La photo rappelle celle du corps du petit Aylan, trois
ans, échoué sur une plage de Turquie en 2015. Tout aussi terrible, le cliché
d’une mère et sa petite fille serrée contre elle dans la mort, en plein désert
tunisien, a fait le tour du monde. Il a révélé l’horreur vécue par les migrants
subsahariens ces dernières semaines. Comme Fati et Marie, d’autres ont péri de
soif et d’épuisement après avoir été abandonnés à leur sort, sans vivres et
sans eau, à la frontière avec la Libye par les autorités de Tunis.
La responsabilité du discours raciste du président
Kaïs Saïed dans cette tragédie est irrécusable, mais celle des gouvernements
européens n’est pas moins grande. Basée sur le modèle du donneur d’ordre et du
sous-traitant, la relation entre l’Europe et la Tunisie sur la question
migratoire consiste pour la première à déléguer à la seconde, moyennant finances,
la gestion de l’arrivée des exilés, avec un objectif : qu’ils n’atteignent
pas les côtes de notre continent. Une façon de se déresponsabiliser en fermant les yeux sur la violation de tous les droits,
principes et valeurs que l’Union européenne prétend défendre. Cette même
logique a coûté la vie à au moins six exilés noyés au large de Calais, le
12 août. Le gouvernement pointe la responsabilité des passeurs. Mais ce
trafic mortifère prospère sur les politiques sécuritaires, cette fois au
bénéfice de la Grande-Bretagne dont notre pays joue les gardes-côtes sans
résultat probant sur le nombre de candidats à la traversée de la Manche.
Une fois de plus, l’extrême droite récolte les fruits
de cette politique qui présente l’étranger ou supposé tel comme un danger pour
la cohésion de nos sociétés. Pas plus tard que ce week-end, l’agression
terrible à Cherbourg d’une jeune femme, violée et très grièvement blessée, a
donné lieu à un déluge raciste de la part de cette mouvance, plus intéressée
par le prénom du suspect que par les violences faites aux femmes. La justice se
doit de sanctionner ces crimes sans faiblir, quelle que soit l’origine de leurs
auteurs. Mais cela ne saurait excuser ou légitimer le crime de nos sociétés,
qui laissent périr des innocents sans réagir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire