Diabolisation de la gauche contre normalisation de
l’extrême droite. Certes, la pièce revient souvent mais elle est jouée avec de
plus en plus d’intensité. Ses acteurs, qui renvoient la gauche au ban de la
République, se déchaînent de plateaux télévisés en éditoriaux. Et pendant ce
temps, les thèses les plus rances gagnent sans cesse du terrain. Las, malgré sa
prétention de faire rempart, il ne faut pas compter sur le camp présidentiel.
Car, non seulement LR, qui a choisi de camper une ligne dure pour faire son
trou, est un maillon de 62 députés nécessaire à qui veut prétendre faire
adopter des lois malgré une majorité relative. Mais, au-delà, il y a
convergence sur le fond. Rappelons-nous Bruno Le Maire qui se fait le défenseur
de « nos
compatriotes » qui « n’ont aucune envie de voir des personnes bénéficier d’aides (pour) les
renvoyer au Maghreb », d’Emmanuel
Macron qui évoque la « décivilisation » quand son
ministre de l’Intérieur parle
d’« ensauvagement ».
L’embrasement à la suite de la mort de Nahel
n’aurait-il pas des raisons profondes ? Le racisme systémique n’aurait-il pas un rapport ? Pourrait-on enfin agir contre les violences
policières ? Même esquisser ces questions entraînera bientôt le bannissement. La réponse est
pourtant trois fois oui. Mais point de critiques possibles, encore moins d’alternatives. Voilà l’objectif des formules lapidaires d’exclusion du champ républicain qui ne valent plus pour les promoteurs de haine. Et à ce jeu-là,
toute la gauche – quand bien même il y existe de réels désaccords –
risque de se faire rattraper.
Les fameuses « valeurs de la République » entonnées en chœur se résument désormais bien souvent à « ordre, travail, progrès » – selon les termes employés par le chef de l’État – saupoudrés de vert, parce qu’il faut bien
donner le change. Le parti de l’ordre, donc,
qui impose le travail sans justice ni répartition, et le progrès réservé aux seuls
nantis tant redistribution et services publics sont mal en point. Pourtant, la
promesse de la République est tout autre : liberté, égalité, fraternité. Non content de balayer la devise, à force de vouloir diviser à gauche pour mieux régner, le pouvoir prend sciemment le risque de servir de marchepied à
l’extrême droite. Reste à éviter ce piège grossier.
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