La ministre de la Culture a été « estomaquée par le discours si injuste » de Justine
Triet lors de la réception à Cannes de sa Palme d’or (lire aussi page 9). Il est
vrai que la réalisatrice n’a pas manqué d’estomac en évoquant la bataille des retraites avec l’attitude « choquante du gouvernement » et la « marchandisation » de la culture à laquelle le cinéma n’échappe
pas. Mais ce qui est estomaquant, c’est la réaction de Rima Abdul-Malak : « Ce film n’aurait pu voir le jour sans notre modèle français de financement du cinéma. » Possible, mais Justine Triet aurait dû se taire,
remercier tout le monde et aussi le ministère ?
Un peu d’histoire. Le Centre national de la
cinématographie est créé en 1946, avec un vote de l’Assemblée nationale, dans
une grande période de reconstruction de la France. La même année, le Festival
de Cannes, dont la CGT est cofondatrice, va donner le grand prix international
de la mise en scène à la Bataille du rail, de René Clément,
évoquant la résistance des cheminots. Avec ses propos et à sa manière, Justine
Triet a défendu une certaine conception du cinéma, de son ambition, du rôle des
artistes et de la création.
À cet égard, au-delà de la ministre, la réaction d’une
partie du monde politique est éclairante et affligeante. Le maire de Cannes,
David Lisnard, figure des Républicains, a déploré « une seule complainte, celle de la réalisatrice française, au discours d’enfant gâtée et si conformiste ». On entend la petite musique misogyne mais, surtout, à l’image d’autres
réactions macronistes ou de droite, cette demande aux artistes d’être glamour
sur le tapis rouge, de faire de jolies choses et, sinon, de se taire. C’est
aussi ce que demandait, il y a peu, l’extrême droite, en voulant que soit
censurée une peinture au palais de Tokyo de l’artiste Miriam Cahn, évoquant des
abus sexuels en temps de guerre. De Goya, avec le Tres de Mayo, à Guernica,
en passant par les Massacres de Scio de Delacroix ou
encore la Barricade de Manet, la grandeur de l’art est
aussi, pas seulement mais aussi, d’être pleinement de son temps, et la grandeur
des artistes, c’est de le dire, comme le firent en 1968 Godard et
Truffaut… à Cannes.
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