Les bombardements de Gaza sont amplement accompagnés d’un incessant
bombardement idéologique et politique. Prenons bien garde ! Son objectif
est de nous diviser. Il est la source de rivières de haine. Il défie la vérité
et la raison. Loin des confrontations démocratiques, des évaluations
contradictoires, de la contribution à la formation d’un esprit public, il
désigne à la vindicte médiatique celles ou ceux qui ne répètent pas les mots
élevés dans les laboratoires de la dominante langue artificielle. Or, les mots,
le projet, le combat de l’heure devraient être pour toutes et tous :
cessez-le-feu ! Paix !
Personne à gauche, ni dans les partis, ni dans le mouvement syndical ou
associatif, n’a une seule seconde exonérer le Hamas de ses horribles crimes, de
sa violence terroriste, qui font tant de mal aux citoyennes et citoyens
israéliens. Et ce, d’autant moins que les moyens inhumains employés par le
Hamas desservent la juste cause des Palestiniens.
Tout le monde à gauche condamne le terrorisme, les crimes de guerre et les
crimes contre l’humanité, quel que soit le drapeau ou la religion au nom
desquels ils sont commis.
Qu’il existe des nuances, des différences, des divergences, rien de plus
normal, sinon il n’y aurait qu’un seul parti. Mais personne à gauche ne
soutient la construction à Gaza et dans toute la Palestine d’une théocratie.
Personne ne fait vœu d’antisémitisme. Demander un État palestinien libre, laïc
et indépendant n’est pas de l’antisémitisme. Il s’agit de faire vivre le droit
international.
Pourtant, c’est bien ce que veulent faire croire les commissaires du
prêt-à-penser évoluant sur la scène du grand cirque médiatico-politique. Leur
souci principal n’est pas le sort des Israéliens et encore moins des
Palestiniens, mais la division de la gauche tout en applaudissant à tout rompre
les expressions de l’extrême droite sur les bancs de l’Assemblée nationale. Du
même coup, cela permet de jeter un voile télévisuel sur un nouveau coup de
force du pouvoir : la dix-septième utilisation de l’article bâillon 49.3,
pour empêcher tout débat sur le budget de la nation de l’année prochaine.
Casser la gauche est évidemment, pour les milieux d’affaires, la condition
nécessaire pour empêcher toute perspective de transformation sociale,
démocratique et écologique alors que nos concitoyens rejettent de plus en plus
le pouvoir et le système qu’il promeut. C’est aussi le moyen de taire le vote majoritaire
de l’Assemblée nationale, en 2014, appelant le président de la France à
reconnaître officiellement l’État de Palestine.
Telle est la question fondamentale.
J’ai qualifié ici même le carnage produit par le Hamas d’actions
terroristes, à visée génocidaire contre les juifs. La vérité oblige à dire
aussi que son essor a été voulu et financé par le pouvoir israélien dès les
années 1990 pour détruire l’OLP et affaiblir l’Autorité palestinienne. Je n’y
reviens pas. Il s’agit aussi de crimes de guerre, passibles de la Cour pénale
internationale que notre pays et l’Union européenne s’honoreraient à saisir
immédiatement. Cela obligerait également à juger les crimes de guerre perpétrés
en ce moment même par l’armée israélienne à Gaza. De cela, il est pris grand
soin de n’en point parler dans les fabriques de l’information alors que la
colonisation s’accélère en Cisjordanie, et que les Palestiniens qui y demeurent
sont pourchassés, emprisonnés, tués.
Mais si la cour médiatique et des politiciens du pouvoir, de la droite et
de l’extrême droite était si soucieuse des mots pourquoi ne disent-ils pas que
le président Sarkozy avait, dans les années 2008-2009, défendu la nécessité de
« parler » avec le Hamas ? Pourquoi, à l’époque, le chef du
Hamas était-il interrogé dans Le Figaro pour demander au chef
de l’État français de « donner une impulsion vitale à la
paix » ? Pourquoi se réjouit-on en haut lieu du rôle central que
joue la Qatar, financier du Hamas, pour la libération des otages ? C’est
au Qatar qu’est installée la direction politique du Hamas ainsi que sa
représentation extérieure avec un statut proche de celui d’une antenne
diplomatique. Ce même Qatar avec qui nos dirigeants multiplient les
partenariats économiques, financiers, militaires, sportifs, culturels. Il faut,
certes, bien trouver des canaux de dialogue, même avec ses pires ennemis, pour
libérer les otages et tenter d’empêcher le pire, mais alors pourquoi jeter
l’opprobre sur la gauche, jusqu’à cette lettre d’un sénateur à la première
ministre demandant « la dissolution » de La France insoumise ?
