« Mais où sera la force de
sagesse ? Depuis des années, il n’y a plus de droit public européen et on
peut dire qu’il n’y a pas d’Europe. Or, sans l’action morale d’une conscience européenne
très forte, tous les problèmes de l’Orient européen sont insolubles. » Ces mots, Jean Jaurès les écrit le
30 juin 1914, deux jours après l’assassinat de l’archiduc
François-Ferdinand. Un mois plus tard, la conjonction du jeu des alliances, des
nationalismes, de tactiques politiques aventureuses et d’intérêts impérialistes
contradictoires mène le monde à la guerre.
Certes, nous ne sommes pas dans un contexte similaire, mais l’escalade
militariste en Europe est des plus inquiétantes. Désormais, des chefs
d’État, à commencer par le président français Emmanuel Macron, parlent
d’inéluctable « attaque russe » et envisagent
ouvertement d’envoyer des troupes en Ukraine. Tenter de faire croire que le
passage de « soutien à l’Ukraine » à « ennemi
en guerre avec la Russie » obligerait Poutine à déposer les armes
est au mieux de la naïveté, mais plus sûrement une hypocrisie assumée.
En appelant les peuples à se préparer à la guerre, les pays occidentaux
veulent leur faire accepter plus facilement l’explosion des budgets militaires.
Autant de centaines de milliards d’euros qui n’iront pas aux budgets sociaux ou
environnementaux utiles aux populations mais qui permettront de se fournir
en matériels et munitions divers chez l’Oncle Sam, pour le plus grand
bonheur des marchands d’armes états-uniens.
Ces déclarations martiales ne sont pas sans conséquences diplomatiques.
Elles peuvent conduire les Russes à élargir leur zone d’opération,
accroissant ainsi le risque de dérapage. Nombre de pays de l’Alliance
atlantique sont frontaliers de la Russie, et certains n’hésiteront pas à faire
jouer l’article 5 du traité de l’Otan, qui oblige les alliés à se venir en
aide.
« Si l’Europe tout entière ne
révolutionne pas sa pensée et ses méthodes, (…) l’Orient de l’Europe restera un
abattoir où, au sang du bétail se mêlera le sang des bouchers, sans que rien
d’utile ou de grand germe de tout ce sang répandu et confondu », écrivait encore Jaurès dans son
éditorial. Aujourd’hui, le monde aurait besoin que l’Europe tout entière révolutionne
sa pensée et ouvre une autre voie que la course à l’abîme.
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