Les mots « paix » et « cessez-le-feu » seront-ils
bientôt bannis, et ceux qui les prononcent poursuivis pour apologie du
terrorisme ? Celles et ceux chaque jour plus nombreux de par le monde à
être révoltés par le massacre à ciel ouvert perpétré dans la bande de Gaza
sont traités comme les complices du Hamas et de ses crimes odieux. Des
manifestations sont interdites et les citoyens traités comme des délinquants,
dans le but de faire taire par tous les moyens ceux qui désignent le
gouvernement israélien et son premier ministre, Benyamin Netanyahou, comme les
ordonnateurs des atrocités en cours. Une vérité intolérable à entendre
pour le camp belliciste, uni pour imposer l’idée d’une guerre juste menée au
nom de l’Occident contre le terrorisme.
Comme dans toute guerre, le mensonge tient lieu de vérité, le crime de
vertu, et vice-versa. Les pacifistes qui ont le tort de pleurer les
innocents des deux bords et de croire la paix possible entre
les peuples israélien et palestinien sont accusés de complaisance avec le
fanatisme islamiste. Les procureurs médiatiques qui leur donnent des leçons
d’humanisme en répétant qu’« une vie vaut une vie » justifient
de leur côté, tout en la déplorant, la mort de milliers de civils
palestiniens au nom du « droit d’Israël à se
défendre ». Ainsi, ceux qui attribuent dans les faits une
valeur différente aux vies humaines reprochent à ceux pour qui les
morts sont égaux dans le malheur et l’injustice d’être du côté de la barbarie.
Faites ce que je dis mais ne dites pas ce que je fais, tel est leur credo.
Ce scandaleux retournement de situation, « l’Humanité » en fait aussi
les frais, calomniée pour son engagement sans faille pour la paix, qui la
conduit à fustiger les soutiens revendiqués du gouvernement de guerre
israélien. Piqué au vif, Manuel Valls se fend d’une tribune dans
« l’Express » pour dénoncer une pseudo-connivence de « l’Humanité » – que
pourtant l’ancien premier ministre ne « lit pas », de son propre
aveu – avec l’antisémitisme, selon le procédé ignoble qui consiste à tirer un
signe égal entre contestation de la politique de Netanyahou et négation du
droit à l’existence d’Israël. Une accusation infâme et absurde, tous
nos écrits attestant du contraire.
D’autres croient nous atteindre en se vautrant dans l’immonde. Un
chroniqueur télé et radio de Bolloré s’étonne qu’un député s’apitoie
sur les morts de Gaza, mais pas sur les vaches et les
chiens tués par le Hamas. Vous avez bien lu. Une de ses comparses juge le
sort des enfants tombés sous les bombes de Netanyahou plus
acceptable que celui des victimes du Hamas, car eux
« ne mourront pas en ayant l’impression qu’en face d’eux l’humanité a
trahi ce qu’ils étaient en droit d’attendre ». De quel côté
sont le cynisme et l’inhumanité ?
La guerre est ce moment de vérité. Celui qui révèle au grand jour ce qu’il
en est de la réalité des professions de foi humanistes que les mêmes déclament
en temps plus cléments. Quant au courage, il est toujours du côté des artisans
de la paix, éternels persécutés des camps qui se font la guerre. « Le
courage, disait Jean Jaurès, le fondateur de notre journal, ce n’est pas de
laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut
résoudre. » Le courage, disait-il encore, « c’est de chercher la
vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant
qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos
mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». C’est
le moment ou jamais de tenir bon et de lui être fidèle.
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