La stratégie est éculée et la ficelle grossière. Dans leur réflexion
étriquée, les manichéens de l’actualité ont tôt fait de résumer la crise
profonde que traverse le monde agricole par une équation simple que l’on
pourrait résumer ainsi : paysans contre écologistes. Opposer ceux qui
défendent la terre et ceux qui en vivent n’a aucun sens. Si ce n’est celui d’un
détournement coupable de l’attention populaire.
« J’attends de Gabriel Attal qu’il
renonce au pacte vert », déclarait ainsi, lundi, Jordan Bardella, avant de qualifier cet ensemble de
mesures visant à mettre l’Europe sur la voie de la transition de « bras
armé de l’écologie punitive ». Les paysans sont les premières victimes du
réchauffement climatique.
Désigner les normes environnementales comme la cause cardinale de la colère
des exploitants relève de la manipulation. Le RN tente de capitaliser sur la
souffrance de toute une profession, son sentiment de relégation, sa peur du
déclassement avec, en ligne de mire, le scrutin européen de juin prochain.
Les Français ne sont pas dupes. La lutte des agriculteurs pour une vie
digne et des revenus décents est soutenue par 87 % de la population, selon
un sondage Elabe. Parmi lesquels nombre de militants écologistes. « Nous
refusons le discours dominant qui voudrait faire de nous des
ennemis », écrit d’ailleurs un collectif d’organisations et d’ONG
environnementales dans Libération. Une tribune dans laquelle
les signataires – Greenpeace, les Amis de la Terre, Extinction
Rebellion, etc. – réaffirment leur soutien à la mobilisation en cours.
L’adversaire n’est pas l’agriculteur, mais le modèle économique dominant,
capitaliste, productiviste et mondialisé, les traités de libre-échange et le
dumping social. L’ennemi n’est pas l’écologiste, mais l’agrobusiness et les
intermédiaires de la grande distribution dont les marges explosent.
L’abaissement des normes environnementales permettra probablement de lever
certaines contraintes – réelles – pour les exploitants. Y ont-ils
seulement intérêt ? La lutte actuelle des paysans doit être l’occasion de
remettre en question une agriculture ultra-libéralisée, sans avenir. Qui, dans
un même mouvement, détruit la terre et ceux qui la cultivent.
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