Et qui, demain ?
Voilà qui rappelle aux communistes, dont je suis, de tristes périodes de
notre histoire. Attention ! Le bulldozer politico-médiatique ne s’arrêtera
pas là.
Voici que le sinistre ministre de l’Intérieur accuse, sans produire aucune
preuve, le footballeur Karim Benzema d’être en « lien notoire avec
les Frères musulmans » alors qu’il est aujourd’hui sportif dans
l’un des pays – l’Arabie saoudite – où les Frères musulmans sont interdits et
classés comme organisation terroriste. « Agent de propagande du
Hamas » et « Français de papier », a même
clamé la dame Morano qui cherche une place sur une liste pour être réélue
députée européenne.
Omar Sy et Kylian Mbappé sont aussi poursuivis par la patrouille de la
bien-pensance, accusés de « ne rien dire ». Parce qu’elles viennent
en soutien aux réfugiés, plusieurs associations ont été menacées de ne plus
pouvoir accéder aux crédits publics pour leurs activités comme la Cimade, RESF,
le MRAP ou encore France Terre d’asile. Un équipage de policiers encagoulés est
venu à six heures du matin cueillir le secrétaire départemental de la CGT du
département du Nord, ainsi que la secrétaire administrative de cette même union
départementale. Un responsable de l’Union juive française pour la paix (UJFP) a
été interpellé en Alsace lors d’une manifestation.
On ne compte plus les saillies racistes, anti-musulmanes, dans les médias
depuis plus d’une semaine jusqu’à cette sortie de M. Frantz Olivier Giesberg
dans son éditorial du magazine Le Point accusant la gauche de
Fabien Roussel et de Jean-Luc Mélenchon d’avoir « dans les yeux en
guise d’étoiles, des voiles, des croissants, des minarets. Face aux collabos de
l’islamisme et à ses vitrines légales à l’Assemblée, notre gouvernement se doit
de mener un combat idéologique ». Ce même journaliste menait combat
avant cela pour que les partis communistes, socialistes et les forces de
libération nationale au Proche Orient disparaissent. Ce même journaliste
qualifiait hier Yasser Arafat de « terroriste ».
Voilà leur œuvre : avoir ouvert la voie royale à l’islamisme
politique. Si on suivait cette meute, même le secrétaire général de l’Onu
appelant « à la paix » et le pape François seraient aujourd’hui
poursuivis pour complicité avec le terrorisme lorsque ce dernier appelle « à
prier pour nos frères réfugiés et pour la paix ». Même la Cour
européenne des droits de l’homme est désormais dans le collimateur de
ministres.
Et, l’Humanité est accusée d’avoir, lors de l’une de ses fêtes, participé à
l’appel international pour la libération de Marwan Barghouti, en présence de
son épouse et avocate, alors même que le dirigeant palestinien n’est pas au
Hamas mais peut être le leadeur Palestinien susceptible de relancer un
processus de négociation pour la justice et la Paix.
Oui, j’insiste, le fond de l’air se couvre d’une âcre fumée. La chasse
contre toutes les voix jugées discordantes, contre celles et ceux qui veulent
manifester pour la paix, contre celles et ceux qui souhaitent défendre et
protéger nos frères et sœurs en humanité, contre les syndicalistes et militants
de la justice et du progrès, est ouverte.
