne. Deux fois plus que celles produites en Belgique. La moitié du
produit intérieur brut de La France. Ainsi, malgré des hausses de coûts de
production, des taux d’intérêt plus élevés, une dégradation de la conjoncture
générale, les tensions géopolitiques, le grand capital accumule et enrichit une
poignée d’actionnaires-propriétaires qui pillent les résultats du travail. De
tels chiffres ne peuvent en effet être obtenus qu’en écrasant les entreprises
sous-traitantes, en surexploitant donc par procuration les travailleuses et
travailleurs. Ceci n’est jamais évoqué dans aucun meeting macronien, lepéniste
ou zemmourien.
Et pour cause. Leur projet commun est la sauvegarde du capitalisme. Les
orthodoxes de la finance et le ministre de l’économie ont sorti la hache et le
rabot pour réduire dès cette année les dépenses publiques d’au moins
10 milliards d’euros, et de 20 milliards d’euros supplémentaires l’an
prochain. Sont en préparation, en plus de l’augmentation de la franchise
médicale, des déremboursements de médicaments indispensable au traitement de
maladies de longue durée, tel des cancers et le diabète, une nouvelle salve de
restrictions des droits des chômeurs et l’étatisation de l’assurance chômage,
de nouveaux coups de canifs au code du travail et de nouveaux accrocs contre le
statut de la fonction publique.
Il n’est pas dit que le peuple travailleur accepte longtemps ce mauvais
film qui les enferme dans la stratégie capitaliste de soumission à l’austérité
et à la guerre. Il doit pouvoir s’unir par-delà les frontières et se mobiliser pour
transformer l’actuelle construction européenne en une union nouvelle de tous
les peuples et toutes les nations à la fois souveraines et solidaires, libres
et associées, coopératives et actives pour l’environnement, pour la paix et le
désarmement.
Il est urgent de s’emparer de ce débat. Les jeunesses et les travailleurs
européens doivent pouvoir reprendre leur destin en main.
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