Jean
Castex et Olivier Véran ont dévoilé jeudi un calendrier de levée progressive
des restrictions sanitaires avec en ligne de mire la fin du télétravail
obligatoire, des jauges et du port du masque à l'extérieur.
La
lumière au bout du tunnel ? Quand bien même le nombre de contaminations a
encore atteint un record hier, Jean Castex et Olivier Véran ont renoué avec la
traditionnelle conférence de presse du jeudi soir, pour annoncer de bonnes nouvelles.
Et deux grandes échéances : le 2 février, le télétravail ne sera plus
obligatoire, les jauges seront supprimées dans les lieux recevant du public et
l'obligation du port du masque en extérieur sera levée. Puis, le 16 février,
les discothèques pourront rouvrir et le protocole sera allégé dans les bars,
stades, cinémas et transports.
Une
perspective qui a de quoi réjouir les Français, mais qui a été accueillie avec
plus de prudence par la communauté scientifique. De fait, la France a de
nouveau franchi hier la barre des 400.000 cas quotidiens, avec 425.183
contaminations en 24 heures. Elle compte encore 3842 malades en soins critiques
et les admissions en soins conventionnels sont en constante hausse. De quoi
interroger sur le timing de ces annonces.
«
Ce qu'il faudrait, pour commencer à alléger, c'est déjà passer le
pic des contaminations, être sûr qu'il est derrière nous et que la descente est
franche», regrette auprès du Figaro l'épidémiologiste
et biostatisticien Jonathan Roux. «Et actuellement, on est sur un
semi-plateau qui monte». Le spécialiste s'inquiète également du
grand nombre de patients en soins critiques, même s'il est en légère baisse
quotidienne. «Il faudrait attendre un seuil plus bas, pour être sûr qu'on puisse
être en mesure d'absorber à l'hôpital un éventuel plateau que pourrait
occasionner un relâchement des restrictions», recommande-t-il. De
plus, il rappelle que, si Omicron semble moins dangereux que ces prédécesseurs,
il reste nocif pour les non-vaccinés, au nombre de 5 millions en France, dont
12% des 80 ans et plus. «On a toujours des personnes qui
peuvent faire des formes graves», souligne Jonathan Roux.
Même
son de cloche pour Antoine FLAHAULT, directeur de l'Institut de santé globale
de Genève. «Ce n'est pas au sommet de la vague qu'on est le plus inspiré
d'alléger les mesures», soupire l'épidémiologiste auprès du Figaro. «Il faudrait mieux patienter
quelques semaines, que tout redescende et que la reprise de contrôle soit
vraiment assurée», ajoute-t-il. De fait, le professeur est favorable
à une levée des mesures, mais uniquement quand la France connaîtra une
accalmie. « Et une accalmie, c'est passer en dessous de 5000 cas par jour »,
estime-t-il.
Plus
spécifiquement, Antoine FLAHAULT est favorable à la levée des jauges dans les
lieux de culture, qui ne sont pas, selon lui, «la mesure la plus efficace».
Il regrette en revanche que le télétravail ne soit plus obligatoire. «C'est une mesure qui permet de mettre de la distanciation sociale,
d'éviter de surcharger les transports publics. C'est lourd et pesant, mais sans
doute efficace», explique-t-il. Et l'épidémiologiste adresse un
avertissement : «En levant les restrictions, on augmente les
interactions sociales à risque, donc on crée un appel d'air sur les foyers
épidémiques et on augmente le risque que ça reparte. Par ailleurs, si un autre
variant venait à se propager, on lui donnerait un boulevard pour pouvoir se
répandre».
Globalement, le discours des scientifiques est unanime : ces annonces semblent prématurées. «Sur le plan sanitaire, c'est un peu décalé par rapport à l'avis du conseil scientifique», qui craint notamment que la tension hospitalière dure jusqu'à la mi-mars, a réagi le professeur Gilles PIALLOUX, ce vendredi matin. «Là je pense que c'est un peu le calendrier de l'Avent : on ouvre des portes et on ne sait pas trop ce qu'il y a derrière», regrette le chef des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon. Avant d'ajouter : «C'est le virus qui est toujours maître du temps. On peut donner des gages d'allègement aux Français, mais la réalité nous rattrape».
L'épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill ne dit pas autre chose : « C'est très imprudent, cela relève d'un optimisme que j'ai du mal à partager». Pour elle, le risque de ces annonces est «de faire circuler encore plus le virus et de voir augmenter les contaminations, les gens vont penser que ça va mieux et vont faire moins attention ». La scientifique alerte aussi sur la potentielle apparition d'un nouveau variant, «comme BA.2, émergent». Une inquiétude partagée par le professeur Antoine FLAHAULT. « Ce sous-variant s'impose au Danemark et semble changer un peu le court de la décrue programmée là-bas ».
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