mercredi 27 septembre 2023

« Cupidité homicide », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



C’est un texte qui fera date dans les annales de la République. Présenté par le communiste Nicolas Sansu et le centriste Jean-Paul Mattei, ce rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine dresse un bilan de l’évolution de notre société, montre comment celle-ci est passée d’une société du mérite à une société de rentiers. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « La fortune héritée représente aujourd’hui 60 % du patrimoine total, contre 35 % dans les années 1970 », constate ainsi le rapporteur Nicolas Sansu. Mais ce que pointe ce rapport, c’est l’accélération du phénomène au cours des vingt dernières années. Au début de l’année 2021, 92 % de la masse de patrimoine brut est ainsi détenue par la moitié la mieux dotée des ménages ; les 5 % les mieux dotés détiennent un tiers des avoirs patrimoniaux et les 1 % les mieux dotés en concentrent 15 %. D’autant qu’au patrimoine immobilier s’ajoute le patrimoine financier dont la répartition est encore plus inégale. Sans oublier le rôle croissant joué par le patrimoine hérité dans l’aggravation des inégalités.

Alors certes, « ce rapport ne propose pas un “grand soir” fiscal », tient à souligner Jean-Paul Mattéi dans son avant-propos, pour rassurer les possédants. Mais tout dans son contenu plaide non seulement pour une profonde réforme fiscale, dont Nicolas Sansu dresse les contours, mais également pour une remise à plat des concepts de propriété, de patrimoine et d’héritage. Jean-Paul Mattei, en bon libéral, rappelle le « principe cardinal de l’inviolabilité du droit de propriété – qui se voit consacrée comme une liberté individuelle ». C’est l’argument qui sert de justification à l’accumulation sans fin. Pourtant celui-ci est discutable et discuté de Thomas d’Aquin à Karl Marx en passant par Robespierre. Le concept même d’un « droit naturel à la propriété », inviolable et intouchable, a déjà été contesté, limité, voire mis en cause. La propriété et le patrimoine ne peuvent pas être synonymes de ce que l’Incorruptible appelait la « cupidité homicide » qui conduit certains à « entasser des monceaux de blé, à côté de son semblable qui meurt de faim ».

 

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