Les militants de la justice et de la paix en Israël seraient ici désignés à
la vindicte générale et l’émouvante tribune de Neta Heiman serait clouée au
pilori. Mme Heiman est membre du mouvement Femmes pour la paix, elle est
la fille de Ditza Heiman (84 ans) qui a été kidnappée par le Hamas dans le
kibboutz Nir Oz. L’appel publié dans le journal israélien Haaretz serait
passible ici du grand tribunal médiatique. « Ma mère, âgée de
84 ans, a été prise en otage. C’est aussi en son nom que je plaide :
ne détruisez pas Gaza ! Ne détruisez pas la bande de Gaza ; cela
n’aidera personne et ne fera qu’entraîner un cycle de violence encore plus féroce
la prochaine fois. Et, lorsque le moment des négociations sur un cessez-le-feu
arrivera, profitez-en pour conclure un accord entre les deux parties – pas un
arrangement – mais un véritable accord de paix. L’histoire a prouvé que c’était
possible. Les accords de cessez-le-feu conclus après la guerre du Kippour de
1973 ont conduit à la visite d’Anouar el Sadate en Israël et à la paix en
Égypte, une paix qui dure depuis 45 ans. Ce n’est pas une paix idéale,
mais c’est tout de même une paix. »
Le même quotidien Haaretz écrivait dès le lendemain des attentats du Hamas,
soit le 8 octobre dernier, dans un éditorial aussi clair que puissant
que « cette nouvelle guerre était clairement imputable à une seule
personne : Benyamin Netanyahu », premier ministre qui a « établi
un gouvernement d’annexion et de dépossession » et qui a « adopté
une politique étrangère qui ignorait ouvertement l’existence et les droits des
Palestiniens ».
Ces courageuses voix réfutent la politique de la force, le « droit
à la vengeance » comme méthode de gouvernement – loin de ceux
qui, ici et à la présidence de la Commission européenne, répètent, au mépris du
droit international, leur « soutien inconditionnel » au
gouvernement israélien.
Ces voix de la paix refusent de nous laisser enfermer dans une funeste
tenaille entre fanatisme islamiste et extrême droite, soit entre deux versions
d’un proto-fascisme en maturation. Le capitalisme occidental a besoin de ce
manichéisme entre « le bien et le mal », de la théorie de « la
guerre de civilisations » pour fermer l’accès à tout espoir, au moment où
ce système dévastateur perd tant de terrain et de crédit auprès des peuples.
Dans ce contexte, le projet de « grand Israël », conçu comme pointe
avancée de cet Occident et rouage décisif de la construction d’un « grand
Moyen-Orient » pour dominer les peuples et écouler toujours plus de
marchandises des multinationales des pays du Nord, devient un enjeu crucial. En
témoigne le nombre de banques et de sociétés transnationales à base occidentale
impliquées dans la colonisation au nom de l’amélioration de leurs taux de
profit. En témoignent aussi les déploiements des forces militaires nord
américaines dépêchées sur place en quelques jours.
Les tentatives d’imposer une lecture religieuse de ces graves événements
criminels visent à obliger de choisir entre deux fondamentalismes alors que les
progressistes, les héritiers des Lumières, militent pour la justice, la
concorde et la paix – impossibles sans l’application du droit international
prévoyant une nation, un État pour le peuple palestinien au côté de l’État
Israélien. Il va de soi qu’un État n’a de sens que s’il est viable, avec une
continuité territoriale, pas des bantoustans dont on laisserait la gestion à
une fantomatique Autorité palestinienne. Il ne suffira donc pas de demander
l’arrêt de la colonisation. Il faudra agir pour une décolonisation.
Ces questions sont incontournables. Tant qu’elles n’auront pas trouvé leur
résolution, le sort du peuple palestinien restera cette arête en travers de la
gorge de notre humanité commune.
C’est le grand mouvement populaire unitaire entamé dans notre pays, aux
côtés de ceux des pays arabes et aux États-Unis qui fera taire le feu
destructeur des armes et pousser ceux de la justice et de la paix impliquant la
reconnaissance de deux peuples, deux États vivant côte à côte en paix, en
harmonie, en solidarité et en sécurité.
Loin de la haine qui se déchaîne contre les forces de progrès, loin du déni
de ce droit supérieur qui devrait nous être commune : la grande paix
humaine.
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