mardi 27 février 2024

« Course à l’abîme », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



« Mais où sera la force de sagesse ? Depuis des années, il n’y a plus de droit public européen et on peut dire qu’il n’y a pas d’Europe. Or, sans l’action morale d’une conscience européenne très forte, tous les problèmes de l’Orient européen sont insolubles. » Ces mots, Jean Jaurès les écrit le 30 juin 1914, deux jours après l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand. Un mois plus tard, la conjonction du jeu des alliances, des nationalismes, de tactiques politiques aventureuses et d’intérêts impérialistes contradictoires mène le monde à la guerre.

Certes, nous ne sommes pas dans un contexte similaire, mais l’escalade militariste en Europe est des plus inquiétantes. Désormais, des chefs d’État, à commencer par le président français Emmanuel Macron, parlent d’inéluctable « attaque russe » et envisagent ouvertement d’envoyer des troupes en Ukraine. Tenter de faire croire que le passage de « soutien à l’Ukraine » à « ennemi en guerre avec la Russie » obligerait Poutine à déposer les armes est au mieux de la naïveté, mais plus sûrement une hypocrisie assumée.

En appelant les peuples à se préparer à la guerre, les pays occidentaux veulent leur faire accepter plus facilement l’explosion des budgets militaires. Autant de centaines de milliards d’euros qui n’iront pas aux budgets sociaux ou environnementaux utiles aux populations mais qui permettront de se fournir en matériels et munitions divers chez l’Oncle Sam, pour le plus grand bonheur des marchands d’armes états-uniens. 

Ces déclarations martiales ne sont pas sans conséquences diplomatiques. Elles peuvent conduire les Russes à élargir leur zone d’opération, accroissant ainsi le risque de dérapage. Nombre de pays de l’Alliance atlantique sont frontaliers de la Russie, et certains n’hésiteront pas à faire jouer l’article 5 du traité de l’Otan, qui oblige les alliés à se venir en aide.

« Si l’Europe tout entière ne révolutionne pas sa pensée et ses méthodes, (…) l’Orient de l’Europe restera un abattoir où, au sang du bétail se mêlera le sang des bouchers, sans que rien d’utile ou de grand germe de tout ce sang répandu et confondu », écrivait encore Jaurès dans son éditorial. Aujourd’hui, le monde aurait besoin que l’Europe tout entière révolutionne sa pensée et ouvre une autre voie que la course à l’abîme.

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