La mort d’Henry Kissinger pourrait refermer le livre noir de toute une
époque. Celle de la guerre du Vietnam et des raids des B-52, quand Madeleine
Riffaud écrivait dans un de ses articles pour l’Humanité que,
dans une école bombardée, ses pieds baignaient dans le sang.
Celle du coup d’État de Pinochet, au Chili, qui avait bouleversé en France
toute la gauche attentive, car elle s’en sentait si proche, au gouvernement
d’Unité populaire de Salvador Allende assassiné, le 11 septembre 1973, le
jour même du putsch qui augurait un régime de terreur. Celle des années sombres
de l’Amérique latine et de l’opération « Condor ». Tortures,
arrestations arbitraires, assassinats dont ceux commis en larguant les
prisonniers depuis des hélicoptères dans la mer ou le Rio de la Plata.
Dear Henry comme il fut parfois appelé, le bon docteur Kissinger a toujours
nié être Mister Hyde. On sait aujourd’hui par nombre de documents déclassifiés
que, bien sûr, il savait tout parce qu’il y mettait lui-même la main, au nom
du « monde libre ». Le prix Nobel de la paix qui lui fut
attribué en 1973 pour avoir négocié la paix au Vietnam avec Le Duc Tho, qui,
lui, rejeta le prix, était une mascarade, une ruse de l’histoire qui conduisit
d’ailleurs des membres du comité Nobel à démissionner. Voilà que les faucons
étaient devenus colombes.
On va entendre qu’il fut un grand diplomate. On mettra en avant la
rencontre qu’il avait initiée entre Richard Nixon et Mao. Outre faire
contrepoids à l’URSS, sans doute avait-il anticipé alors le développement à
venir de la Chine. Diplomate, certes mais acteur majeur d’une politique de
superpuissance veillant par tous les moyens, même les plus abjects et
criminels, sur son pré carré en Amérique latine, veillant sur son influence au
Moyen-Orient en apportant tout son appui à Israël au mépris des droits des
Palestiniens.
Acteur majeur d’une politique de domination économique, militaire et
idéologique à l’échelle du monde. On voudrait que soit refermé le livre
d’une époque. Trop de choses aujourd’hui et peut-être pires demain nous
prouvent qu’il ne l’est pas.
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