En déclenchant une grève d’ores et déjà historique,
l’UAW vient d’enfoncer un coin dans un système. Même si l’ensemble des
75 % des Américains qui soutiennent ce syndicat (sondage Gallup) n’en ont
peut-être pas une conscience très claire, le combat que mènent les travailleurs
de l’automobile, comme l’explique Bernie Sanders, « ne porte pas
uniquement sur des salaires, des conditions de travail et des retraites décents
dans l’industrie automobile. Il s’agit d’un combat pour s’attaquer à la
cupidité des entreprises et pour dire aux gens au sommet que ce pays appartient
à nous tous, pas seulement à quelques-uns ».
Si ce conflit marque autant les États-Unis, c’est que
le secteur de l’industrie automobile nord-américaine est emblématique. Dans
l’histoire du capitalisme industriel Made in USA, un emploi syndiqué dans
l’industrie automobile était la référence, pour la classe ouvrière américaine,
en matière de salaire, protection sociale, retraite. Les patrons ont
profité des crises qui ont frappé ce secteur pour rogner toutes ces conquêtes.
À tel point qu’au cours des vingt dernières années, le
salaire moyen des travailleurs américains de l’automobile a diminué de
30 %, en tenant compte de l’inflation. Les nouveaux embauchés n’ont
pas le statut d’« auto workers » et sont utilisés pour faire pression
sur les anciens.
D’une pierre, deux coups. Augmenter le taux de profit
afin de gaver les actionnaires, mais également envoyer un message à l’ensemble
du peuple américain : « Regardez, même les travailleurs de
l’automobile doivent se serrer la ceinture et se taire. »
Les ouvriers de l’automobile étaient l’incarnation du
rêve américain, d’une classe laborieuse mais ayant accès à la propriété, à la
société de consommation et de loisirs du XXe siècle. Ils
étaient la classe moyenne en col-bleu. Ils aspirent à le redevenir.
Mais d’une classe moyenne du XXIe siècle,
dont les aspirations sont sociales et économiques, et aussi environnementales.
Pour gagner, ils devront réussir à enfoncer le coin si profondément qu’il
touchera au cœur du système capitaliste actuel. Pas encore le socialisme,
certes, mais déjà une juste redistribution des richesses. De quoi inspirer
l’ensemble des travailleurs états-uniens.
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