Exposition Du surréalisme à l’art brut, le
XXe siècle a remis en question les hiérarchies et les frontières de la
création. Le LaM de Villeneuve-d’Ascq invite les visiteurs à les explorer.
Maurice Ulrich
« Je cherche l’or du temps. » C’est à cette phrase d’André Breton que la nouvelle exposition du
Musée de la métropole lilloise à Villeneuve-d’Ascq, le LaM, a emprunté son
titre. « Chercher l’or du temps », avec l’ambition d’évoquer tout à la fois le surréalisme, l’art brut, l’art naturel et l’art magique. Approcher, écrivent les commissaires de
l’exposition, « un point d’origine de l’art, un art à l’état natif jaillissant des
profondeurs de la condition humaine : c’est ce que cherchent, avec des moyens différents, André Breton et les groupes surréalistes, puis les membres de la compagnie de
l’art brut réunis par Jean Dubuffet. » C’est donc assez logiquement que la première
salle évoque les questions posées par André Breton aux soldats traumatisés
revenant du front, alors qu’il exerce à Saint-Dizier en tant que médecin
militaire auxiliaire : « Avec qui la France est-elle en guerre ? À quoi rêvez-vous la nuit ? » Sans doute la naissance du surréalisme est-elle plus complexe, avec
les rôles différents d’Apollinaire, à qui l’on doit le mot lui-même, d’Aragon
et Philippe Soupault, la naissance du mouvement Dada en 1916, la révolte contre
la guerre elle-même, mais commencer par le rêve ou plus précisément la volonté
de libérer les forces de l’inconscient n’est pas illégitime. Aragon lui-même
publie, en 1924, la même année que paraît le premier manifeste du
surréalisme, Une vague de rêves.
La liberté de la folie face à la
normalisation de l’esprit
De là à se tourner vers la folie, il n’y a qu’un pas.
Dans une lettre adressée « aux médecins chefs
des asiles de fous », nous dit-on, Antonin Artaud, Robert Desnos et Théodore Fraenkel insistent sur ce qu’ils pensent être la liberté de la folie
face à la normalisation de l’esprit. C’est Max Ernst qui, en 1922, va arriver en France avec
le livre Expressions de la folie, de Hans Prinzhorn, qui rassemble des productions
de malades mentaux et leur donne une réelle visibilité, après quelques
publications en France dont, en 1907, l’Art chez les fous, de
Marcel Réja.
L’exposition entend toutefois explorer plusieurs
chemins. Une salle entière, sous l’intitulé « Le temple de la nature » est ainsi consacrée au palais du facteur Cheval, dans la Drôme, et à ses propres mots, en relatant avoir heurté une pierre, « puisque la nature fournit les sculptures, je me ferai
architecte et maçon ». Les
surréalistes vont en faire un lieu emblématique. Ils vont aussi s’intéresser
aux formes de la nature, aux frontières confuses du vivant.
L’exposition évoque aussi la création et l’apport à la
Résistance de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, en Lozère, pendant la
Seconde Guerre mondiale, avec les figures des médecins François Tosquelles et
Lucien Bonnafé, participant également à une nouvelle définition de la
maladie mentale. On découvre encore l’histoire des relations, qui finiront sur
un désaccord, entre André Breton et Jean Dubuffet, inventeur en 1945 du concept
d’art brut pour la création, et à partir de 1948, d’un Almanach de
l’art brut, donc. Il ne verra pas le jour, mais de multiples éléments
sont à découvrir qui ont participé à cette tentative. L’exposition aux
multiples entrées, qui implique aussi bien les artistes que les poètes, les
psychanalystes, les créateurs anonymes, s’arrête à l’année 1969, avec
l’autodissolution du mouvement surréaliste dont la charge explosive était
éteinte depuis longtemps déjà. On retient cependant l’essentiel. Le
XXe siècle a amplement contribué à briser les frontières et les
hiérarchies de l’art et de la création, mentales et pour partie géographiques.
M. U.
Jusqu’au 29 janvier. Rens. : www.musee-lam.fr. Catalogue coédité par Snoeck et le
LaM, 274 pages, 35 euros.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire