C’est un texte qui fera date dans les annales de la
République. Présenté par le communiste Nicolas Sansu et le centriste Jean-Paul
Mattei, ce rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine dresse un bilan
de l’évolution de notre société, montre comment celle-ci est passée d’une
société du mérite à une société de rentiers. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « La
fortune héritée représente aujourd’hui 60 % du patrimoine total, contre
35 % dans les années 1970 », constate ainsi le rapporteur Nicolas
Sansu. Mais ce que pointe ce rapport, c’est l’accélération du phénomène au
cours des vingt dernières années. Au début de l’année 2021, 92 % de la
masse de patrimoine brut est ainsi détenue par la moitié la mieux dotée des
ménages ; les 5 % les mieux dotés détiennent un tiers des avoirs
patrimoniaux et les 1 % les mieux dotés en concentrent 15 %. D’autant
qu’au patrimoine immobilier s’ajoute le patrimoine financier dont la
répartition est encore plus inégale. Sans oublier le rôle croissant joué par le
patrimoine hérité dans l’aggravation des inégalités.
Alors certes, « ce rapport ne propose pas
un “grand soir” fiscal », tient à souligner Jean-Paul Mattéi dans son
avant-propos, pour rassurer les possédants. Mais tout dans son contenu plaide
non seulement pour une profonde réforme fiscale, dont Nicolas Sansu dresse les
contours, mais également pour une remise à plat des concepts de propriété, de
patrimoine et d’héritage. Jean-Paul Mattei, en bon libéral, rappelle le « principe
cardinal de l’inviolabilité du droit de propriété – qui se voit consacrée comme
une liberté individuelle ». C’est l’argument qui sert de justification
à l’accumulation sans fin. Pourtant celui-ci est discutable et discuté de
Thomas d’Aquin à Karl Marx en passant par Robespierre. Le concept même
d’un « droit naturel à la propriété », inviolable et
intouchable, a déjà été contesté, limité, voire mis en cause. La propriété et
le patrimoine ne peuvent pas être synonymes de ce que l’Incorruptible appelait
la « cupidité homicide » qui conduit certains
à « entasser des monceaux de blé, à côté de son semblable qui
meurt de faim ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire