mercredi 13 mars 2024

« Gangstérisme », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



« Maudit », « malédiction », ce sont des mots qui sont régulièrement utilisés pour parler d’Haïti. Comme si ce pays des Caraïbes était la victime d’un mauvais sort qui s’acharnerait contre lui ou d’une punition divine pour une faute que tous nous aurions oubliée. Non, Haïti n’est pas maudit. La situation actuelle est le résultat de choix politiques.

Les gangs qui y font la loi ne viennent pas de nulle part. C’est le résultat d’une longue montée en puissance permise par les différents pouvoirs. Les gangs qui terrorisent Port-au-Prince ont été les auxiliaires zélés du président assassiné, Jovenel Moise, pour mater les oppositions dans le sang.

Dans un contexte d’illégitimité du gouvernement d’Ariel Henry, ces bandes armées historiquement utilisées par les élites politiques et économiques affichent des velléités d’indépendance, voire se positionnent en détenteurs du pouvoir. Le gangstérisme signe l’échec d’Ariel Henry et, à travers lui, celui des puissances étrangères qui n’ont cessé de soutenir ce pouvoir sourd aux voix de l’opposition.

La réponse au coup de force des gangs ne pourra se résumer à la mécanique indignation, doublée d’une intervention extérieure et d’une mise sous tutelle de l’État haïtien, fût-ce sous l’égide des Nations unies. Faire cela reviendrait à ne pas tenir compte des expériences passées. L’échec et les défaillances de la mission de stabilisation de l’ONU, déployée entre 2004 et 2017 sur le sol haïtien, devraient conduire la communauté internationale, et particulièrement les États-Unis, à ne plus penser en termes de « pré carré » des puissances occidentales.

Le rôle de la communauté internationale ne peut plus se résumer à installer ou soutenir un nouvel homme fort au pouvoir sous prétexte de stabiliser la situation. Haïti n’est pas maudit. Le cœur du problème sécuritaire est avant tout politique. Haïti a besoin d’un gouvernement légitime et représentatif de la population. Ne pas prendre la question par ce prisme ne fera que prolonger la crise et le gangstérisme, qu’il soit le fait de bandes armées ou d’un pouvoir soutenu par l’Oncle Sam.

 

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