« Maudit », « malédiction », ce sont des mots qui sont
régulièrement utilisés pour parler d’Haïti. Comme si ce pays des Caraïbes était
la victime d’un mauvais sort qui s’acharnerait contre lui ou d’une punition
divine pour une faute que tous nous aurions oubliée. Non, Haïti n’est pas
maudit. La situation actuelle est le résultat de choix politiques.
Les gangs qui y font la loi ne viennent pas de nulle part. C’est le
résultat d’une longue montée en puissance permise par les différents pouvoirs.
Les gangs qui terrorisent Port-au-Prince ont été les auxiliaires zélés du
président assassiné, Jovenel Moise, pour mater les oppositions dans le sang.
Dans un contexte d’illégitimité du gouvernement d’Ariel Henry, ces bandes
armées historiquement utilisées par les élites politiques et économiques
affichent des velléités d’indépendance, voire se positionnent en détenteurs du
pouvoir. Le gangstérisme signe l’échec d’Ariel Henry et, à travers lui, celui
des puissances étrangères qui n’ont cessé de soutenir ce pouvoir sourd aux voix
de l’opposition.
La réponse au coup de force des gangs ne pourra se résumer à la mécanique
indignation, doublée d’une intervention extérieure et d’une mise sous tutelle
de l’État haïtien, fût-ce sous l’égide des Nations unies. Faire cela
reviendrait à ne pas tenir compte des expériences passées. L’échec et les
défaillances de la mission de stabilisation de l’ONU, déployée entre 2004 et
2017 sur le sol haïtien, devraient conduire la communauté internationale, et
particulièrement les États-Unis, à ne plus penser en termes de « pré carré »
des puissances occidentales.
Le rôle de la communauté internationale ne peut plus se résumer à installer
ou soutenir un nouvel homme fort au pouvoir sous prétexte de stabiliser la
situation. Haïti n’est pas maudit. Le cœur du problème sécuritaire est avant
tout politique. Haïti a besoin d’un gouvernement légitime et représentatif de
la population. Ne pas prendre la question par ce prisme ne fera que
prolonger la crise et le gangstérisme, qu’il soit le fait de bandes armées ou
d’un pouvoir soutenu par l’Oncle Sam.
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